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Les Valeurs Republicaines

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sse largement dans ce principe d'indivision du peuple, du laos. Certes, les communautés de foi, ou de représentation du monde, ne sont pas négligeables. Mais elles ne concernent que ceux qui s'y reconnaissent librement. Toute la question est donc de savoir comment concevoir la diversité dans l'unité, comment les articuler d'une part sans que la diversité compromette l'unité, d'autre part sans que l'unité opprime la diversité. Il s'agit de définir des registres d'affirmation de l'une et de l'autre de façon qu'elles soient conciliables. On concevra donc une communauté de droit à partir d'un souci de justice inspiré par la référence aux droits fondamentaux de l'être humain.

On peut bien sûr faire remarquer que les communautés politiques se sont d'abord constituées comme des communautés de fait, qui tendaient à privilégier des facteurs de référence liés spontanément à une religion, à une vision coutumière, à un particularisme ethnique. Mais un tel constat n'est opposable à l'idée d'une réappropriation critique des fondements du vivre ensemble que si l'on refuse aux sociétés humaines la possibilité d'évoluer. De ce point de vue, on peut comprendre la laïcité non comme un produit culturel, spontanément surgi d'une tradition particulière, mais comme une conquête accomplie par un effort de distance à soi d'une société d'abord soumise à l'organisation théologico-politique traditionnelle.

Sans méconnaître la force récurrente des communautés de fait et des particularismes qui les cimentent, il convient de penser le sens de la construction laïque d'une communauté de droit. Et ceci pour trois types de raisons. La première est que la diversité des convictions spirituelles, religieuses ou autres, tend à prendre la place, dans les sociétés modernes, de l'unicité de référence religieuse. La seconde, montrée par une triste actualité, est que même dans le cas d'une homogénéité religieuse supposée de la population, la modalité théocratique ou fondamentaliste du religieux peut conduire à une figure théologico-politique oppressive. La troisième, suggérée par l'histoire, est que la domination politique et institutionnelle d'une religion sur une autre, voire des religions sur la conviction athée ou agnostique, est incompatible à des titres divers avec la liberté de conscience, comme avec l'égalité des droits.

Les trois grandes options spirituelles des hommes : réflexion sur la diversité

Une enquête récente CSA-Le Monde-La Vie du 21 mars 2003 fait apparaître dans la population française trois types de conviction spirituelle. Les croyants représentent environ 58 %, si l'on additionne dans cette catégorie les hommes qui jugent l'existence de Dieu certaine (24%) et ceux qui la jugent probable (34%). Ces derniers pourraient tout aussi bien s'apparenter aux agnostiques, qui déclarent inconnaissables et incertaines les choses de l'au-delà (agnostos : inconnaissable). Les athées sont environ 41%, si on additionne ceux qui excluent l'existence de Dieu (22%) et ceux qui la disent improbable (19%). Les seconds pourraient également être rattachés à l'agnosticisme, puisqu'ils ne tranchent pas non plus. Reste 1% de personnes qui ne se prononcent pas du tout, et représentent le véritable agnosticisme. On voit que la troisième catégorie, celle des agnostiques, est la plus faible d'un certain point de vue, et la plus nombreuse d'un autre, si l'on additionne les 34 %, les 19%, et le 1% : 54 %. Notons enfin qu'on ne peut définir négativement aucune des options spirituelles. Un croyant fonde ses valeurs sur la référence à une transcendance divine (cf. Augustin, Averroès, ou Levinas). Un athée ne croit pas en Dieu, mais il peut fonder ses valeurs sur d'autres principes (cf. Sartre, Bertrand Russel ou D'Holbach). Un agnostique suspend son jugement, mais il peut concevoir une morale naturelle de l'homme (cf. Protagoras, ou Hume). Bref, nulle option spirituelle ne peut être définie par simple privation, et cette compréhension positive est essentielle pour ne pas esquisser de discrimination entre les citoyens. C'est en ce sens que l'on interprétera l'idée que « la République respecte toutes les croyances » (Constitution de la cinquième République), le terme « toutes » excluant un quelconque privilège accordé à l'une d'entre elles.

