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Subra

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r le territoire. Face à des citoyens regroupés en associations et à des entreprises qui n'ont pas forcément des intérêts convergents, les pouvoirs publics ont de plus en plus de mal à imposer leur point de vue ou à faire valoir un arbitrage acceptable par tous. Parmi des analyses toutes remarquables (les terrains Renault de Boulogne-Billancourt, la fermeture des maternités dans les petites villes, le tracé du TGV Nord, la localisation du Stade de France, et bien d'autres qu'un compte-rendu rapide ne peut mentionner), on appréciera notamment ce que Philippe Subra dit du phénomène nimby : l'union sacrée (« la crise et le conflit fédèrent le système local des acteurs », p. 68) pour concentrer les avantages des équipements et en éviter les nuisances réelles ou supposées constitue un égoïsme territorial contraire à l'idée de bien commun. Mais, il est parfois difficile de dire à quelle échelle géographique le bien commun doit être défini et peut trouver la légitimité qui le consoliderait devant les intérêts particuliers. Cette lecture géopolitique, très convaincante, qui analyse les conflits d'acteurs pour le contrôle des territoires, conduit alors à observer les conditions même de la compétition politique. C'est l'occasion d'analyses très perspicaces et très vivantes sur la démocratie participative dans ses relations avec la démocratie représentative (on sait gré à l'auteur de montrer à la fois l'intérêt du débat public et la nécessaire reconnaissance de la légitimité démocratique des élus) et sur les nouveaux territoires politiques que sont les régions et les différentes structures intercommunales. S'il fallait encore démontrer que l’État n'est plus le seul acteur institutionnel dans cette affaire, ces pages y suffiraient.

Que conclure, sinon reprendre la conclusion de l'ouvrage qui réaffirme la dimension géopolitique de l’aménagement et résume brillamment l'argumentaire, non sans égratigner la géographie dite « classique » qui traite de la chose comme d'une affaire technique. Cette affaire est politique. Elle concerne la géographie. Elle est géopolitique. Philippe Subra le démontre avec une telle rigueur et dans un style si vif et si plaisant qu'il deviendra difficile désormais de parler de l'aménagement sans faire référence à son travail.

Quel est le rapport entre le tgv, un grand stade, les délocalisations, la Poste, un centre d’accueil pour toxicomanes et les Jeux Olympiques ? L’aménagement du territoire bien sûr. Tous ces exemples sont abordés dans l’ouvrage de Philippe Subra pour démontrer comment les acteurs interviennent dans l’aménagement, tantôt pour attirer une grande compétition ou un grand équipement, tantôt pour défendre un patrimoine et un cadre de vie, tantôt pour résister au départ d’une entreprise ou d’un service public. L’auteur démontre, à grand renfort d’exemples, que « l’aménagement fait conflit » depuis une vingtaine d’années en France. Après avoir été un projet national, bénéficiant d’un large consensus, « l’aménagement est devenu le champ d’expression du discours, de représentations et au fond d’intérêts très largement contradictoires » (p. 301). C’est à l’analyse de ces discours, représentations et intérêts divergents dans les projets d’aménagement du territoire qu’est consacré cet ouvrage de « géopolitique locale ». On savait déjà que la France est un « territoire à ménager » pour reprendre le titre de l’ouvrage de Roger Brunet (1993) ; cet ouvrage ajoute que les acteurs ne se ménagent pas pour conserver, attirer ou refuser l’aménagement.

Philippe Subra, maître de conférences à l’Institut Français de Géopolitique de l’université de Paris 8, signe là son second ouvrage personnel après celui sur la reconversion du Valenciennois1. Déjà dans ce premier opus tiré de sa thèse de géographie soutenue en 1994, il mettait en avant les rivalités entre les acteurs de la sphère technique et politique dans la transformation du Valenciennois. Dans « Géopolitique de l’aménagement du territoire », l’auteur multiplie les cas d’études et met à profit une connaissance fine des jeux d’acteurs dans de multiples projets d’aménagement en France. On apprécie tout particulièrement qu’il prenne des exemples variés par leur localisation (les cas proviennent de toutes les régions françaises) et par leur thème : de la question des transports, très présente dans l’ouvrage, à celle du logement en passant par l’industrie… Beaucoup de secteurs sont ainsi passés en revue dans l’ouvrage.

