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La Politique De Dissuasion Nucleaire

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ne. Comme pour le Royaume-Uni, la France affirme une logique de suffisance. (L’expression britannique correspondante est « dissuasion minimale ».) Comme les États-Unis et le Royaume-Uni, elle maintient l’essentiel de son arsenal opérationnel sur des porteurs sous-marins. Ces trois pays sont les seuls à avoir conservé sans interruption le principe de permanence à la mer depuis la fin de la Guerre froide.

2 – La doctrine française au regard de celles des autres États nucléaires

La doctrine nucléaire française est, elle aussi, assez proche de celle de ses partenaires, contrairement à ce que l’on peut lire ou entendre parfois.

Les États-Unis et le Royaume-Uni partagent avec la France l’idée d’une conception politique de l’arme nucléaire, qui doit être une arme de dissuasion et non de bataille. Les trois alliés reconnaissent également que l’arme nucléaire n’est pas le seul moyen militaire susceptible d’avoir un rôle dissuasif. La France a ainsi pu s’accorder avec ses partenaires sur une conception commune de la dissuasion nucléaire, décrite dans le Concept stratégique de l’Alliance (1999). Les trois puissances nucléaires occidentales se distinguent des autres à plusieurs égards. Elles ont considérablement réduit la place de l’arme nucléaire dans leurs stratégies de défense depuis la fin de la Guerre froide – alors que la tendance est généralement inverse ailleurs (cf. Chine, Inde, Pakistan, Russie). Ainsi le rôle de l’arme nucléaire comme moyen de dissuader une agression conventionnelle est-il quasiment tombé en désuétude dans les doctrines de ces trois États, pour l’heure en tout cas. Toutefois, ni Londres, ni Paris, ni Washington ne se reconnaissent dans le concept de « non-emploi en premier », contrairement à ce qui est le cas, officiellement du moins, pour Pékin et New Delhi. La dissuasion est en effet vue par les trois pays occidentaux essentiellement comme un moyen de dissuader une agression menée à l’aide de moyens NBC et une assurance-vie pour se prémunir contre le risque de résurgence d’une menace majeure1. Certes, quelques différences significatives existent toutefois entre le concept français et ceux de ses alliés. Les États-Unis et le Royaume-Uni ont étendu à travers l’OTAN une garantie nucléaire explicite (« dissuasion élargie ») aux pays membres de l’Alliance atlantique ; la France reconnaît seulement que sa force de dissuasion contribue à la dissuasion globale de l’Alliance atlantique, et à la sécurité de l’Europe. L’emploi des forces nucléaires américaines et/ou britanniques dans le cadre de l’OTAN serait planifié au sein de la structure militaire intégrée de l’organisation ; la France reste en-dehors de cette structure. Les États-Unis et le Royaume-Uni établissent une distinction entre forces « stratégiques » et « non stratégiques », et aux termes de leurs doctrines l’emploi non stratégique de l’arme nucléaire pourrait être répété ; la France, pour sa part, considère que toutes ses forces nucléaires sont stratégiques, et que tout emploi de l’arme serait de nature stratégique en ce qu’il induirait une transformation profonde de la nature du conflit. Les États-Unis et le Royaume-Uni ont coutume d’exercer la dissuasion à l’égard d’une menace NBC par la promesse d’une riposte « proportionnée », sans en préciser la nature ; la France, pour sa part, met l’accent sur le fait que toute agression de ce type entrerait dans le champ de la dissuasion nucléaire, pour peu qu’elle mette en cause, du point de vue des autorités politiques, ses « intérêts vitaux ». La France n’a jamais explicitement menacé un adversaire