L'identification de la nature de la diversité spirituelle permet donc de cerner les faits. Mais pour dire le droit, il faut se poser la question du type d'organisation qui permettra aux tenants de ces trois options spirituelles de vivre ensemble. Pour déduire les principes et la définition de la laïcité au regard des données ainsi rappelées, il convient de prendre en compte la diversité spirituelle des hommes, et le statut qu'elle peut avoir dans une société de droit, soucieuse de se définir en faisant abstraction de la distribution des positions de pouvoir et des avantages acquis telle qu'elle est héritée du passé. On reconnaît ici la fameuse image de John Rawls dans Théorie de la Justice : c'est derrière un voile d'ignorance que les citoyens se dotant d'une constitution doivent en définir les principes. C'est dire qu'ils ne savent pas ni ne doivent savoir quelle position ils vont occuper, en l'occurrence quelle conviction spirituelle sera la leur, au moment où ils mettent en place les règles fondamentales de l'organisation commune. La question essentielle est donc bien : à quels principes doit répondre l'organisation politique pour que les divers croyants, les athées, et les agnostiques, jouissent exactement des mêmes droits et puissent ainsi se reconnaître également dans la Cité qui les réunit ? Pour tenter de répondre, on prend donc au sérieux l'hypothèse du « voile d'ignorance », qui consiste à délier la conception proposée de toute préférence spirituelle personnelle. Pour mettre à l'épreuve la valeur d'un principe envisagé comme juste, on se placera donc du point de vue du tenant d'une autre option spirituelle que celle que l'on partage soi-même. Une telle démarche de méthode est la garante de l'universalité et de l'acceptabilité finale de la conception proposée. La laïcité ne se définit donc pas à partir d'une position religieuse ou d'une position athée : elle ne se situe pas sur le même plan que les diverses options spirituelles.

Le droit laïque et ses exigences

La liberté de conscience est le premier principe fondateur de la laïcité. Les tenants de trois options spirituelles doivent être libres de choisir une religion, une conviction athée ou agnostique. Et l'usage de cette liberté ne doit déboucher sur aucune stigmatisation. Ni credo obligé ni credo interdit. La liberté de conscience est première, comme l'est la liberté humaine : elle n'est pas un bien que l'on peut perdre, qui serait accordé ou non, car il s'inscrit dans l'être de tout homme, non dans son avoir. C'est en ce sens qu'après Rousseau une telle liberté est dite inaliénable Elle est plus large, plus générale, que la liberté de religion ou liberté « religieuse », puisqu'elle se réfère au libre choix que permet l'ensemble des options spirituelles. Elle échappe aux ambiguïtés de la tolérance politique, dont Condorcet et Mirabeau ont souligné qu'elle relève d'une inégalité entre ceux qui tolèrent et ceux qui sont tolérés. C'est la liberté de conscience qu'assure le premier article de la loi du 9 décembre 1905. Une telle liberté de conscience peut être bafouée de deux façons. Soit par l'imposition d'une religion et la persécution des autres ou de l'athéisme et de l'agnosticisme. Soit à l'inverse par l'imposition de l'athéisme et la persécution des religions. En ce sens, l'Union Soviétique stalinienne persécutant les religions au nom d'un athéisme officiel a autant bafoué la laïcité que l'Espagne franquiste qui imposait le catholicisme comme religion d'État (« national-catolicismo »).

Il est donc clair que la laïcité n'est pas antireligieuse, et qu'elle ne relève nullement d'un athéisme implicite ou explicite. Si elle est devenue historiquement anticléricale au regard de prétentions théologico-politiques qui entendaient dévoyer le libre témoignage spirituel de la religion en un projet de domination temporel, ce n'est pas alors à la religion comme telle qu'elle s'est opposée. Il est clair également que la laïcité n'est pas hostile à l'athéisme comme tel : elle rejette tout simplement l'athéisme officiel qui voudrait s'imposer politiquement. Cette symétrie est importante pour esquisser le plan sur lequel se situe la laïcité, et qui n'est pas celui des options spirituelles particulières. Le Président de la République parle à juste titre d'un cadre, qui en un sens transcende toutes les options spirituelles en définissant les conditions de leur libre affirmation, de leur égalité de statut, et de leur coexistence sans aliénation de la sphère commune à la domination de l'une ou de l'autre.

Quant à la liberté de conscience, elle a pour condition que l'État ne soit pas ou plus arbitre des croyances, et qu'il reste à cet égard neutre. Cette abstention correspond à une

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