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aient néanmoins refusé de faire droit à la demande en réparation, au motif que l'existence d'un préjudice n'était pas démontrée du seul fait de la prise de possession prématurée. Or, cette décision est censurée par la haute juridiction, qui estime que « indépendamment des préjudices particuliers dont il appartient aux demandeurs de justifier, la seule constatation d'une voie de fait ouvre droit à réparation ».

La formule n'est pas sans évoquer celle à laquelle recourt la chambre commerciale en matière de concurrence déloyale, lorsqu'elle affirme que « l'existence d'un préjudice s'infère nécessairement des actes déloyaux constatés » (Com. 22 févr. 2000, CCC 2000. Comm. n° 81, obs. M. Malaurie-Vignal ; V. égal. P. le Tourneau, Droit de la responsabilité et des contrats, Dalloz Action, 2008-2009, n° 7024), ou encore, avec une parenté plus évidente encore, celle que la première chambre civile retient en matière d'atteinte à la vie privée, en énonçant que « selon l'article 9 du code civil, la seule constatation de l'atteinte à la vie privée ouvre droit à réparation » (Civ. 1re, 5 nov. 1996, JCP 1997. II. 22805, note J. Ravanas).

On croit pouvoir saisir dans ses grandes lignes l'esprit qui souffle sur ce genre de solutions prétoriennes, dont on pourrait au demeurant trouver d'autres illustrations (V., à cet égard, P. le Tourneau, op. cit.) : la règle violée est tenue pour suffisamment éminente - ou plus sûrement la valeur qu'elle abrite - pour qu'on considère a priori, selon l'expression employée en l'espèce par la haute juridiction, que le seul constat du manquement ouvre droit à réparation.

Reste à déterminer les implications concrètes d'une telle formule, ce qui est plus délicat, dans la mesure où elle n'est pas dénuée d'ambiguïté. A l'entendre littéralement, on serait tenté de lui faire dire que le demandeur n'a d'autre preuve à rapporter que celle du « fait générateur » pour obtenir réparation.

Or, s'il en va bien ainsi, c'est uniquement, soulignons-le, à l'égard de cette sorte de « préjudice virtuel » qu'induit nécessairement, aux yeux des hauts magistrats, la commission d'une voie de fait, et nullement, l'arrêt le suggère d'ailleurs clairement, les préjudices particuliers que, par ailleurs, ladite voie de fait peut occasionner, et dont il appartient aux demandeurs de justifier.

Il faut cependant se garder de sous-estimer, à l'inverse, l'impact de cette formule qui porte, croyons-nous, la reconnaissance d'une catégorie particulière de préjudice - à laquelle pour l'instant il manque encore un nom - un préjudice virtuel parce que présumé, qui, partant, paraît devoir procéder d'une quantification forfaitaire plutôt que d'une évaluation au sens classique.

En tout cas, et sous peine de ravaler ce genre de motivation au rang d'attendu purement incantatoire, les plaideurs doivent pouvoir en déduire qu'ils sont en droit de prétendre, en sus de la réparation des divers chefs de préjudices susceptibles d'être éprouvés en suite d'une voie de fait, à une indemnité pour voie de fait.

P. B.

Préjudice d'agrément

V. infra, B, 2, Recours des tiers payeurs.2 - CausalitéS'il est une actualité qui demeure, au fil des chroniques (V. not. panoramas 2007. 2899, et 2008. 2897), c'est bien celle de la causalité, envisagée sous l'angle de la preuve, et singulièrement celle du contentieux concernant le vaccin contre l'hépatite B qui semble s'inscrire dans la durée, non sans donner paradoxalement la double impression simultanée du mouvement perpétuel et du sur place...

C'est, on le sait, sur les conséquences à tirer de l'ignorance scientifique sur le lien éventuel entre la vaccination contre l'hépatite B et l'apparition de pathologies démyélinisantes de type sclérose en plaques que la jurisprudence s'enferre dans les hésitations et les contradictions. Sans reprendre ici le détail d'arabesques jurisprudentielles propres à donner le tournis, rappelons que certaines décisions avaient suggéré assez nettement, et de manière à vrai dire bien surprenante, que, en l'absence d'un lien scientifiquement établi entre le produit de santé en question et ce type de pathologie, il ne pouvait être fait droit aux demandes en réparation (V. par ex. Civ. 1re, 27 févr. 2007, D. 2007. Pan. 2897, nos obs. ; RCA 2007. Comm. n° 165, obs. A. Gouttenoire et C. Radé ; rappr. : Paris, 19 juin 2009, n° 06/13741), y compris en recourant aux présomptions de fait de l'article 1353 (V. not. Paris, 2 juin 2006, RCA 2006. Comm. n° 306).

