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Lile

Note de Recherches : Lile. Rechercher de 53 000+ Dissertation Gratuites et Mémoires
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e une réflexion autour de quelques exemples de la perte de l’intégrité du patrimoine naturel, notamment la pollution de l’eau et les risques associés aux branches agro-industrielle et énergétique.

[Texte = environ 8000 mots ; Résumé = environ 200 mots]

Introduction

Traditionnellement l’économie considérait une ressource ou un service comme « rare » si son utilisation entraînait un coût d’opportunité positif et significatif pour la société, même ailleurs ou dans l'avenir. Lorsque des services environnementaux tels que l'air et l'eau propres étaient perçus comme abondants, ils étaient traités comme des « biens libres ». Dans des situations où la terre et des aménités naturelles semblaient fixes et à caractère indestructible, les premières questions qui se posaient avaient trait aux rentes que leur possession pourrait impliquer, et à la population qu'elles pourraient supporter étant données les technologies disponibles.

Aujourd’hui les actifs environnementaux sont perçus comme ni abondants (non-rares) ni indestructibles (e.g., Boulding 1966 ; Passet 1979 ; Hueting 1980). La réussite même de l’industrialisation a conduit à des doutes sur la soutenabilité inter-temporelle de la croissance économique, ainsi qu’à des questionnements à propos de l’équité d’accès aux ressources naturelles, aux aménités environnementales et aux bénéfices issus de leur exploitation ou de leur sauvegarde. Les avocats du développement durable et de la justice environnementale s’adressent désormais aux blessures infligées par le développement économique aux « ressources communes » environnementales vécues tantôt comme patrimoine de l’humanité tantôt comme milieu de vie des populations défavorisées ou encore comme base de subsistance des sociétés non encore industrielles.

L’analyse économique offre pourtant un puissant principe heuristique pour organiser toute question d’arbitrage entre exploitations alternatives de ressources économiques et environnementales, par le croisement :

❑ Des analyses en termes des activités faisables (définition de « l’espace des possibilités » et énoncé des contraintes économiques, techniques, écologiques, etc.) ; et

❑ Des analyses en termes des valeurs et des choix d’une société (les préférences individuelles, l’expression d’une demande sociale, les notions de justice, etc.)

Pour certains, il s’agit de l’offre et de la demande sous-jacentes à l’équilibre marchand. Le côté de l’offre s’analyse en termes de « production jointe » de biens et services économiques concomitante à la reproduction et au renouvellement de services et supports naturels (Brouwer, O'Connor et Radermacher 1999). La gestion des ressources économiques et écologiques devrait donc remplir deux fonctions complémentaires : (1) assurer la base d’un bien être écologique en maintenant des fonctions et des aménités environnementales ; et (2) assurer la base d’un bien-être économique par la production de biens et services. Cette offre « jointe » de l’économie insérée dans son environnement biophysique peut être l’objet des analyses de prospective, formalisées ou non, en tant qu’explorations de l’espace de possibilités. La société opère ensuite son jugement sur ces avenirs possibles. L’ensemble de jugements plus ou moins conciliables qui seront offerts par les membres de la société constituent la « demande sociale » en faveur ou non de la soutenabilité.

En bref, si le problème de rareté économique et environnementale démarre par l’analyse des coûts d’opportunité associés à l’usage (ou non usage) des ressources naturelles et des services environnementaux, il se poursuit aussitôt par l’analyse des conflits entre les intéressés jusqu’aux conflits entre les systèmes de valeurs culturelles associés à des usages (ou des propositions d’usage) plus ou moins incompatibles de ces ressources. Cette ‘dialectique’ peut être développée de diverses façons sur le plan théorique comme dans la pratique. Il s’agit de la problématique même de notre article.

