Kafka

avec Felice Bauer. Kafka commence à rédiger Le Procès. |

|1915 |Publication de La Métamorphose. Kafka travaille au Procès et obtient le prix Fontane après désistement du vainqueur. |

| |Nouvelles fiançailles avec Felice Bauer et nouvelle rupture. Diagnostic de tuberculose pulmonaire. |

|1917 |Rencontre avec Julie Wohryzek. |

| |Publication du recueil Un médecin de campagne (nouvelles) et de A la colonie pénitentiaire (récit). Rédaction de la Lettre à |

|1918 |son père. |

|1919 |Rupture avec Julie Wohryzek. Relation épistolaire amoureuse avec Milena Jesenská, sa traductrice en tchèque. |

| |Rédaction du Château (roman), des Recherches d’un chien (récit) et d’Un artiste de la faim (récit). |

|1920 |Rencontre avec Dora Dymant, sa dernière compagne. Rédaction du Terrier (récit). |

| |Mort de Kafka au sanatorium de Kierling, près de Vienne. Publication posthume du recueil Un artiste de la faim (nouvelles). |

|1922 |Publication posthume du Procès. |

| |Publication posthume du Château. |

|1923 |Publication posthume de L’Amérique. |

|1924 |Première traduction en français de La Métamorphose par Alexandre Vialatte. |

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|1925 | |

|1926 | |

|1927 | |

|1928 | |

B. 1912, l’année capitale

Lorsque, en novembre 1912, il se lance dans la rédaction de La Métamorphose, Franz Kafka est un jeune écrivain peu connu du grand public pragois. Certes depuis ses années de lycée, ce jeune homme, qui discerne en lui-même « une concentration au profit de la littérature », selon les termes de son Journal, ne cesse d’écrire en allemand – sa langue maternelle – de courts récits. En 1904 ou 1905, Kafka rédige Description d’un combat, le premier texte qui nous soit parvenu de lui ; en 1907 ou 1908, il compose Préparatifs de noce à la campagne, une nouvelle mettant en scène un personnage qui s’imagine l’espace d’un instant métamorphosé en insecte. Mais ses premières oeuvres de jeunesse, nécessairement imparfaites, ne connaissent pas, à l’exception de quelques textes édités dans la revue Hypérion en 1908, l’honneur de la publication. Extrêmement féconde, l’année 1912 marque un tournant dans la production littéraire de l’auteur. Menant ce qu’il appelle sa « vie de grandes manœuvres », Franz Kafka se livre à un labeur acharné, partageant son temps entre ses heures de travail à « l’Office d’assurances pour les accidents du travail pour le royaume de Bohème » où il a été embauché en 1908, et son activité littéraire, qu’il poursuit généralement jusqu’à une heure avancée de la nuit. Au mois d’août 1912, Kafka envoie chez l’éditeur Rowohlt, à Leipzig, son premier recueil de récits intitulé Regard (Betrachtung). Mince plaquette mais grand événement : les dix-huit récits qui constituent le recueil sont publiés le 10 décembre 1912 à huit cents exemplaires. Quelques mois plus tôt, dans la nuit du 22 au 23 septembre, Kafka écrit, en quelques heures de fièvre créatrice, l’une de ses meilleures nouvelles, Le Verdict (Das Urteil). Mettant en scène un fils qui se heurte à la volonté de puissance d’un père tyrannique, cette nouvelle annonce les thèmes que l’auteur reprendra par la suite dans La Métamorphose (Die Verwandlung) et dans la célèbre Lettre au père (Brief an den Vater) : l’horreur de la vie familiale, la haine du père pour le fils et du fils pour le père, la médiocrité d’une bourgeoisie étriquée et confinée, etc.