La Cour de cassation avait paru tout de même prendre ses distances avec cette manière de raisonner, en énonçant par un arrêt du 22 mai 2008 (n° 06-10.967, D. 2008. AJ 1544, obs. I. Gallmeister, et Pan. 2894, nos obs. ; RTD civ. 2008. 492, obs. P. Jourdain ; RDSS 2008. 578, obs. J. Peigné ; RTD com. 2009. 2000, obs. B. Bouloc ; V. aussi l'arrêt du même jour, n° 05-20.317, D. 2008. Pan. 2897, obs. P. Jourdain ; RTD civ. 2008. 492, obs. P. Jourdain ; RTD com. 2009. 200, obs. B. Bouloc), que, « si l'action en responsabilité du fait d'un produit défectueux exige la preuve du dommage, du défaut et du lien de causalité entre le défaut et le dommage, une telle preuve peut résulter de présomptions, pourvu qu'elles soient graves, précises et concordantes ».

Mais la haute juridiction n'en avait pas pour autant fini de souffler, en la matière, « le chaud et le froid », notamment en rejetant, le même jour, le pourvoi contre l'arrêt précité de la cour de Paris du 2 juin 2006 (Civ. 1re, 22 mai 2008, n° 06-18.848, RTD civ. 2008. 492, obs. P. Jourdain), et en répugnant à se départir de l'exigence d'imputabilité de la maladie à la vaccination envisagée comme une condition autonome, indépendante de la question du lien de causalité, exigence revenant à faire du doute scientifique une barrière juridiquement infranchissable (même arrêt. Pour une critique de cette notion en trompe l'oeil, V. P. Brun et C. Quézel-Ambrunaz, Vaccination contre l'hépatite B et sclérose en plaques : ombres et lumières sur une jurisprudence instable, RLDC 2008, n° 52, p. 15, spéc. 19 ; adde, nos obs. RLDC mars 2009, suppl. au n° 58, p. 29, spéc. 31).

Ces ambiguïtés semblent cependant en passe d'être levées, comme le laisse espérer du moins l'arrêt rendu le 9 juillet 2009 par la première chambre civile (Civ. 1re, 9 juill. 2009, n° 08-11.073, D. 2009. AJ 1968, obs. I. Gallmeister). Pour rejeter le pourvoi formé contre un arrêt de la cour de Lyon qui avait retenu la responsabilité du laboratoire fabricant d'un vaccin contre l'hépatite B, la haute juridiction donne d'abord acte aux juges du fond de ce qu'ils ont relevé que, si les études scientifiques versées aux débats n'ont pas permis de mettre en évidence une augmentation statistiquement significative du risque relatif de sclérose en plaques ou de démyélinisation après vaccination contre l'hépatite B, elles ne l'excluent pas pour autant.

Les hauts magistrats soulignent ensuite la proximité temporelle qui a pu être relevée entre la vaccination et les premiers symptômes, ceux-ci étant apparus en l'espèce moins de deux mois après l'injection. Ils reprennent enfin à leur compte le constat de l'absence d'antécédents neurologiques dans la famille de la victime, et de l'absence d'autres causes potentielles, et considèrent que la cour d'appel a pu souverainement estimer que ces différents éléments constituaient des présomptions graves, précises et concordantes du lien causal entre la vaccination et le préjudice.

Une telle motivation appelle trois brèves remarques. Sur le premier point d'abord, et l'argument tiré de ce que les études scientifiques produites n'excluaient pas le lien entre la vaccination et la sclérose en plaques, la Cour régulatrice ne saurait mieux signifier son changement de cap, puisqu'il s'agit là précisément de la motivation adoptée par la cour de Versailles que la première chambre civile s'était appliquée à censurer (Civ. 1re, 23 sept. 2003, Bull. civ. I, n° 188 ; D. 2003. Point de vue 2579, L. Neyret, 2004. Jur. 898, note Y.-M. Serinet et R. Mislawski, et Somm. 1344, obs. D. Mazeaud ; RTD civ. 2004. 101, obs. P. Jourdain).

Ensuite, et s'agissant des deux autres considérations mises en avant, elles manifestent une manière de raisonner en tous points comparable à celle que fait prévaloir la jurisprudence administrative (sur laquelle V. not., A. Rouyère, RFDA 2008. 1011). Nous ne saurions, pour notre part, trop approuver la Cour de cassation d'adopter ce parti qu'elle eût été sans doute mieux inspirée de choisir d'emblée. Parti dont il faut rappeler, c'est la troisième remarque, qu'il ne conduit nullement à la condamnation systématique des laboratoires sur la base d'une improbable et inopportune logique de précaution, mais à un examen des probabilités du lien causal au cas par cas (V. d'ailleurs, en dernier lieu, rejetant le pourvoi contre une décision qui avait écarté la responsabilité d'un laboratoire, motif pris de ce que les présomptions invoquées ne constituaient

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