d’une riposte nucléaire en cas d’emploi d’armes NBC contre ses forces armées sur un théâtre régional. Enfin, la France inscrit explicitement sa dissuasion dans le cadre de l’article 51 de la Charte des Nations Unies, qui reconnaît le droit naturel de légitime défense. La France maintient donc certains éléments de spécificité qui permettent de la différencier des doctrines de ses alliés. Ces spécificités ont trois conséquences potentielles. Premièrement, les évolutions actuelles de la doctrine nucléaire américaine, et surtout ses perceptions à l’étranger et dans les opinions, permettent de valoriser le caractère « défensif » de la doctrine française. Deuxièmement, la notion de mise en cause des intérêts vitaux comme critère explicite de franchissement du seuil nucléaire – que nous sommes les seuls à utiliser, avec la Russie – continue de faire l’objet d’interrogations voire d’incompréhensions, au motif notamment que notre « survie » n’étant pas en cause, il ne pourrait plus s’agir d’intérêts « vitaux ». Troisièmement enfin, dans l’hypothèse d’un exercice en commun de la dissuasion par les trois puissances nucléaires, cette spécificité peut être à la fois un atout et un obstacle : un atout en termes de complémentarité des discours de dissuasion, mais aussi potentiellement un obstacle en termes d’accord entre les trois capitales sur un franchissement concerté du seuil nucléaire. Enfin, la France se distingue plus particulièrement des États-Unis sur certains aspects de sa politique nucléaire. Pour Paris et Londres, la dissuasion nucléaire demeure le fondement ultime de la sécurité du pays et, pour ce qui les concernent, la meilleure réponse à la prolifération ; pour les États-Unis, notamment depuis la Nuclear Posture Review de 2001, la dissuasion nucléaire n’est qu’un volet d’un concept beaucoup plus large, qui englobe notamment la dissuasion conventionnelle et les défenses antimissiles. La France n’exclut pas de menacer les centres de pouvoir d’un adversaire, mais ne se reconnaît pas dans la logique des frappes nucléaires désarmantes ou « antiforces » qui peuvent être envisagées par les États-Unis. Nonobstant ces différences, la France se situe clairement dans la famille occidentale pour ce qui est de sa doctrine nucléaire. L’image d’une doctrine française fondamentalement différente de celles de ses partenaires, et en décalage complet avec celles-ci, ne résiste en effet guère à l’analyse2. Les évolutions de la doctrine française sur la question du rôle de la dissuasion face à la prolifération (depuis 1994), de manière convergente avec celles de ses alliés, ont d’ailleurs même parfois suscité la perception d’un alignement sur la doctrine américaine. Certains éléments du discours présidentiel du 19 janvier 2006 (promesse d’une riposte « adaptée » aux États soutenant des actes de terrorisme contre nos intérêts vitaux, affirmation du rôle « complémentaire » des défenses antimissiles au regard de la dissuasion…) ont confirmé la convergence de vues qui existe entre Paris, Londres et Washington sur ces questions.

Tant du point de vue des forces nucléaires que du point de vue de la doctrine, la France appartient ainsi clairement au « groupe occidental » des puissances nucléaires, mais reste relativement à l’abri des critiques de la part des États et des organisations internationales favorables au désarmement nucléaire.

2 - LE SCÉNARIO NOMINAL POUR 2030

Il est proposé ici de définir un « scénario nominal » pour les années 2025-2030, c’est-à-dire un ensemble cohérent d’hypothèses politiques et stratégiques apparaissant comme étant les plus probables. Les évolutions politicostratégiques s’effectuant généralement dans ce que l’on peut appeler le « tempslong », la définition de ce scénario prendra en compte une rétrospective des

vingt-cinq dernières années (1980-2005, par convention) pour tenter dégager les éléments les plus structurels du contexte susceptible de se maintenir à l’avenir. Des « scénarios de rupture » seront définis dans un second temps.

1 – Rétrospective : 1980-2005

Entre le monde nucléaire de 1980 et celui de 2005, un certain nombre d’évolutions remarquables ont à l’évidence eu lieu. Le nombre d’États réputés être détenteurs de l’arme est passé de sept (en comptant Israël et l’Inde3) à neuf (en comptant la Corée du Nord), et certains nouveaux programmes sont apparus (Iran) ; mais d’autres ont été abandonnés (Argentine, Brésil, Afrique du

Sud). L’arme nucléaire a contribué à l’émergence de nouvelles puissances régionales (Inde, et Pakistan dans une moindre mesure). L’évaluation de la menace potentielle pour les pays occidentaux a été profondément modifiée. Celle-ci était dominée par une menace majeure immédiate ; l’accent est désormais mis sur les menaces régionales, plus diffuses, et les moyens NRBC comme instruments de chantage. Les armes chimiques ont rejoint les armes biologiques comme moyens « hors-la-loi ». Parallèlement, les stocks d’armes nucléaires des grandes puissances ont été réduits considérablement ; mais la précision des vecteurs (nucléaires et

conventionnels) a été largement améliorée, rendant possible la réduction des énergies dans de nombreuses hypothèses de planification. La technologie des têtes multiples s’est généralisée. Les moyens de la dissuasion sont ainsi devenus plus affinés chez les principales puissances nucléaires officielles. L’on assiste aussi à un début d’égalisation progressive entre les arsenaux nucléaires : la Russie et les pays occidentaux ont abandonné de nombreuses capacités (systèmes à vocation tactique, notamment air-sol, sol-sol, et mer-mer ; abandon des missiles stratégiques sol-sol par la France et des moyens aéroportés par le Royaume-Uni). Dans le même temps,

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