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Analyse Du Héros Dans "Cligès" De Chrétien De Troyes

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us dit cependant de Cligès, qu’il est bien plus sage, pourtant, à peine il termine d’écrire ce vers, que la description de sa perfection physique reprend le dessus :

« (…) mes Cligès en ot plus grant masse,

Tant con li ors le cuivre passe

Et plus que je ne di encor.

Si Chevol resanbloient d’or (…)

La sagesse fait donc directement écho à la description de ses cheveux. On voit alors une approche ironique du héros par Chrétien de Troyes. De plus, même Fénice ne semble voir tout d’abord que sa beauté:

« Por biauté qu’an home veïst,

N’est droiz qu’aillors son cuer meïst. »

Aimer un homme pour sa seule beauté, ce n’est pas ce qu’il y’a de plus flatteur pour notre héros, qui reste finalement une belle enveloppe sur un esprit qui nous paraît relativement vide. De plus, la description de ce personnage comporte des consonances féminines. En effet, il paraîtrait plus normale que ce portait, qui maximise la beauté, soit attribué à une femme et non à un héros. Sa virilité est mise de côté.

On peut encore ajouter que contrairement aux autres héros de Chrétien de Troyes, et on peut même citer Lancelot qui semble devenir plus habile lors de son voyage, Cligès ne subit aucune initiation. Il se présente déjà comme un personnage parfait qui possède toutes les aptitudes requises et qui n’évolue finalement pas au fil du texte. Il ne participe d’ailleurs à aucun grand combat qui le ferait évolué, mais uniquement à des duels et à un tournoi et utilise la ruse. Comme le site Per Nykrog :

« Dans les autres romans de Chrétien chaque combat a un sens, une fonction dans la progression morale ou symbolique du héros, celle-ci n’en a pas, sauf celle d’assurer au héros un triomphe personnel et éclatant qui le mette en valeur. »

Cligès n’apparaît alors définitivement plus comme un héros si parfait.

Cligès, l’ombre d’Alexandre :

Après avoir lu la première partie du livre qui traite d’Alexandre, on est forcément frappé par les similarités qui se dégagent entre les deux récits. En effet, Cligès semble calqué sur l’image de son père. Dans sa présentation qui a été abordée auparavant, on peut observer qu’il possède en grande lignes les qualités de son père, sans le côté ironique. Puis, il va se confiner à suivre le même schéma. Il tombe amoureux de Fénice au premier regard, « Mes Clygés par amors conduit vers li ses ialz covertemant... » (Vers 2782-2783). Comme l’a fait son père pour Soredamor. L’amour des deux protagonistes va alors rester secret, aucun des deux couples n’osent divulguer ses sentiments à son partenaire. Mais alors qu’Alexandre a droit à un long monologue orné sur l’amour qui le fait souffrir, ce n’est pas le cas de Cligès, comme si le monologue avait déjà été conçu et n’avait plus besoin de l’être à nouveau. Les ressemblances ne se bornent pas à ces aspects. Alexandre se déguise durant la première bataille, il utilise l’illusion, pour vaincre l’ennemi, « Prenons les escuz et les lances as traïtors que ci venons : ainsi vers le chastel irons … ». (Vers 1830-1833). Cligès va faire exactement la même chose, mais cela sans but précis. En effet, il ne s’agit pas de ruser pour entrer dans un château. Il décide tout simplement de se revêtir des habits de son ennemi de manière mimétique à Alexandre, sans que rien ne le laisse présager :

« Cligès le hiaume et l’escu pris,

non pas le suen mes le celui

qui s’estoit conbatuz a lui,

et remontez estoit lors primes

sor le destrier celui meïsmes,

et leisse le suen estraier… »

Une scène qui marque également un parallèle très fort est celle du départ de Cligès pour la Bretagne. Déjà, le fait qu’il souhaite partir en Bretagne est une manière de suivre les traces de son père, mais plus encore, la situation du départ est totalement semblable. Cligès se présente devant le roi, comme Alexandre s’était présenté de son père pour demander la permission de s’en aller. Les deux scènes comportent des parallèles directs. Ainsi on retrouve, dans le cas de Cligès :

« Devant l’empereor s’aquialt

Et si li prie, se lui plest,

Que an Bretaigne aler le lest

Veoir son oncle et ses amis.

