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Methodologie En Anthropologie Sociale

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et chercheurs, toute nationalité confondue, forts des acquis de leurs aînés, vont s’efforcer d’enrichir et de faire évoluer le chantier ainsi collectivement mis en place. S’inscrivant dans cette dynamique, à partir des années soixante d’autres nouveaux « chantiers anthropologiques » consacrés notamment à l’étude des sociétés urbaines et industrielles, ou encore à la réflexion sur l’articulation entre le local et le global ont été ouverts. Ce faisant, l’anthropologie a largement débordé, bien sûr, de son cadre habituel, en prenant ainsi le risque de compromettre sa lisibilité au regard des autres sciences sociales. Un tel risque n’est pas à minimiser car il en va de sa crédibilité. Aussi, à la manière d’Emmanuel Kant qui s’interrogeait de son temps sur le crédit que l’on devrait accorder à la raison humaine en tant que faculté ratiocinante à vouloir toujours déborder de son cadre habituel, le monde des phénomènes, pour prétendre se hisser ainsi jusqu’aux « réalités nouménales », des voix critiques se sont donc élevées ces derniers temps (TESTART, 1986 ; LENCLUD, 1986 ; DELIEGE, 1992, LAPLANTINE,2002) pour se demander, elles aussi, sur la crédibilité qu’il faut accorder à l’ anthropologie en tant que science, dans ses prétentions à vouloir s’investir dans tous les domaines du champ humain et social. A force d’incursions par-ci et par-là, ne risque-t-elle pas de devenir quelque chose d’hybride, en mal d’identité ? Finira-t-elle par devenir, selon l’expression de François LAPALNTINE, un « genre métis » ? De telles interrogations ne sont pas une simple pétition de principe mais elles renvoient à quelque chose de vital pour l’anthropologie. Cette dernière ne peut en effet progresser, en tant que science et être reconnue comme telle, qu’en faisant preuve d’esprit critique envers elle-même, dans une sorte de doute méthodique. Et elle ne peut consolider ses acquis que par ruptures épistémologiques et par recentrages incessants, Tel un grand fleuve méandreux, avec de nombreuses rapides et dont les eaux débordent souvent de son lit, l’anthropologie est un loin d’être un cours d’eau tranquille et sans histoire. A l’image de ce grand fleuve qui, pour affirmer toute sa force et tout son débit doit se nourrir des eaux de plusieurs sources, l’anthropologie, elle aussi, doit son rayonnement en puisant à plusieurs sources, au cœur de la philosophie, de la sociologie, de la linguistique, de la psychanalyse, voire même de l’histoire naturelle,…. C’est ainsi qu’elle a toutes les chances d’être réellement opératoire et de pouvoir dire quelque chose de réellement intéressant. Evidemment, un tel éclectisme ne rend pas toujours aisé une lecture transparente et réellement confortable de ses approches méthodologiques, surtout pour les jeunes chercheurs, dont les étudiants DEA par exemple.

En effet, si au départ l’anthropologie semblait ne s’intéresser qu’aux pays tropicaux et lointains, c’est-à-dire à ces « sociétés froides », pour reprendre ici l’expression de Claude LEVI-STRAUSS ( sociétés sous le sceau de l’ « éternel hier »et qui se trouvent à des milliers de kilomètres de l’Europe, là-bas au cœur de l’Afrique, dans les îles et archipels du Pacifique ou encore dans les montagnes et forêts amérindiennes) peu à peu, l’anthropologie a élargi son champ d’investigation en direction des « sociétés chaudes » du monde de la modernité et de la post-modernité. Elle a cessé de se définir ainsi comme étant exclusivement cette science des sociétés exotiques pour devenir également celle des « sociétés complexes » dont sont précisément originaires la plupart des personnes qui se disent spécialistes de cette nouvelle discipline scientifique et où vivent également les principaux auditeurs de tous les discours « savants », patiemment conçus par ces différents spécialistes. Force est donc de constater maintenant que l’anthropologie s’investit de plus en plus dans des études monographiques les plus variées comme celles des minorités religieuses en Suisse (Joanna PFAFF-ZARNECKA, 2002), celles de la vie quotidienne au sein de l’Assemblée nationale française (Marc ABELES, 2000), ou encore celles de l’utilisation des instruments de communication comme la radio à modulation de fréquence pour capter les messages des défunts et de l’au-delà (Christine BERGE, 1990). Ces trois exemples, sont assez éloquents pour montrer jusqu’à quel point le projet anthropologique entend ainsi faire preuve d’imagination créatrice, a être présente sur tous les fronts, quitte à empiéter parfois sur des « domaines réservés » aux autres sciences de l’homme et de la société.

