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La mythocritique

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urand, les mythes ethno-religieux deviennent le simple nom d’une structure de l’imaginaire, fonctionnant comme un indice invitant à rechercher cette structure sous le texte, qui lui donnerait son sens profond2. Pierre Brunel reprend la méthode en l’ancrant dans le champ littéraire et en mettant entre parenthèses la dimension anthropologique et philosophique de la mythocritique de Durand : la mythocritique selon Brunel consiste à étudier « l’irradiation » d’un mythe « émergeant » dans un texte en prenant garde à sa « flexibilité », pour reprendre les trois principes célèbres définis par cet auteur.

Questions de mythocritique propose une conception large de la mythocritique, que l’on pourrait définir comme l’étude des rapports entre mythe et littérature. Par son titre et son sous-titre, l’ouvrage s’inscrit dans une double perspective, un bilan (Dictionnaire) et une ouverture (Questions). La préface met l’accent sur ce deuxième aspect : « Il s’agit donc pour nous de confronter ce qui participe de la spécificité mythocritique à d’autres champs de la pensée ou de la pratique critiques, et inversement, de repenser tel concept, telle théorie ou tel objet d’étude a priori étranger au domaine mythique, à l’aune — ou dans la perspective — de l’imaginaire, du mythe ou du symbole. » (p. 8). Cependant, on peut dès l’abord déplorer que ces Questions se cantonnent essentiellement au champ comparatiste, ce qui réduit notablement la portée de cette « approche interdisciplinaire » (p. 9).

1. Ni traité, ni manuel : le dictionnaire

L’ouvrage se présente sous la forme d’un dictionnaire dont les 31 entrées articulent pour la plupart deux termes dont il s’agit de penser les rapports. Si ce choix invite à la constitution de « parcours de lecture » personnels (p. 8), leur regroupement par catégories fera apparaître les spécificités de ces Questions de mythocritique et leur complémentarité par rapport au Dictionnaire des mythes littéraires3.

Une première catégorie regroupe trois articles consacrés à des domaines géographiques : « L’Afrique : mythes et littérature » par Jean Derive, « Extrême-Orient : mythe et littérature » par Muriel Détrie et « L’Inde : mythes et littérature » par Jean-Marc Moura. Comme l’indique leur titre, ces notices sont toutes construites sur le même modèle : les auteurs définissent la place des mythes dans la littérature du domaine étudié, puis leur prise en compte par la littérature occidentale. Le petit nombre de ces articles correspond à leur rôle essentiellement méthodologique, invitation à « relativiser l’helléno-centrisme excessif dont l’approche du mythe fut l’objet en Occident » (p. 9). Il ne faudra donc pas s’étonner de l’absence, par exemple, de l’Amérique ou de l’Océanie, ni de l’arbitraire apparent de la sélection, puisque, de fait, chaque cas présente une situation particulière contrastant avec celle de l’Europe. En Inde, par exemple, la croyance toujours forte attachée aux mythes définit un rapport particulier de ceux-ci avec la littérature, tandis qu’après une période d’occultation relative des mythes en Extrême-Orient, leur retour en littérature résulte tout à la fois du contrecoup de l’intérêt occidental pour ceux-ci et de la crise des valeurs traditionnelles. Ces trois articles invitent ainsi à la prise en compte en mythocritique des relations particulières et historiquement datées des mythes et de la littérature. De façon symétrique et inverse, l’article de Sylvie Ballestra-Puech, « Antiquité gréco-latine et mythocritique », en revenant sur la controverse opposant Vernant à Anzieu, dénonce l’approche atemporelle de la mythologie gréco-romaine et souligne sa dimension historique et sa transmission par le filtre de la littérature antique. Si cette mythologie reste au cœur de la mythocritique, ce ne peut être que par le biais d’un questionnement, ici particulièrement vif, qui met au cœur du champ les rapports complexes entretenus entre le mythe et la fiction. L’on voit donc l’écart entre Questions de mythocritique et le Dictionnaire des mythes littéraires, où la prise en compte de domaines géographiques ou linguistiques vise à donner une vision synthétique de mythologies dont les caractéristiques essentielles sont résumées, et la descendance littéraire esquissée : pistes pour une méthode d’un côté — une mythanalyse comparée, balisages d’un champ mythique de l’autre.

