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Commentaire Ronsard Comme On Voit Sur La Branche

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a mort a tué Marie, comme la pluie et la chaleur ont tué la rose. Outre ce recours à la figure de la comparaison, la structure du poème souligne d’une autre manière l’identité entre la femme et la fleur : le dernier vers (parlant de Marie) s’achève par le mot « roses » et fait ainsi écho au premier vers, dont la structure syntaxique permet de mettre en relief le mot « rose » placé à la rime : « Comme on voit sur la branche au mois de mai la rose ». La fleur et la femme aimée sont ainsi unies par la rime et par cette structure circulaire du poème. Enfin, le premier tercet, pour évoquer Marie, reprend des termes qui ont servi à décrire la rose dans le premier quatrain : « première » (v. 2 et 9), « jeunesse » (v. 2) et « jeune » (v. 9), ce qui souligne une nouvelle fois la ressemblance entre les deux. De même, la rose est personnifiée, elle emprunte ses attributs à la femme – le nom « jeunesse » convient moins à une plante qu’à une femme – et la femme est en quelque sorte « naturalisée », puisqu’elle est transformée en « roses » au dernier vers. Le poète ne cesse donc, par divers moyens, de montrer que la rose et Marie ont une nature très semblable.

Mais pourquoi ce choix de la rose ? Quelles ressemblances partagent-elles précisément ? D’une part, elles ont en commun les mêmes qualités : la « jeunesse » d’une part, comme en témoigne le champ lexical du commencement, « mois de mai » (associé au printemps), « jeunesse », « première », « Aube », « point du jour », « première et jeune nouveauté ». La rose comme Marie rayonnent d’une « jeunesse » et d’une fraîcheur éclatantes. La « beauté » d’autre part : toutes deux charment les sens. Le poète nous dit ainsi que la fleur séduit par « sa vive couleur » (v. 3), ce qui relève du sens de la vue, et par son « odeur » (v. 6), ce qui relève du sens de l’odorat. En fait, Ronsard a choisi la rose pour sa valeur symbolique : la reine des fleurs représente la plus belle des femmes, car toutes deux figurent avec évidence « la grâce » et « l’amour » (v. 5), elles inspirent naturellement l’Amour. Finalement, elles rivalisent d’éclat avec les éléments naturels : la rose éclipse le ciel « jaloux de sa vive couleur », la femme aimée est placée au centre de l’univers et admirée de « la terre et [du] ciel [qui] honoraient [sa] beauté » (v. 10). Par cette allusion aux éléments naturels qui s’inclinent devant la rose et Marie, le poète fait un éloge hyperbolique, exagéré, de leur beauté. Cette comparaison, développée sur dix vers, qui repose sur des éléments narratifs, une personnification du « ciel » et de l’« Aube », une allégorisation des sentiments, « la grâce » et « l’amour », est donc très travaillée, très étudiée : Ronsard réutilise ici avec virtuosité un topos de la Pléiade, qui évoque très souvent la beauté de la femme en la comparant avec celle de la rose.

Cependant la fleur et la femme ne partagent pas que la beauté et la jeunesse, elles se ressemblent aussi par leur caractère éphémère – c’est un autre topos de la Pléiade – et ce poème de Ronsard s’attache surtout à évoquer cette beauté périssable. La rose et Marie sont toutes deux victimes de la fuite du temps, et confrontées à une mort inéluctable. En effet, la conjonction de coordination « mais », au centre exact du poème, introduit une rupture : la mort fait irruption dans le poème. Elle est à la fois brutale – rien dans le début du poème ne laissait présager qu’elle allait surgir – et présentée comme un long dépérissement, un déclin progressif, comme en témoignent l’adjectif « languissante » et le rythme extrêmement régulier (3/3//3/3) du vers 8. La fleur et la femme aimée subissent donc le même sort, elles sont condamnées à mourir, comme le marque le champ lexical de la mort : « meurt », « tuée », « cendres tu reposes », « obsèques », « mort ». Mais c’est une mort naturelle, qui est dans l’ordre normal de la nature, dans le cycle normal de la vie, même si Ronsard nous les présente toutes les deux comme des victimes. La rose périt à cause d’éléments naturels, la « pluie », et l’« ardeur », mais n’était-ce pas son destin naturel de fleur ? De même Marie meurt de la main de la « Parque », mais dans la mythologie grecque , cette divinité n’agit pas par quelconque vengeance, elle symbolise simplement le fait que la vie se termine naturellement par la mort. Seulement, ce qui est cruel et injuste dans le cas de Marie, c’est qu’elle meurt jeune, « en [sa] première et jeune nouveauté ». Ce poème peut donc être lu comme une réflexion sur la vie et la mort : la beauté, même la plus éclatante, la plus triomphale, est éphémère. La jeunesse comme la beauté sont périssables. D’ailleurs, dans ce sonnet qui utilise presque exclusivement des rimes en [ose] et en [eur], les deux seuls mots qui utilisent une autre rime sont « nouveauté » et « beauté » (v. 9-10), soit les deux qualités qui ont disparu avec la mort de Marie…

