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La Vérité

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ns pas déchirer la toile des sensations pour accéder à la « chose en soi » qui se cache derrière elles. Par conséquent, comment pouvons-nous savoir que nos sensations correspondent bien au monde ? Il faudrait donc admettre que la vérité-correspondance est impossible, et que nous ne pouvons définir la vérité que par la cohérence interne de nos représentations.

Une perfection majeure de la connaissance et même la condition essentielle et inséparable de toute sa perfection, c’est la vérité. La vérité, dit-on, consiste dans l’accord de la connaissance avec l’objet. Selon cette simple définition du mot, ma connaissance doit donc s’accorder avec l’objet pour avoir valeur de vérité. Or le seul moyen de comparer l’objet avec ma connaissance, c’est que je le connaisse. Ainsi ma connaissance doit se confirmer elle-même ; mais c’est bien loin de suffire à la vérité. Car puisque l’objet est hors de moi et que la connaissance est en moi, tout ce que je puis apprécier c’est si ma connaissance de l’objet s’accorde avec ma connaissance de l’objet. Les anciens appelaient diallèle un tel cercle dans la définition. Et effectivement c’est cette faute que les sceptiques n’ont cessé de reprocher aux logiciens ; ils remarquaient qu’il en est de cette définition de la vérité comme d’un homme qui ferait une déposition au tribunal et qui invoquerait comme témoin quelqu’un que personne ne connaît, mais qui voudrait être cru en affirmant que celui qu’il invoque comme témoin est un honnête homme. Reproche absolument fondé, mais la solution du problème en question est totalement impossible pour tout le monde.

Emmanuel Kant, Logique (1800)

B. La vérité-cohérence

1. Exposition

On retrouve ici l’idée qu’il n’y a pas de « fondement » absolu pour la vérité, mais qu’elle se meut dans une circularité essentielle : nous cherchons à donner une cohérence interne à nos expérience, à notre monde des apparences. Nous cherchons à rendre compte des phénomènes, sans pouvoir dépasser ces « ombres » projetées dans la caverne de notre conscience.

Mais parler de « cohérence » au lieu de « correspondance » n’est que donner un autre nom pour désigner la même chose. Quand nous parlions de correspondance, nous n’avions rien d’autre en tête que l’idée de rapporter une proposition ou une sensation à d’autres sensations. Il ne s’agit pas de transcender le champ de nos expériences vers un au-delà métaphysique ou mystique. En particulier, si nous admettons que les « choses » ne sont rien de plus que ce que nous pouvons en connaître, c’est-à-dire rien de plus que leurs possibilités d’expression dans des relations, alors on peut continuer à parler de « correspondance ».

2. Difficulté

L’étude de la notion d’interprétation nous a montré que pour un même « texte », de multiples lectures cohérentes étaient possibles. De même en logique, la simple cohérence ne suffit pas à nous décider : des géométries non-euclidiennes parfaitement cohérentes sont concevables. Quelle est donc la vérité ? Comment choisir entre différentes conceptions du monde également cohérentes ? C’est la difficulté du scepticisme et du relativisme : « à chacun sa vérité ». Nous pouvons renvoyer ici aux principes d’interprétation (le principe de simplicité, utilisé en sciences naturelles, et le principe de charité utilisé en sciences humaines) qui donnent une solution pratique à ce problème.

La question qui se pose, face à ce problème hypothétique de la multiplicité des interprétations, est celui de la sur ou de la sous-détermination : pour qu’il y ait effectivement un problème, il faudrait qu’il y ait plusieurs manières concurrentes d’interpréter les mêmes phénomènes. Il n’est pas garanti que le problème se pose en général. Et s’il se pose, on peut toujours s’en tenir à l’interprétation minimale, celle qui suppose aussi peu que possible. La loi de la gravitation de Newton peut sans doute s’inscrire dans une multitude d’interprétations du monde différents ; mais on peut aussi s’en tenir à cette loi et rester ainsi à un niveau purement descriptif, solidement ancré dans l’expérience. On ne peut écarter l’hypothèse qu’il y a des mondes parallèles, mais on n’est pas non plus obligé de parler de ces mondes hypothétiques.