Sept chapitres offrent une analyse dense et complète du contexte géopolitique, des types de conflits d’aménagement et des acteurs en transformations. Dans le premier chapitre, l’auteur expose l’évolution du modèle français en matière d’aménagement du territoire et identifie les raisons du développement des conflits d’aménagement. Il construit ensuite une typologie en trois points qui font l’objet d’une analyse plus poussée :

* L’aménagement menacé (chapitre 2) porte sur les résistances locales au « déménagement » du territoire (délocalisation, rationalisation des services publics...) ;

* L’aménagement convoité (chapitre 3) permet d’observer les concurrences et rivalités qui s’exacerbent pour attirer les grands équipements et évènements ;

* L’aménagement rejeté (chapitre 4) examine l’émergence du syndrome nimby qui s’exprime par une multiplication des luttes contre les nuisances « environnementales » mais aussi « sociales » (chapitre 5).

Dans le prolongement, le sixième chapitre dresse un bilan des enjeux et perspectives en matière de démocratie participative et de débat public. Le septième et ultime chapitre revient sur la recomposition des territoires régionaux et intercommunaux et sur le repositionnement de l’État.

Quand l’aménagement fait conflit.

Pourquoi les grands projets industriels, la réalisation des nouvelles infrastructures et des grands équipements culturels ou sportifs sont-ils devenus l’enjeu de rivalités de plus en plus fortes entre les territoires ou leurs représentants ? C’est, en substance, la question que pose Philippe Subra au début de son ouvrage. Pour comprendre le changement de contexte « géopolitique », l’auteur observe tout d’abord un mouvement de « re-politisation » des français qui aurait débuté lors de la campagne du référendum européen en mai 2005 et qui s’est confirmé lors des élections présidentielles de 2007. La suite de l’ouvrage fait la démonstration que la question du territoire et de son aménagement serait à l’origine de ce nouvel engouement des français pour une politique davantage « territorialisée ». Les débats sur la crise du logement, la crise écologique, les délocalisations, l’immigration, les banlieues ou les zones rurales sont autant de thèmes qui participent à la « territorialisation du débat politique ». Seulement, cet intérêt croissant pour ces thématiques provoque, depuis vingt-cinq ans, une multiplication des conflits de tous types autour des projets et des politiques d’aménagement. Il n’y aurait plus qu’un seul acteur concerné par l’aménagement du territoire, en l’occurrence l’État qui a bénéficié jusqu’aux années 1970 d’un rôle dirigeant et pratiquement exclusif, mais une multitude d’intervenants et de préoccupations.

À partir des années 1980, de multiples facteurs comme la crise économique, l’émergence de préoccupations écologiques, la crise de légitimité de l’État, la croissance des classes moyennes, contribuent, selon Philippe Subra, à faire de la contestation une « norme » dans les projets d’aménagement. Précisément, « la montée en puissance des conflits autour des projets d’aménagement est telle, depuis une vingtaine d’années, que l’on peut se demander si l’on n’assiste pas en réalité à un glissement progressif de la conflictualité dans notre société du champ du social vers celui du territorial » (p. 39).

Ainsi, le cœur de l’ouvrage est consacré à l’aménagement du territoire en tant qu’objet de débats, de polémiques et, de plus en plus souvent, d’affrontements. Dans le livre de Philippe Subra, les rivalités, concurrences, ou à l’inverse, les synergies et coalitions d’intérêts dans les jeux d’acteurs, sont décortiquées pour montrer combien il est important d’appréhender « l’aménagement » par l’intermédiaire des conflits qui l’incarnent.

Typologie des conflits d’aménagement : déménager, manager, ménager le territoire.

Une difficulté de lecture de l’ouvrage peut provenir de la richesse des exemples présentés, pour lesquels il faut systématiquement remettre en place le contexte, les acteurs impliqués, leur rôle, leur positionnement… Cependant, le lecteur est bien orienté par des intitulés précis et fréquents ainsi que par des encarts sur certains cas spécifiques qui n’alourdissent pas la rédaction. L’ouvrage nous propose une typologie à la fin du premier chapitre (p. 45) pour guider le lecteur et discerner plusieurs modèles de conflits d’aménagement. Cette typologie tient compte de plusieurs facteurs comme la position de l’État (rôle moteur, en retrait, en arbitre), les acteurs concernés (implication des élus, des collectivités, mobilisation des habitants,…) ou l’échelle du conflit. L’auteur met ainsi en lumière trois grandes figures de conflits d’aménagement :

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