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Le Ministre Responsable

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omme en témoignent les renversements successifs de gouvernements.

C’est pour remédier à ces dérives que la Constitution de 1958 a encadré et règlementé de manière drastique la mise en jeu de la responsabilité des gouvernants, aboutissant ainsi à la consolidation de l’assise politique de ces derniers et à une stabilité gouvernementale sans précédent. Seulement, un certain nombre d’affaires mettant en cause des ministres ont révélé l’inadaptation et l’insuffisance de la réglementation de leur responsabilité pénale.

Mais alors, comment se traduit la responsabilité ministérielle sous l’actuelle Vème République?

Si la responsabilité pénale des ministres tend à évoluer vers une exigence de justice (I), il semblerait que ce soit pour compenser une responsabilité politique plus symbolique qu’effective, plus proche d’un souci de cohésion et de stabilité gouvernementale (II).

I- La responsabilité pénale des ministres : dosage difficile entre l’immunité pénale et l’exigence de justice

Benjamin Constant aimait à dire que « les ministres sont souvent dénoncés, accusés quelquefois, condamné rarement, punis presque jamais». Ce théoricien du 19ème siècle fut l’un des premiers à soulever la question de la responsabilité ministérielle. Duguit dans son Traité de droit constitutionnel de 1928, Duguit définît la responsabilité pénale de la façon suivante : « La responsabilité pénale […] ne peut être mise en jeu que lorsqu'un ministre a commis dans l'exercice de ses fonctions un fait prévu et défini par la loi pénale et constituant, d'après elle, une infraction ». Au titre de la séparation des pouvoirs et afin d’éviter des poursuites pénales constantes qui à terme porteraient atteinte aux principes de continuité de l’Etat et d’efficacité du gouvernement, les ministres en fonction apparaissent comme surprotégés contre les poursuites pénales. Cependant, si les prémices de la responsabilité pénale des ministres confirment cette hypothèse (A), l’idée d’inégalité qui en résulte entrainera une reforme en juillet 1993 (B).

A) Les prémices de la responsabilité pénale des ministres

Dans sa version initiale datant de la IIIème République, l’article 68 alinéa 2 donnait compétence à la Haute Cour de justice, saisie par le Parlement, de juger les ministres ayant commis une infraction dans l’exercice de leur fonction. Les ministres, au même titre que le Président de la République, bénéficiaient donc d’une juridiction particulière et d’un tribunal spécialisé. Cette Haute Cour de justice, composée de douze députés et de douze sénateurs, revêtait donc un caractère particulièrement politique puisque les phénomènes de solidarité envers le ministre traduit, ainsi que le risque de saisine de la Haute Cour par une coalition de l’opposition étaient des risques bien réels.

De plus, la Cour de cassation, par ses arrêts Frey du 14 mars 1963 et Rallite du 28 mai 1986 interprétait de manière extensive cet alinéa 2 de l’article 68 de la Constitution. En effet, elle conférait à la Haute Cour de justice les compétences de juge dans le cadre des fautes commises par les ministres dans l’exercice de leur fonction mais également en dehors de ces dernières, conférant ainsi une protection supplémentaire aux ministres.

Ce problème d’intégrité et de partialité des juges, combiné aux peines et sentences ridicules, allégés voire annulées rétroactivement par de courantes lois d’amnistie, ainsi que la difficulté de saisine de la Haute Cour de justice (qui nécessitait un vote identique des deux chambres) ne cesseront de conforter l’opinion dans ce sentiment d’injustice entre 1958 et 1993. En effet, l’image qui en résulte est celle d’un personnel politique inatteignable, aussi bien dans le cadre de ses fonctions qu’en dehors d’elles.

Mais c’est en 1993 que ce système ultra protecteur sera remis en cause. En effet, l’affaire du sang contaminé éclate en 1991, après la publication dans un hebdomadaire d’un article prouvant que le Centre national de transfusion sanguine a sciemment distribué à des hémophiles, de 1984 à 1985, des produits sanguins dont certains étaient contaminés par le virus du sida. L’affaire éclabousse aussitôt le monde médical et politique et les décisions de certains membres du gouvernent : le Premier Ministre de l’époque Laurent Fabius, la ministre des Affaires Sociale Georgina Duffoix et le ministre de la Santé Edmond Hervé, sont publiquement remises en cause. On leur reproche en effet l’achat de stocks de sang à moindre coût, potentiellement porteur du virus du sida.