Ajoutons que, la réalité étant une, la vérité, conçue comme l’image adéquate de cette vérité, est nécessairement une aussi. Il peut bien y avoir plusieurs perspectives, plusieurs points de vue sur les choses, mais il faut qu’il existe certaines règles qui régissent les rapports entre ces perspectives. Ainsi, un cube peut bien être vu sous plusieurs angles, mais ces différents aspects sont régis par des lois géométriques rigoureuses et ne sauraient être arbitraires. Dire que « chacun a sa vérité » peut valoir si on parle de vérités subjectives : à chacun ses goûts, à chacun sa façon de voir les choses qui lui convient, etc. Mais si on parle de vérité objective, on doit admettre que la vérité est une et unique, et tous doivent s’y conformer. La vérité doit alors être définie soit comme ce qui englobe toutes les interprétations possibles, soit comme la portion congrue[1] à toutes les interprétations. Par exemple, si un objet B est placé entre A et C, tous les observateurs, quel que soit leur point de vue, admettront que B est entre A et C.

II. Vérité et vie

A. La pensée est un phénomène de la vie

1. La vérité comme propriété d’un être vivant

Mais dire que la vérité est une propriété du discours (Hobbes) reste superficiel. Car, comme nous l’avons vu dans le cours sur le langage, les mots et les signes en général n’ont pas de sens par eux-mêmes : ils ne signifient que pour autant qu’un être pensant leur attribue une signification, c’est-à-dire en fait un certain usage. Les signes n’ont donc de vérité que de manière seconde, parce qu’un être vivant les utilise. La véritable source de la vérité est dans cet être vivant. Il nous faut donc rechercher le sens profond de la vérité dans la vie.

2. Dispositions d’un organisme et relations à son milieu

Fondamentalement, la vérité n’est donc pas une propriété d’une proposition, mais d’un organisme vivant : c’est lui qui est « vrai » ou « faux », c’est-à-dire qui est dans le vrai ou qui se trompe. La proposition n’est qu’un signe qui exprime cet état de l’être vivant, et l’adéquation de la proposition au monde signifie en réalité l’adéquation de l’être vivant à son milieu. Ainsi la vérité ne vaut pas seulement pour l’homme, mais pour tout être vivant.

Une croyance consiste en un ensemble de dispositions, d’attentes. Si l’être qui a ces croyances est dans le vrai, alors ses attentes seront satisfaites. Par exemple, penser que le ciel est bleu, c’est s’attendre à une certaine sensation visuelle dès que l’on lèvera les yeux.

B. Projection et perspective

1. Toute vérité est perspective (Pascal, Nietzsche)

Ce que nous venons de dire ne fait que reformuler l’idée de vérité-correspondance en termes d’interaction entre un organisme et son milieu. On peut aller plus loin dans l’analyse des relations entre la vérité et la vie, et montrer que la pensée entretient un rapport étroit avec la volonté et les affects. Nous avons tendance à imaginer une pensée et une vérité pures, mais ce n’est qu’une abstraction ou un idéal : dans la mesure où elle est le fait d’un être vivant, toute pensée est toujours portée par une volonté et des affects. Or l’esprit « marche d’une pièce » avec la volonté :

La volonté est un des principaux organes de la créance ; non qu’elle forme la créance, mais parce que les choses sont vraies ou fausses, selon la face par où on les regarde. La volonté, qui se plaît à l’une plus qu’à l’autre, détourne l’esprit de considérer les qualités de celles qu’elle n’aime pas voir ; et ainsi l’esprit, marchant d’une pièce avec la volonté, s’arrête à regarder la face qu’elle aime ; et ainsi il en juge par ce qu’il voit.

Blaise Pascal, Pensées, § 99

Ainsi, toute pensée est perspective, pour reprendre les termes de Nietzsche. Il n’y a pas de pensée sans volonté, pas de réponse sans question, pas d’idée sans problème.

Gardons-nous mieux désormais, messieurs les philosophes, de la vieille affabulation conceptuelle dangereuse qui a posé un « sujet de la connaissance pur, soustrait à la volonté, soustrait à la douleur, soustrait au temps », gardons-nous des tentacules de concepts contradictoires tels que « raison pure », « spiritualité absolue », « connaissance en soi » : – on y exige toujours de penser un œil qui ne peut pas être pensé du tout, un œil qui ne doit avoir absolument aucune direction, dans lequel les forces actives et interprétatives grâce auxquelles seules le voir devient un voir quelque chose doivent être entravées,

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