Ce qui se trouvait être chez Alexandre : « Pour congié prandre et demander, va a l’emperor parler ». (Vers 81-82). Dans les deux cas, le roi va refuser tout d’abord la demande et proposer son trône. Dans le cas de Cligès, il serait partagé avec Alis. Puis, le même schéma continue. Les deux protagonistes vont alors refuser, sous le prétexte de faire leur preuve en Angleterre, la terre où a eu lieu le translatio studii. Le refus se trouve à nouveau plus développé pour Alexandre que pour Cligès, qui semble simplement répéter ce que son père lui avait dit avant de mourir.

« Por ce toche an l’or a l’essai

Que l’an conoisse s’il est fins,

Moi essayer et esprover

La ou je cuit l’essai trover ».

Il ne s’ensuit aucun développement plus recherché. Le héros suit un parcours qui a déjà été effectué et qui lui a été soumis par son père, comme il le rappelle au tout début de ce passage, « Cligès li preuz, li afeitiez, panse au comandemant son père ». (Vers 4198-4199). Le même procédé va alors se poursuivre. Cligès va à nouveau se déguiser, à ce point près qu’aucune raison ne le pousse à le faire, puisque comme cela a été dit auparavant, il n’a aucun besoin d’entrer dans un lieu qui lui serait inaccessible, comme c’était le cas d’Alexandre. Mais là, encore c’est un commandement de son père qu’il met en pratique, il devait rester caché. Il pousse certainement la ruse plus loin. Ainsi les épisodes s’enchainent jusqu’à ce qu’à nouveau Arthur décide de venir en aide à Cligès, comme il l’avait fait pour son père, afin de reconquérir la Grèce.

Ce parallélisme structurel est rompu par un seul élément : la mise en place du plan de Fénice, qui a pour but de leur permettre de vivre ensemble. Mais là encore, on va décider à la place de Cligès qui suit simplement ce qui lui est imposé.

Cligès transparaît finalement comme l’ombre de son père, qui lui, semble plus être reconnu comme un véritable héros épique, déjà de par son prénom. Toute la vie de notre « anti-héros » est enchaînée par le parallélisme. Alexandre, qui fait ses preuves lors des combats au côté du roi Arthur, ne laisse place qu’à un Cligès qui pratique des petites luttes pour impressionner Fénice ou qui joute. Comme le dira Jacques Koijman :

«Toutefois, entre Alexandre et Cligès, Chrétien propose une comparaison implicite que la structure parallèle des épisodes facilites. Il nous a semblé que les savoureuses créations stylistiques de l’auteur étaient réservées, pour les scènes de bataille à Alexandre. »

Chrétien nous expose alors un héros, qu’il fait simplement varier quelque peu du chemin d’Alexandre. Ces variations sont des traces évidentes d’ironie. Elles ne nous apportent que peu d’attrait et de surprise mais procède plutôt à une déconstruction du héros. L’ironie apparaît bien lorsque l’on nous montre un héros qui semble parfait mais qui, selon les épisodes, ne l’est de loin pas. Au final, c’est un pâle reflet d’Alexandre. Comme le dira Peter Haidu :

« Cligès lui-même, comme personnage, est un peu mince, fonctionnant plus comme terme d’une comparaison et d’un contraste avec Alexandre et Fénice, que par lui-même ».

Cligès, soumis à Fénice :

Cligès n’est pas seulement une sorte d’ombre d’Alexandre, il semble également contraint à une sorte de soumission par Fénice. C’est elle qui va faire avancer le récit, au moment où ils oseront enfin s’avouer leur amour. D’ailleurs auparavant, c’est elle qui provoque les duels qu’il va mener, puisque c’est en cherchant son admiration qu’il livre ces combats. Comme l’écrit Koijman:

« Cligès est incontestablement le jouet de Fénice et souffre du rapprochement avec Alexandre. »

Lorsque Cligès revient de Bretagne, c’est elle-même qui va peu à peu le pousser à faire l’aveu de ses sentiments. Puis, elle lui dicte ses conditions, sa volonté de ne pas devenir Iseut. Cligès n’émet aucune contradiction. « Qant Cligès ot sa volonté, si li a tot acreanté et dist que molt sera bien fet. » (Vers 5265-5267). Même si elle lui laisse la nuit pour réfléchir à une solution, elle refuse tout

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