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Le Militantisme

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du « champ politique » entre un « champ partisan » et un « champ militant »[1]. Le « champ partisan » serait celui où les individus recherchent les gratifications économiques et symboliques offertes essentiellement par les partis politiques et les syndicats. Le champ militant serait le champ où les individus rejettent la logique économique de recherche des gratifications et font du « militantisme pour le militantisme », où ils se dévouent entièrement à la défense d’une cause sans en espérer un quelconque dédommagement. Néanmoins, il ressort des études sur les militants du DAL (droit au logement) et ceux d’ATTAC (association pour la taxation des transactions financières pour l’aide aux citoyens) que les plus actifs d’entre eux et les fondateurs de ces associations qui font du « militantisme pour le militantisme » ont été socialisés dans le champ partisan avant de l’abandonner et de s’investir uniquement dans le champ militant. Il convient de s’interroger sur les causes de ce changement et de savoir s’il n’était pas déterminé dans les choix même de l’engagement dans le militantisme politique qui s’est retrouvé insatisfait et donc qui a permis un « basculement » dans un militantisme associatif. Pour cela, la première partie la socialisation du militant de gauche dans le « champ partisan » et la professionnalisation des militants qui en a résulté. Dans la seconde partie, les raisons qui sont à l’origine du basculement dans le champ militant et à la création d’associations se revendiquant de l’alter mondialisme vont être étudiées.

I. Les raisons du déclin du militantisme politique traditionnel

Les arguments en faveur du déclin du militantisme politique sont multiples. Dans cette partie, il ne sera étudié que la professionnalisation du champ partisan. Mais pour comprendre cette professionnalisation, il faut d’abord comprendre comment s’acquiert le “capital militant”.

A. L’acquisition des “ressources” militantes

Une personne s’engage dans un parti, un syndicat ou une association pour défendre des idées ou des valeurs qui lui sont chères. Le militant s’engage toujours bénévolement dans le parti ou le syndicat, il n’attend aucun gain, aucune plus-value. Pourtant, Daniel Gaxie démontre que le militant espère souvent une rétribution symbolique ou matérielle[2]. Cette rétribution vise à conserver les militants qui sont à la source de la vie de l’organisation. Dans les partis politiques ou les syndicats, il s’agit en général des postes d’élus. Le fait pour un militant d’accéder à un poste éligible est une forme de reconnaissance de l’institution pour son militantisme. Mais cette gratification « suprême » n’est dévolue qu’à une minorité de militants. Pour la majorité d’entre eux, le parti ou le syndicat transfert des savoirs et des savoir-faire qui constituent un « capital militant ». Cette forme de capital n’a pas réellement de contenu bien défini, Daniel Gaxie donne quelques exemples des éléments pouvant le constituer : « la possibilité d’acquérir à travers les réunions du parti, sa presse et ses écoles une certaine culture qui dépasse souvent le strict domaine politique peut donner à des militants de faible niveau culturel une certaine compétence… » ou « les contacts à l’intérieur du parti favorisent l’édification d’un capital de relations et en constituent même la source unique pour ceux qui sont dépourvus d’autre capital social ».

La socialisation du militant et l’apprentissage des savoirs et savoir-faire s’effectuent par l’échange entre les générations dans les réunions de section, par l’éducation dans des mouvements de jeunesses ou par la lecture de la presse du parti. Par exemple, les militants du PCF - dans les années fastes du parti - étaient encadrés dès le plus jeune âge et le parti contrôlait l’ensemble de la vie sociale de ses militants. Pour les militants catholiques, les savoirs et les savoir-faire acquis lors du catéchisme, du scoutisme, puis à la JOC (jeunesse ouvrière catholique) a facilité l’adhésion et l’intégration au sein du syndicat CFTC (devenu CFDT) et du parti UDF (union pour la démocratie française). Le parti ou le syndicat remplacent l’école auprès des « classes populaires » souvent faiblement dotée en capital scolaire. Ils prennent sa place en faisant de l’instruction civique ou plus largement de l’éducation populaire. Le témoignage d’un militant CFDT, responsable des questions européennes, le démontre bien : « Je fais partie de cette génération de jeunes en échec scolaire qui a fait un CAP et un BEP, qui a commencé à travailler à 18 ans. Et c’est le syndicalisme qui m’a permis d’évoluer, c’est le syndicalisme qui m’a permis de me former tout au long de ma vie militante. Et le militantisme, le temps que j’ai donné au syndicalisme m’a été récompensé par l’évolution qui m’a été proposée »[3].