Mais, en raison de la solidarité politique, la saisine de la Haute Cour de Justice est politiquement impossible. Face à ce déni de justice la réforme de la responsabilité pénale des ministres est inévitable.

B) La révision constitutionnelle de 1993 : un système imparfait et des critiques persistantes

Par la loi constitutionnelle du 27 juillet 1993 et la loi organique du 23 novembre 1993, l’article 68 de la Constitution s’est enrichi de trois nouvelles dispositions qui sont venues abroger les anciennes. Ainsi, l’article 68-1, alinéa 1 dispose que « Les membres du gouvernement sont pénalement responsables des actes accomplis dans l’exercice de leur fonction et qualifiés de crimes ou délits au moment où ils ont été commis ». Par sn aliéna 2, l’article établit l’existence d’une Cour de justice de la République, venue remplacée la Haute Cour de justice et dont la composition, définie à l’article 68-2 de la Constitution diffère. En effet, les constituants, tout en conservant le caractère politique du tribunal par la présence de douze parlementaires, insère un mouvement de juridictionnalisation par la présence de trois magistrats professionnels dont l’un assure la présidence de la Cour. Elle ne statue pas sur les crimes et délits commis par les ministres en dehors de l’exercice de leurs fonctions (réservé aux juridictions répressives ordinaires) et sa saisine est plus aisée.

En effet, selon l’alinéa 2 de l’article 68-2, « Toute personne qui se prétend lésée par un crime ou un délit commis par un membre du Gouvernement dans l’exercice de ses fonctions peut porter plainte auprès d’une commission des requêtes ». Ainsi, les victimes peuvent déposer un plainte auprès de la commission des requêtes, composée de trois magistrats près la Cour de cassation, deux membres du Conseil d’Etat et deux membres de la Cour des Comptes. Elle joue un rôle de filtre et peut décider si la plainte est fondée de la transmettre au Procureur de la République aux fins de saisine de la Cour de justice de la République.

Faisant suite aux échecs répétés de la Haute Cour de justice, la Cour de justice de la République est l’aboutissement d’une large réflexion sur la responsabilité pénale des ministres. Selon Maurice-Pierre Roy, « le constituant, en créant la Cour de justice de la République, a confirmé que le fonctionnement de la démocratie ne saurait s’accompagner d’une irresponsabilité pénale de fait des membres du gouvernement ».

Par ailleurs, l’article 93 de la Constitution (article 5 de la loi constitutionnelle du 27 juillet 1993) précise que cette nouvelle procédure est applicable aux faits commis avant son entrée en vigueur. Ainsi, en mars 1999, la Cour rend un premier arrêt concernant l’affaire du sang contaminé. Si Laurent Fabius et Georgina Duffoix sont relaxés, Edmond Hervé est condamné mais il bénéficie d’une dispense de peine. Le succès de cette Cour dans certaines affaires (condamnation de Pasqua en juillet 2010 pour abus de biens sociaux et recel) est donc mitigé et déçoit l’opinion.

Encore aujourd’hui, cette Cour de justice de la République fait l’objet de vives critiques. Pour certains, elle apparaît comme incapable de condamner les membres du Gouvernement (cf. la relaxe de Dominique de Jospin dans l’affaire Clearstream en janvier 2010 traduit l’inefficacité de la Cour) alors que pour d’autre c’est la durée excessive des procédures qui entretient un sentiment d’inégalité. En effet, la CJR a annoncé en début d’année l’ouverture d’une enquête sur Eric Woerth, ancien ministre du budget, soupçonné de prise illégale d’intérêts dans la vente de l’hippodrome de Compiège en mars de l’année précédente.

Certains parlent, au vu de la surmédiatisation des procès et de la procédure de saisine du CJR, d’une pénalisation de la vie publique ou encore d’une criminalisation de la vie politique.

Enfin, si la responsabilité pénale des ministres semble se durcir depuis la révision constitutionnelle du 27 juillet 1993, il semblerait que ce soit pour pallier à une responsabilité politique plus symbolique qu’effective.

II- La responsabilité politique des ministres: réponse à un soucis de cohésion et garantie de stabilité gouvernementale

Si la mise en jeu de la responsabilité politique des membres du Gouvernement est définie strictement par la Constitution, il s’agit toujours d’une responsabilité collective qui appartient conjointement au Premier ministre et à l’Assemblée nationale (A). Mais cette responsabilité politique collective tend aujourd’hui à s’effacer face à un nouveau type de responsabilité ministérielle, plus individuel et appartenant au Président de la République (B).

A) Une

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