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Le Roman Et Le Genre Narratif

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trouveras dans le dithyrambe ; et enfin une troisième formée du mélange des deux autres ; on s’en sert dans l’épopée et dans plusieurs autres genres. » (La République, 394b, op.cit.)

Aristote abandonne cette distinction, ou plutôt la considère comme un cas particulier (sous la forme d’une alternative exprimée entre parenthèses dans le passage précédemment cité) d’un genre unique, le genre narratif. De ternaire, le système devient donc binaire, ainsi que le rappelle Genette :

A la triade platonicienne (narratif, mixte, dramatique) s’est substitué le couple aristotélicienne (narratif, dramatique) et ce non par éviction du mixte : c’est le narratif pur qui disparaît parce qu’inexistant, et le mixte qui s’intronise narratif, comme seul narratif existant. (Introduction à l’architexte, op.cit., p. 107.)

Une autre différence de point de vue entre Platon et Aristote tient au statut de la mimésis. Pour l’auteur de La République (Livre III), la mimésis n’existe qu’à condition que le poète s’efface pour donner l’illusion d’une imitation parfaite, comme c’est le cas au théâtre. En revanche, quand le poète parle en son nom, dans un récit non mêlé de dialogues, nous sommes dans la diégésis. Cette distinction ne se retrouve plus chez Aristote pour qui toute création littéraire qui représente des actions et par essence mimétique.

S’il est un point en tout cas sur lequel les deux philosophes semblent en accord, c’est pour faire d’Homère l’exemple le plus représentatif du mode narratif et, à travers lui, un type d’œuvre particulier qui en relève, l’épopée.

2.2 L’épopée et le genre épique

2.3.1 Définition de l’épopée

Au chapitre V de La Poétique, Aristote s’attarde à décrire l’épopée qui n’est pas, à ses yeux, structurellement différente de la tragédie ; la différence se situe ailleurs :

« L’épopée est conforme à la tragédie jusque dans le fait qu’elle est l’imitation d’hommes nobles dans un récit versifié ; mais le fait qu’elle emploie un mètre uniforme et qu’elle est une narration, les rend différentes. Et elles le sont par leur étendue : puisque l’une essaie autant que possible de se dérouler durant une seule révolution du soleil ou de ne guère s’en écarter, alors que l’épopée n’est pas limitée dans le temps. » Poétique, 1449b, op.cit

A partir de ces remarques nous serions en mesure de caractériser l’épopée dans laquelle doit se trouver :

* Un niveau élevé, un mode « supérieur » (« imitation d’hommes nobles »), comme dans la tragédie ;

* Une expression versifiée régulière ;

* Une forme narrative (l’action est racontée) ;

* Une longueur suffisante, un format étendu ;

* Une liberté dans l’utilisation de la temporalité.

A ces critères il convient d’en ajouter deux autres exprimés ailleurs dans le traité :

* La pluralité de l’action : « J’appelle un agencement épique celui qui comporte plusieurs histoires » (1456a) ;

* L’utilisation de l’irrationnel : « L’épopée admet encore bien mieux [que la tragédie] l’irrationnel qui est le meilleur moyen de susciter la surprise, puisqu’on n’a pas le personnage sous les yeux » (1460a).

L’étymologie du mot « épopée » permet d’approcher une première définition. Le mot grec épopoia est composé du substantif épos (ce qui est exprimé par la parole), et d’un dérivé du verbe poïen (faire, fabriquer). Ainsi, on pourra dire :

L’épopée est donc la mise en forme d’une parole primordiale, essentielle – l’épos – proférée par les poètes primitifs qui disent la genèse et la vérité du monde. (D. Madelénat, Dictionnaire des littératures de la langue française, art. « Epopée », op.cit.)

Texte fondateur, l’épopée prend ses ancrages dans l’histoire d’un pays dont elle fournit la chronique, largement nourrie de mythes et de légendes. Mais au cours du temps cette représentation des fondements du monde glissera davantage du côté de la légende pour venir se placer délibérément sur le terrain de l’imaginaire merveilleux. Peu après Boileau, l’abbé Batteux, théoricien du XVIIIe siècle, parle de « récit poétique d’une action héroïque et merveilleuse » et prépare les définitions modernes, celle du dictionnaire Robert par exemple :

« Long poème où le merveilleux se mêle au vrai et dont le but est de célébrer un héros ou un grand fait. »

Les modèles canoniques de l’épopée sont évidemment L’Iliade et L’Odyssée, mais aussi des créations encore antérieures et anonymes comme L’Epopée de Gilgamesh qui raconte les exploits du roi Gilgamesh qui règne sur la cité sumérienne Uruk (1900-1600 avant J.-C.).