Particulièrement riche sur le plan professionnel, l’année 1912 est aussi très féconde sur le plan sentimental. Le 13 août, Franz Kafka fait la rencontre d’une jeune Berlinoise dénommée Felice Bauer chez les parents de son ami Max Brod : c’est le début d’une relation amoureuse marquante – qui s’interrompra au mois de décembre 1917 après deux fiançailles successives – mais aussi d’une relation épistolaire de première ampleur. C’est à Felice Bauer, en effet, que, dans une lettre datée du 17 novembre 1912, Franz Kafka relate l’acte de naissance de La Métamorphose : « Du reste, je t’écrirai sans doute encore aujourd’hui, quoique j’aie beaucoup de choses à faire et que veuille transcrire une petite histoire qui m’est venue à l’esprit tandis que j’étais couché en pleine détresse et qui m’obsède au plus profond de moi-même. (1) » C’est également à « la Berlinoise » que Kafka révèle le cheminement de son récit et la fin cruelle de sa nouvelle : « Pleure, chérie, pleure, le moment de pleurer est venu ! Le héros de ma petite histoire est mort il y a un instant. Si cela doit te consoler, sache qu’il est mort assez paisiblement et réconcilié avec tous. L’histoire en elle-même n’est pas tout à fait finie, je n’ai pas vraiment le cœur à la continuer et je la remets à demain. (2) »

La très riche correspondance entre Franz Kafka et Felice Bauer est, on le voit, d’une importance capitale car elle permet de suivre pas à pas la composition de La Métamorphose. Si l’on en croit les lettres adressées par l’auteur à sa fiancée, la nouvelle de Franz Kafka aurait ainsi été composée en un mois à peine, du 17 novembre au 7 décembre 1912.

C. Un contexte de crise

Si l’année 1912 apparaît de l’extérieur comme un excellent millésime pour Franz Kafka, la situation intime de l’écrivain est cependant plus sombre. La haine que l’auteur nourrit depuis de nombreuses années à l’encontre d’un père tyrannique et d’une famille accusée de brider ses forces créatrices progresse d’un cran à cette période de sa vie. En 1911, alors qu’il travaille déjà à 1’Arbeiter-Versicherungs-Anstalt, où il rédige des rapports d’assurances très appréciés de ses supérieurs, l’écrivain se voit contraint de s’occuper de l’usine d’amiante de son beau-frère Karl, où son père et lui-même ont des intérêts. En lui donnant un surcroît d’occupation, cette charge, que Kafka juge incompatible avec sa vocation littéraire, empêche l’auteur de se consacrer entièrement à l’écriture. L’année suivante, en 1912, la situation psychologique de Kafka va de mal en pis. Son beau-frère étant parti pour vovage d’affaires en octobre, l’écrivain se voit obligé de passer le plus claire de son temps à l’usine et de mettre en veilleuse son travail littéraire. Le fantasme du suicide, qui avait déjà tenté Kafka quelques années auparavant, fait de nouveau son apparition. Le 8 octobre 1912, l’auteur confie dans une lettre adressée à son meilleur ami Max Brod qu’il a eu la tentation de se jeter par la fenêtre, du haut de l’appartement familial de la 36 Niklasstrasse.

Dans le post-scriptum de la même lettre, il ajoute en parlant de ses proches : « Et cependant, le matin venu, je n’ai pas le droit non plus de le passer sous silence, je les hais tous à tour de rôle ; je pense que, pendant ces quinze jours, j’aurai bien du mal à leur souhaiter le bonjour. Mais la haine – et de nouveau cela se retourne contre moi – est évidemment mieux de l’autre côté de la fenêtre que tranquillement couchée sur un lit. (3) »

Cette déclaration d’intention, faite sous le sceau du secret à l’ami intime, revêt une importance considérable car elle montre à l’évidence que La Métamorphose est née dans un contexte de crise familiale.

D. Réponse à un acte d’accusation

« Qui couche avec des chiens attrape des puces ». Par le rappel de ce proverbe métaphorique, Hermann Kafka, père de Franz, avait fait entendre à son fils au mois de novembre 1911, qu’il n’appréciait ni son mode de vie ni ses relations avec l’acteur juif Jizchak Löwy (qui dirigeait à Prague, depuis 1910, la troupe de théâtre des Juifs d’Europe). A cet

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