La femme tant aimée, tant louée, disparaît donc prématurément, vouant le poète à la souffrance, lui faisant éprouver la douleur de sa perte.

Dans ce poème à la tonalité élégiaque, le poète nous livre ses sentiments avec retenue.

D’abord, le poète s’adresse avec douleur à la femme qu’il aimait et qu’il a désormais perdue. Nous avons vu que les tercets explicitent la comparaison et permettent de comprendre que Ronsard n’évoque la rose que pour parler de sa bien-aimée, que pour parler à sa bien-aimée. En effet, une destinataire précise, Marie, entre en scène dans le premier tercet, au travers du pronom personnel « tu » et des déterminants possessifs « ta » et « ton », alors que l’énonciateur intervient de manière ultime dans le deuxième tercet, au travers du déterminant « mes », pour rendre hommage à Marie. Ce recours aux marques des première et deuxième personnes souligne la forte proximité que le poète affirme exister entre eux deux. Il s’adresse à sa maîtresse par delà la mort, en utilisant le présent de l’indicatif, comme si elle était encore présente et pouvait l’entendre. Il clame que leur amour est si fort qu’il survit à la mort, qu’il continuera à l’aimer par delà la mort. Cette expression du « moi », même discrète, cette adresse au « tu » nous montrent donc que ce poème relève du registre lyrique. Mais n’appartient-il pas plus précisément au registre élégiaque ?

En effet, nous retrouvons dans ce sonnet des thèmes élégiaques : l’amour malheureux, la disparition de l’être aimé, la mélancolie devant la fuite inéluctable du temps, la nostalgie du temps passé, l’expression du deuil. Le poète se plaint, exprime sa tristesse, comme le souligne la formule redondante « mes larmes et mes pleurs ». D’ailleurs, ce dernier mot fait écho aux « pleurs » de « l’Aube », et nous comprenons en relisant ce quatrième vers que la nature participe au deuil du poète, qu’elle avait en quelque sorte pressenti de manière prémonitoire la mort de la rose, c’est-à-dire de Marie. Enfin, si le poète se lamente avec retenue, sans recourir aux exclamations, aux hyperboles, il donne à sa plainte une forte musicalité : ainsi, le sonnet n’utilise que trois rimes ([ose], [eur], [té]) selon un schéma très inhabituel pour l’époque (ABBA ABBA CCA BBA). Les mêmes sons reviennent donc constamment, et ceci est encore accentué par l’allitération en [r] quasi omniprésente. Voilà qui montre que le poète éprouve un chagrin lancinant, qu’il est sans cesse tourmenté par la douleur du deuil.

Mais le sonnet n’a pas pour seule vocation d’exprimer la plainte du poète. Il veut aussi rendre hommage à la femme aimée, et même l’immortaliser. Le deuxième tercet a ainsi une valeur conclusive : le poète a dû constater la mort de sa bien-aimée, et se rend compte de la nécessité de lui rendre hommage. Et il s’en acquitte de trois manières : par la manifestation physique de son chagrin, les « larmes et [les] pleurs » comme nous l’avons vu, par des offrandes païennes – dans la tradition antique – le « lait » destiné à nourrir la défunte et les « fleurs » destinées à orner sa tombe, et surtout par le don de ce poème qui lui est dédié : écrire ce sonnet, c’est une manière de faire connaître à la postérité le nom de Marie, de l’immortaliser et donc de combattre la fuite du temps. En effet, nous avons

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