2. Le récit : éléments de définition

3.3 Une notion faussement simple

Pour délimiter notre sujet, on peut s’appuyer sur les distinctions fondamentales de Gérard Genette qui introduit son essai « Discours sur le récit » par ces mots :

« Nous employons couramment le mot (français) récit sans nous soucier de son ambiguïté, parfois sans la percevoir, et certaines difficultés de la narratologie tiennent peut-être à cette confusion. Il me semble que si l’on veut commencer d’y voir plus clair en ce domaine, il faut discerner nettement sous ce terme trois notions distinctes. » (« Discours sur le récit », in Figures III, Le Seuil, 1972, p. 72.)

Ces trois significations sont les suivantes :

* Le récit est d’abord un énoncé narratif, c’est-à-dire un type de discours, totalement ou partiellement confondu avec l’œuvre, qui se fixe pour but de raconter en écartant tout ce qui ne relève pas du narratif. Le fameux récit de Théramène à la fin de Phèdre (V, 6) en est un exemple fameux ;

* Le récit est ensuite une série d’événements, d’épisodes réels ou fictifs considérés indépendamment de toute référence esthétique : le récit d’un fait divers dans la presse, ou un récit de voyage entrent dans cette catégorie (même si dans Le Voyage en Orient de Nerval par exemple, la dimension littéraire intervient) ;

* Le récit est enfin un acte, celui d’un narrateur qui raconte un ou plusieurs d’événements. Ulysse aux chants IX et XII de L’Odyssée raconte ses aventures et ce fragment du poème d’Homère sera appelé le « récit d’Ulysse ».

Genette propose « pour éviter toute confusion et embarras de langage » de nommer récit l’énoncé lui-même, le signifiant (premier sens), histoire le contenu narratif (deuxième sens) et narration l’acte narratif producteur (le troisième). La confusion est peut-être provisoirement écartée, elle n’est pas totalement levée, et quand on parle du « récit de Théramène » on peut hésiter entre le discours produit et l’acte qui le produit.

3.4 Les composantes du récit

Un certain nombre de traits pertinents permettent d’identifier de façon formelle ou thématique un texte narratif. Ainsi que le fait Louis Baladier dans son ouvrage consacré au genre, on regrouperait ces caractères constitutifs en trois familles : ceux qui recouvrent un contenu, ceux qui relèvent d’une technique, ceux qui se rattachent au sens de l’œuvre. Pour s’en tenir au plus simple, on dira donc qu’un récit est :

* Une histoire : pour raconter, il faut qu’il y ait matière à le faire, donc un ou des événements vont être restitués et représentés de façon « figurative ». Cette représentation affecte des êtres vivants (les personnages) qui évoluent dans un espace et un temps particuliers (le cadre spatio-temporel), en fonction de modes d’être et de pensée (les mœurs). Cette matière narrative s’appellera suivant le cas une histoire, un sujet, un argument, un scénario ;

* Une forme : les événements narrés ne peuvent l’être qu’au moyen d’un code, le langage écrit ou oral, la littérature se limitant à la prise en compte de l’écrit. Au moyen de ce code, l’énoncé narratif se transforme en texte soumis lui-même aux exigences et aux lois de la stylistique. L’écriture narrative suivant qu’elle est plus ou moins mimétique s’exprime sous trois formes : « le narré » (où les événements sont racontés avec ou sans commentaire) ; le « montré » (où la réalité est retranscrite par des mots, dans la description ou le portrait) ; le « parlé » (où les paroles – directs ou indirectes – sont reproduites) ;

* Un sens : derrière les faits racontés se cache une intention de l’auteur, une volonté de donner à comprendre, à interpréter. Des éléments porteurs d’une charge sémantique et donc indépendants du contenu narratif ou des modes de narration, ont pour rôle de tisser un réseau signifiant. Ces indices s’appellent motifs, thèmes, topoï. Ils sont plus ou moins apparents suivant l’œuvre, étant parfois explicitement signalés par l’auteur (par la teneur du paratexte comme le titre, la préface, les notes, les épigraphes…), parfois dissimulés dans la trame du texte sous forme symbolique ou métaphorique. Dans ce dernier cas les outils inspirés de la psychanalyse pourront permettre de dévoiler

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