Les questions théoriques sont de même minoritaires dans le Dictionnaire des mythes littéraires, dont l’objet est avant tout l’inventaire de grandes figures mythiques et de leur devenir en littérature — c’est-à-dire l’étude des mythes en littérature comparée plus que la mythocritique — tandis que celles-ci sont le propos même des Questions de mythocritique où il serait inutile de rechercher des informations sur tel ou tel mythe particulier. De nombreux articles sont ainsi consacrés à une mise au point terminologique : « Archétype » par Stanislaw Jasionowicz, « Définitions du mythe » par André Siganos, « Image et image primordiale » par Jean-Jacques Wunenburger, « Schème, type, archétype » par Laurent Mattiussi, « Symbole et mythe », par Claude-Gilbert Dubois, « Typologie des mythes » par Jean-Pierre Giraud. Ces notices constituent la grande réussite de l’ouvrage : leur clarté et la bibliographie souvent abondante qui les accompagne donnent au novice des points de repère assurés dans le champ mythocritique. L’article « Archétype » en est un exemple remarquable : après une brève définition de l’archétype qui est rapproché de concepts philosophiques apparentés, Idées platoniciennes et catégories de l’entendement, Stanislaw Jasionowicz retrace l’élaboration du concept chez Jung, puis son utilisation en critique littéraire, en pointant les lieux du débat. Sans taire ainsi les aspects contestables de la notion, l’auteur montre finalement en quoi elle peut être heuristique, et prévient les contresens les plus courants et les usages abusifs, en insérant l’archétype dans l’ensemble de la théorie jungienne. Les « Définitions du mythe » d’André Siganos présentent le même intérêt de conjuguer un retour aux textes fondateurs et une prise de position claire. Après avoir évoqué les travaux de Lévi-Strauss, Dumézil, Cassirer ou Vernant, énuméré les définitions principales du mythe en citant Eliade, Jolles, Durand, Detienne, Eigeldinger, l’auteur explicite son choix de réserver le nom de « mythe » aux mythes ethno-religieux tout en rappelant la distinction proposée par lui entre mythe littéraire et mythe littérarisé, sans éluder les débats suscités par cette distinction.

Une troisième grande catégorie est constituée par les articles évoquant les rapports entre le mythe et un genre littéraire : « Biographie et mythe » et « Épopée et mythe » par Daniel Madelénat, « Conte, légende et mythe » par Philippe Walter, « Fantastique et mythe » par Roger Bozzetto, « Poésie et mythe » par Colette Astier. L’on peut étendre cette catégorie en y adjoignant les articles évoquant les rapports entre les mythes et un type d’écriture, ou entre le mythe et un autre art, ou l’art en général : « Écriture et mythe : la nostalgie de l’archaïque » par André Siganos, « Musique et mythe » par Pierre Brunel, « Création artistique et mythique » par Jean-Jacques Wunenburger. Une quatrième serait formée de la confrontation entre le mythe et un concept — « Désir et mythes » par Camille Dumoulié, « Mémoire et mythe » par Danièle Chauvin, « Merveilleux et mythe » par Jean-Jacques Vincensini, « Rêverie et mythe » par Zoé Samaras, une cinquième par des articles tentant de situer le mythe dans d’autres champs de la connaissance : « Épistémologie et mythe » par Benoît Vincent, « Idéologie et mythe » par Jean-Pierre Sironneau, « Science et mythe » par Chantal Foucrier. Par cercles concentriques, l’interrogation première des rapports du texte littéraire et du mythe s’élargit ainsi pour questionner la place d’une logique mythique dans l’art et la pensée, tandis qu’à l’inverse, trois articles, faisant un point sur l’historique de la discipline, la resserrent autour de ses problématiques originelles : « Antiquité gréco-latine et mythocritique » par Sylvie Ballestra-Puech, « Bible et mythocritique », par Danièle Chauvin, « Mythologies comparées » par Philippe Walter. Il manquerait ici un article « Mythocritique et mythocritique », retraçant l’émergence de cette approche critique et les divergences opposant ses différents praticiens, sources de confusions pour les néophytes. Cet article aurait pu être l’occasion d’une confrontation fructueuse mettant au jour les points nodaux de la ou des mythocritique(s), sa spécificité et des points de contact avec les autres champs critiques qui dans l’ouvrage, de fait, ne se dessinent qu’en creux.

En effet, la dernière grande catégorie rassemble les articles menant une confrontation entre la mythocritique et d’autres approches du fait littéraire : « Hypertextualité et mythocritique » par Danièle Chauvin, « Imagologie littéraire et mythe » par Jean-Marc Moura, « Réception et mythocritique » par Yves Chevrel, « Transfert culturel : l’exemple de l’Allemagne » par Jean-Pierre Giraud. L’on pourrait inclure à cette liste l’article « Rêverie et mythe », les catégories n’étant ici proposées qu’à titre heuristique. Quoi qu’il en soit, en comparaison avec l’interrogation de concepts à l’aune du mythe, cette dernière catégorie

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