Les militants acquièrent en général les mêmes ressources, ils disposent du même « capital collectif » mis à leur disposition par le parti ou le syndicat. Pourtant, les militants vont se différencier, certains vont continuer simplement à militer et d’autres vont se professionnaliser à l’image du militant cité précédemment.

B. La professionnalisation du champ partisan

En France, les années post-68 sont fastes pour le militantisme, les engagements sont nombreux parmi les jeunes qui souhaitent changer la société, qui espèrent des « lendemains qui chantent ». Mais les gratifications électives ne sont pas assez nombreuses et seulement les militants vivant déjà « pour la politique » vont pouvoir vivre « de la politique ». Un parcours “normal” de professionnalisation passe par l’acquisition des ressources militantes au sein d’un parti, d’un syndicat ou d’une association et puis se prolonge par le cumul des mandats et des positions institutionnels. Dans le cas de jeunes militants, l’investissement dans une organisation de jeunesse a été tellement important qu’il s’est fait au détriment des études universitaires, ce qui peut les conduire à un déclassement social. Pour d’autres, le militantisme va les pousser à poursuivre leurs études d’où une obtention de plusieurs diplômes ou la rédaction d’une thèse sans la volonté de s’engager dans une carrière de chercheurs. Pour ces militants sous-diplômés ou sur-diplômés, le déclassement social est proche et la professionnalisation politique est un moyen d’y échapper. La lutte pour l’obtention des postes d’élus est intense comme on le constate à la lecture du parcours de Julien Dray ou de Jean-Christophe Cambadélis[4]. Plus généralement, il s’agit pour ces jeunes militants de réussir à convertir leurs savoirs et savoir-faire dans le parti « adulte » ou dans des instances proches ou contrôlées par le parti. La reconversion est d’autant plus facile pour les leaders. En plus de disposer du « capital collectif » de l’organisation de jeunesse ou du syndicat étudiant, ils bénéficient d’un capital militant propre qui s’exprime par un réseau de fidèles, un capital de notoriété et diverses capacités (une confiance en soi, la prise de parole devant un auditoire, etc.).

Cette professionnalisation des militants de gauche va être concurrencée par le recrutement de professionnels disposant avant tout d’un capital scolaire et non plus seulement d’un capital militant. Pour le parti socialiste, cela va consister à recruter d’une part des hauts fonctionnaires - en majorité des énarques - dans les années 80. Ceci est dû à l’arrivée du PS au pouvoir et donc le besoin de professionnels pour gérer l’appareil étatique, le PS devient à cette époque un parti de gouvernement et un parti essentiellement « de cadres ». La particularité de ces nouveaux professionnels est l’absence d’un passé militant à l’image de Laurent Fabius qui arrive au gouvernement par “le seul fait du prince”. C’est le cas également de nombreuses femmes: Elizabeth Guigou ou Martine Aubry deviendront ministre sans avoir affronter le suffrage universel. D’autres seront parachutées en circonscription après un passage par les cabinets ministériels ou élyséens. Lefebvre et Sawicki résume simplement cette “énarchisation” du PS: “Les énarques entrés en politique après 1981 apprendront le travail partisan et le travail électoral après s’être initiés au travail politico-administratif”.

D’autre part, la professionnalisation va s‘effectuer également par l’accaparement des postes électifs locaux, nationaux ou de fédérations par des assistants parlementaires ou conseillers d’élus. Il n’est pas rare que la section PS d’une ville soit dirigée par l’assistant parlementaire du député de la ville ou par le directeur du cabinet du maire de la même ville. Aujourd’hui près d’un élu sur cinq n’a pas connu d’autre métier que la politique.

On peut donc conclure que “l’expertise politico-administrative l’a emportée sur l’expertise militante acquise dans l’action associative et/ou syndicale”[5].

Ainsi, l’incapacité ou l’impossibilité de se professionnaliser pour un certain nombre de militants va les conduire à abandonner le militantisme ou à l’investir différemment.

II. La constitution d’un nouveau militantisme de gauche

La constitution d’un nouveau militantisme n’est pas le fruit du hasard. Il s’inscrit

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