La première partie passe en revue la distinction, bien connue au sein de la théorie économique, entre conceptions ‘forte’ et ‘faible’ de la soutenabilité. La seconde partie s’adresse à la question d’une « spécificité française » en ce qui concerne la « demande sociale » pour une gestion durable du capital naturel et des services écologiques. Nous rappelons tout d’abord les grandes lignes du modèle politique de la démocratie délibérative, ce qui permet d’apprécier le nécessaire fondement culturel du développement durable comme projet de société. Conscient de l’ampleur d’une telle problématique, nous nous contentons d’une réflexion autour de quelques exemples empiriques des controverses autour de la dégradation des « fonctions environnementales », notamment l’agriculture intensive et la pollution de l’eau en Bretagne et la gamme de risques réels et « virtuels » associés aux branches agro-industrielle et énergétiques.

Nous traitons ainsi la question multidimensionnelle de « l’intégrité » de la société — non pas du point de vue du seul maintien de son capital naturel mais aussi — et surtout — de la viabilité (ou non) d’un nouveau modèle de politique, de « gouvernance concertative », qui s’étaye sur cette nouvelle appréciation de la nature comme espace de la complexité.

1ère Partie :

Le Capital Naturel et le Développement Durable »

Il est désormais courant de considérer les biens et services écologiques comme issus de stocks existants de « capital naturel ». Arguant du fait que les systèmes environnementaux et les stocks de ressources naturelles fournissent des flux de bénéfices à la société, le concept comptable traditionnel d’actif est étendu à ces derniers. Daly (1994) décrivait le capital naturel de la façon suivante :

«Le capital naturel est le stock qui produit le flux de ressources naturelles : la population de poissons dans l’océan qui génère le flux de pêche allant sur le marché ; la forêt sur pied à l’origine du flux d’arbres coupés ; les réserves de pétrole dans le sol dont l’exploitation fournit le flux de pétrole à la pompe».

Dans la mesure où le maintien au cours du temps de ces flux est l’une des conditions préalables à un développement durable, la question des règles ou des critères qui pourraient signaler la bonne (ou la mauvaise) gestion du capital naturel s'avère incontournable.

1.1 La Soutenabilité « Faible » : Quel choix « optimal » pour la société ?

Entre le milieu des années 1970 et le début des années 1980, au moment des grands débats consécutifs à la crainte de la raréfaction des ressources naturelles (énergies fossiles notamment), on a assisté au développement d'une littérature substantielle qui traitait : (i) de la nature des sentiers dits de "croissance optimale" avec ressources épuisables, selon le critère de la valeur présente de l'utilité ; (ii) de la faisabilité des sentiers de consommation soutenue ou de consommation croissante par tête si de tels sentiers résultent de la maximisation de la valeur présente ou d'une règle de bien être intergénérationnel ; et (iii) des moyens par lesquels de tels sentiers de consommation pouvaient être atteints en pratique. Il s'agit en fait d'une extension des enseignements issus des modèles de croissance optimale avec ressources épuisables à des modèles de croissance optimale avec capital naturel. On retrouve une condition générale de durabilité interprétée comme le non déclin de la consommation par tête, à savoir : les effets positifs du progrès technique et /ou de l'accumulation du capital économique peuvent être supérieurs aux effets négatifs sur l'exploitation directe des stocks du capital naturel, de la pollution, de la croissance de la population et du taux d'actualisation (pour quelques perspectives de revue voir, Toman et al. 1995 ; Faucheux & Noël 1995 ; Faucheux, Muir & O'Connor 1997 ; Asheim & Buchholz 2002).

A partir des modèles de croissance avec capital naturel il apparaît que l'atteinte ou non de la soutenabilité (définie comme un changement non négatif dans le stock total de capital ou la consommation totale par tête ou un critère similaire) serait sensible aux paramètres suivants :

❑ les préférences subjectives des individus pour le temps dans leur consommation, et le taux d'actualisation du "décideur" pour la société,

❑ le taux de croissance de la population,

❑ le taux de progrès technique, signifiant ici (toutes choses égales par ailleurs) le changement, au cours du temps, des productivités de facteur,

❑ les élasticités de substitution entre différentes formes de capital comme facteurs de production et/ou de consommation,

❑ les élasticités de production et en particulier celles reflétant l’importance relative du capital naturel,

❑ le taux de renouvellement du capital naturel.

Les deux premiers sont

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