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quête du bonheur, qui se confond souvent avec la recherche de l’âme sœur, quand ils ne s’étourdissent pas dans les plaisirs. Félix de Vandenesse se trompe entre ses conquêtes parisiennes de dandy à la mode, et sa passion idéalisée pour Madame de Mortsauf, la Tourangelle du Lys dans la vallée.

Il existe même des personnages comme Lucien qui constatent que la réalité dépasse leurs rêves secrets. « Cette soirée [au théâtre] fut remarquable par la répudiation secrète d’une grande quantité de ses idées sur la vie de province. » N’ayant pu imaginer la variété, le changement incessant de la mode, Lucien et sa protectrice sont irrémédiablement séduits par les apparences trompeuses de cette société superficielle. Les voilà prêts à abandonner la proie pour l’ombre parce que la réalité est devenue à son tour illusion !

Les lecteurs qui connaissent une vie terne se tournent volontiers vers des romans qui les dépaysent dans le temps ou dans l’espace. Rebutés par leur époque étouffante, ils s’évadent au moyen de romans historiques : à eux, le panache des Trois mousquetaires de Dumas, la noblesse du Hussard sur le toit de Giono ou les sortilèges de Carthage agitée par la guerre contre les mercenaires dans Salammbô de Flaubert. Ces aventures exotiques ou éloignées dans le temps combinées à des péripéties sentimentales font toujours recette si l’on en croit le succès de L’Abyssin ou de Rouge Brésil de Rufin. Leur caractéristique commune est de permettre l’évasion en sollicitant fortement l’imagination.

Finalement, tant que le lecteur sait distinguer entre réalité et fiction, il n’y a pas de risque.

II. Les romanciers surtout à partir du XIXe siècle ont cherché à livrer une expérience plus conforme à la vie ordinaire.

Face à ces promesses de bonheur, ou à défaut de vie exaltante, les romanciers de la deuxième moitié du XIXe siècle ont livré leur désenchantement. En ce sens, le titre du roman de Balzac, les Illusions perdues, les caractérise à merveille. Ainsi Jeanne, le personnage principal d’Une Vie, est allée de déception en déception. Cette jeune aristocrate, tôt sortie du couvent, a épousé l’homme de son cœur. Mais, très vite, la vie commune lui révèle un homme peu délicat et avare. De plus elle découvre qu’il entretient des aventures extra-conjugales. De même elle va être déçue par ses propres enfants qui ne lui manifestent aucun attachement. Bouvard et Pécuchet ont cru trouver le bonheur dans une retraite normande, mais au bout de leur voyage, ils n’ont rencontré que la solitude et le morne ennui. Chacun, à sa manière, fait l’expérience que la réalité est à cent lieues de ses Grandes espérances (Great expectations), un roman de Dickens sur la désillusion par le réel.

Flaubert est allé plus loin dans la dénonciation des dangers mortifères de l’illusion romanesque. Emma, l’héroïne éponyme de Madame Bovary, meurt empoisonnée moins par l’arsenic d’Homais que par le poison de ses lectures romanesques sentimentales et sirupeuses. C’est bien dans les livres ramenés sous le manteau par la vieille fille servant au couvent que réside le venin : cette littérature enflamme les imaginations, trompe les jeunes esprits par son monde factice, et livre sans défense la jeune femme aux lâches séducteurs. De même ces ouvrages développent de manière irresponsable le désir de vivre au-dessus de sa condition si bien que le goût du luxe achève Emma, perdue dans ses rêves mensongers. Cet effacement de la réalité derrière l’illusion du rêve s’appelle désormais le bovarysme. Malheureusement ce danger sévit toujours.