Dans un tel contexte, qu’est-ce qui distingue réellement un anthropologue d’aujourd’hui qui travaille par exemple sur les problèmes de violence à l’école dans tels ou tels quartiers urbains aux USA, au Québec, ou en Afrique du Sud, du sociologue qui, dans ces différents pays s’investit, lui aussi, sur ces mêmes questions ? La réponse qui vient immédiatement à l’esprit est que l’anthropologue entend se démarquer de son collègue non pas tant par les thématiques mais plutôt par la manière de traiter les thématiques retenues. Autrement dit, l’anthropologie se distingue de la sociologie non par son objet mais plus exactement par l’étude de son objet. Dans ce cas, une science peut-elle se définir uniquement par ses outils méthodologiques ? A cette question, on ne peut que répondre négativement. Car en plus de la méthode, il faut également tenir compte des résultats. Pour ce qui est de l’anthropologie, il s’agit de saisir les phénomènes sociaux étudiés tant dans leurs dimensions collectives que dans leurs expressions individuelles et ce, à travers leurs différents niveaux de signification. Le but de la démarche anthropologique, c’est parvenir à de tels types de résultat. Il faut parvenir ici à une vue à la fois synoptique et très détaillée du sujet mis à l’étude. Allant dans ce sens, Claude LEVI-STRAUSS, en arrive même à parler, dans son introduction à l’œuvre de Marcel MAUSS, de « vocation totalisante » de l’anthropologie. Car l’anthropologie n’est pas seulement un mode de penser mais c’est également un mode d ‘être. Pour cela, il faut faire corps avec son terrain de recherche, le pénétrer de l’intérieur afin de pouvoir le sentir dans ses moindres pulsions, tout en gardant de la distance pour être en mesure le regarder réellement vivre. En un mot, il faut être cet « étranger intime », à la fois proche et lointain. N’est-ce pas dans ce jeu dialectique entre le dedans et le dehors, dans ces interstices entre la subjectivité et l’objectivité que devrait s’inscrire désormais tout projet anthropologique ? Dans une telle perspective, toute la difficulté de la démarche anthropologique ne réside-t-elle pas dans ce difficile équilibre qu’il faut savoir néanmoins garder entre l’exigence d’un discours savamment construit et qui prend à témoin le terrain pour se justifier dans ses dire et le sentiment d’humilité face à certain silence du terrain qui ne veut jamais tout dire et tout vous révéler et qui va parfois jusqu’à pousser le malin plaisir à démentir tout ce qu’il vous a semblé avoir « personnellement » dit ?

Si, à première vue, le terrain ne peut dire autre chose que ce que le chercheur veut qu’il dise, à regarder de plus près, il n’en est rien car il y a toujours ces « paroles du terrain » qu’aucun discours, si éloquent soit-il, ne réduirait jamais au silence. Mais sous prétexte qu’il existe cette « altérité du terrain » il ne faut pas se satisfaire pour autant d’une lecture littérale et objectale du terrain : l’anthropologue n’est pas, en effet, un journaliste qui se contenterait de rapporter fidèlement les faits mais il est plutôt un scientifique qui, en toute objectivité, doit livrer aux membres de la « cité scientifique » des réalités de terrain patiemment travaillées et minutieusement interprétées. Un tel produit nécessite un décentrement permanent de l’anthropologue par rapport à lui-même et par rapport à son terrain (Maurice GODELIER, 2002). Finalement, le terrain de recherche anthropologique est une sorte de miroir à multiples facettes qui, en fonction de l’angle d’inclinaison impulsé par le chercheur, renvoie finalement ce dernier à sa propre image et à sa propre société ? Faut-il croire, dans ce cas là, qu’il existe, non seulement pour anthropologie mais pour toutes les sciences de l’homme et de la société, une sorte d’ « illusion transcendantale du regard », comme il existe, selon Emmanuel KANT, « une illusion transcendantale de la raison pure », empêchant ainsi cette dernière d’être réellement opératoire dans sa quête de connaissance? Au quel cas, quel crédit peut-on réellement accorder au discours anthropologique ainsi que celui des autres sciences de l’homme et de la société ?

Quelle que soit la nature des réponses apportées à ces différents questionnements, force est de constater que le regard et l’ouie sont finalement essentiels dans toute démarche anthropologique. Car l’anthropologue doit avoir sur le groupe social qu’il étudie, non seulement un regard bienveillant et complice qui s’attachera plus particulièrement à la contextualité des faits, mais également une oreille tout à

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