Ainsi le réalisme conduit au pessimisme radical : l’existence est grise. La bêtise, le conformisme bourgeois sont tout puissants. La fin de Madame Bovary est exemplaire à ce sujet. On y voit que le tortueux, le sournois, le stupide Homais est récompensé par une décoration officielle, et qu’il règne en maître sur l’empire sanitaire d’Yonville. Lheureux, quant à lui, est béni des dieux par la prospérité de ses affaires. Dans un autre de ses romans, L’Éducation sentimentale, Flaubert nous peint avec Frédéric Moreau un héros velléitaire qui passe à côté des grands événements collectifs comme des moments forts de sa propre existence. Incapable de choisir, il rate tout, sans beaucoup de regret d’ailleurs. Une visite au lupanar en compagnie de son ami d’enfance reste ce qu’il a connu de meilleur. Quelle chute depuis l’apparition de sa madone, Madame Arnoux, qui avait fait naître en lui une passion idéalisée !

Ainsi, de proche en proche, en raison de son pessimisme foncier et réducteur, le réalisme a permis l’avènement de l’anti-héros, un personnage banal qui se dilue dans la réalité.

III. Qu’il soit récit extraordinaire ou témoignage de la réalité, le vrai roman a toujours été une forme commode pour enseigner par l’attrait de la fiction.

Sans vouloir refaire l’histoire littéraire du genre romanesque, on peut noter dès le Moyen-âge, la coexistence des deux formes : les aventures merveilleuses du roman de chevalerie et la peinture de la réalité triviale dans les fabliaux. Au XVIe siècle, le Don Quichotte de Cervantès met à mal les illusions du récit de chevalerie, issu du merveilleux et de l’épopée, en lui opposant, en contrepoint, les vicissitudes du réel. Depuis, le roman a toujours oscillé entre les deux voies du récit extraordinaire ou de la peinture d’une réalité crue. Suivant les époques, telle ou telle forme a prédominé sans pour autant supplanter l’autre.

La voie réaliste a conduit au roman d’apprentissage. Ce terme désigne la sagesse toute relative que le héros (ou son créateur) entend tirer au bout de ses mésaventures. Au contact de la dure réalité, les illusions se dissipent, une expérience concrète réactualise à la baisse les exigences initiales. Le récit picaresque depuis le Lazarillo de Tormès ou le Simplicius Simplicissimus de Grimmelshausen se charge de déniaiser le lecteur. La vraie vie est un combat sans merci où seuls les plus malins parviennent à survivre.

Candide de Voltaire raconte les tribulations d’un jeune homme qui croyait naïvement au bonheur avec Mlle Cunégonde. Ses errances dans l’Ancien et le Nouveau monde lui montrent que le mal est omniprésent, que l’homme est perverti par la cupidité, la bêtise, l’ignorance, le désir de puissance... Au terme de son parcours, il ne sombre pas dans le défaitisme, mais nous propose une leçon de sagesse frustrante dans ses ambitions limitées. Au bonheur sans nuage et sans effort du début, il a substitué une morale du travail résumée dans le fameux « il faut cultiver notre jardin ».

Jeanne, l’héroïne d’Une Vie, se remémore douloureusement qu’elle a connu une existence bien différente de celle qu’elle espérait. Pourtant, comme par miracle, au contact de sa petite-fille abandonnée, elle redécouvre, grâce à son instinct maternel, que la vie mérite encore d’être servie contre tout désespoir.

Est-ce à dire pour autant que le récit extraordinaire ne saurait délivrer lui aussi une leçon ? Il ne prétend pas agir sur le lecteur de manière explicite en plaçant directement sous ses yeux un diptyque : produits de l’imagination d’un côté, aspérités du réel de l’autre, avec l’intention formelle de détromper celui qui les embrasse d’un même regard. Derrière ses inventions merveilleuses, il préfère un chemin de connaissance initiatique et symbolique, à la manière des contes et des mythes. Il prétend agir par mimétisme, imprégnation, laissant au lecteur le soin de découvrir tout seul la solution de l’énigme. Rabelais, dans Pantagruel et Gargantua, nous conte ses histoires de géants débonnaires, leurs aventures hautes en couleurs et en ripailles pour mieux nous livrer « la substantifique moelle » de

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