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Mère Porteuses

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7. Accouchement sous X. Affaire Benjamin. - Quelle solution retenir dans le cas où la mère biologique accouche dans l'anonymat d'un enfant reconnu avant sa naissance par son père biologique ? Telle fut la question posée à la Cour de cassation, en avril 2006, dans la douloureuse affaire Benjamin. En l'espèce, 2000, M. P. reconnaît, devant un officier de l'état civil du département du Haut-Rhin, l'enfant dont Mme D., sa compagne, est enceinte. Le couple se sépare peu de temps avant l'accouchement. Le 14 mai 2000 = NAISSANCE sous X, à Nancy, Mme D. met au monde, dans l'anonymat, un petit garçon qui sera prénommé Benjamin. Le 26 juin 2000, le père de l'enfant écrit au procureur de la République de Colmar afin que celui-ci lui fasse connaître les démarches à entreprendre pour connaître la date et le lieu de naissance de son enfant. Le procureur lui répond qu'il doit assigner Mme D. en justice pour obtenir ces renseignements. Le 17 juillet 2000, Benjamin est admis, à titre définitif, en qualité de pupille de l'État. Le 28 septembre 2000, il est placé au foyer des époux F. en vue de son adoption. Après plusieurs mois de recherches, M. P. réussit à identifier et à localiser son enfant. Le 18 janvier 2001, il écrit à la cellule d'adoption du conseil général de Meurthe-et-Moselle en indiquant qu'il a reconnu l'enfant à naître de Mme D. qui a accouché sous X. et qu'il désire assumer sa paternité et reprendre l'enfant. Il lui est alors répondu qu'il est trop tard puisque Benjamin a été placé en vue d'une adoption. Le 24 février 2001, afin de « faire valoir ses droits de paternité », M. P. adresse un nouveau courrier au procureur de la République de Colmar dont il n'obtient aucune réponse. Le 26 avril 2001, le conseil de famille des pupilles de l'État de Meurthe-et-Moselle donne son consentement à l'adoption. Curieusement, alors que la représentante de la cellule adoption du conseil général était présente à la réunion, le procès-verbal ne fait aucune allusion à une quelconque information donnée au conseil sur une revendication de l'enfant par son père biologique. Le 20 juillet 2001, M. P. assigne le préfet de Meurthe-et-Moselle, tuteur de l'enfant, devant le tribunal de grande instance de Nancy pour demander la restitution de l'enfant. Les époux F. et l'association Enfance et familles d'adoption interviennent dans la procédure.

108. Par un jugement en date du 16 mai 2003, le tribunal de grande instance de Nancy rejette la requête en adoption des époux F. Par un second jugement du même jour, il déclare recevable l'action en restitution et ordonne que l'enfant soit rendu à son père (TGI Nancy, 16 mai 2003, 2 jugements, D. 2003. 2910, note E. Poisson-Drocourt , 2003. Somm. 2120, obs. F. Granet-Lambrechts , et 2004. Somm. 465, obs. D. Bourgault-Coudevylle , AJ fam. 2003. 310, obs. F. B ., JCP 2003. I. 148, no 2, obs. J. Rubellin-Devichi, et 2004. II. 10036, note J. Massip, Dr. fam. 2003. Comm. 88, note P. Murat, RJPF 2003-11/36, note Th. Garé, RTD civ. 2003. 488, obs. J. Hauser , LPA 3 mars 2004, p. 5, note C. Bernard-Xemard). Pour admettre la recevabilité de l'action en restitution de l'enfant, le tribunal considère que si l'article 352, alinéa 1er, du code civil fait obstacle à toute déclaration de filiation ou à toute reconnaissance d'un enfant placé en vue de l'adoption, cette disposition ne vise que les actions ou les reconnaissances postérieures au placement. Il en déduit que la reconnaissance prénatale souscrite par M. P. est valable même si elle n'a pu être transcrite du fait des circonstances de la naissance de Benjamin. En application de l'article 352, alinéa 2, du code civil, les effets du placement sont rétroactivement résolus puisque le tribunal de grande instance a, dans une autre décision du même jour, refusé de prononcer l'adoption. Pour reconnaître le bien-fondé de la demande de M. P., le tribunal se fonde sur l'article 7 de la Convention de New York relative aux droits de l'enfant affirmant que l'enfant a, dans la mesure du possible, le droit de connaître ses parents et d'être élevé par eux. Il fait également état de l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme consacrant le droit de toute personne au respect de sa vie familiale.

109. Sur appel des époux F., les deux jugements sont infirmés par deux arrêts rendus par la cour d'appel de Nancy le 23 février 2004 (D. 2004. 2249, note E. Poisson-Drocourt , et 2004. Somm. 1422, obs. F. Granet-Lambrechts , JCP 2004. II. 10073, note M. Garnier, 2004. I. 167, no 10, obs. J. Rubellin-Devichi et Y. Favier, Dr. fam. 2004. Comm. 48, note P. Murat, RJPF 2004-4/33, note M.-C. Le Boursicot,RTD civ. 2004. 275, obs. J. Hauser ; V. ég. P. VERDIER, L'affaire Benjamin : des effets de la reconnaissance paternelle d'un enfant né sous X, AJ fam. 2004. 358 , et en réponse, P. SALVAGE-GEREST, Benjamin encore… Une indispensable mise au point, AJ fam. 2005. 18 ; sur l'affaire Benjamin, V. ég. la décision de la cour d'appel de renvoi, citée infra, no 438). La juridiction du second degré = cour d’appel considère, en effet, que la reconnaissance souscrite par M. P. a été privée d'efficacité par la décision de Mme D. d'accoucher dans l'anonymat. En outre, l'identification de l'enfant résultant de la seule désignation de la mère, censée n'avoir jamais accouché, est inopérante. M. P. aurait donc dû fournir un autre élément d'identification de l'enfant dont il revendique la paternité. Enfin, en vertu de l'article 352, alinéa 1er, du code civil, le placement de Benjamin en vue de son adoption empêche toute restitution postérieure de l'enfant à sa famille d'origine et fait échec à une reconnaissance par son père biologique. La cour d'appel en déduit que l'intervention de M. P., postérieure au placement de l'enfant, n'a pas permis de rendre effective sa reconnaissance prénatale et a fortiori d'obtenir la restitution de l'enfant. Cette solution avait déjà été retenue, dans une affaire similaire, par la cour d'appel de Riom (Riom, 16 déc. 1997,D. 1998. Somm. 301, obs. D. Bourgault-Coudevylle , et 1999. Somm. 198, obs. F. Granet , JCP 1998. II. 10147, note Th. Garé, 1999. I. 101, no 4, obs. J. Rubellin-Devichi, Dr. fam. 1998. Comm. 150, note P. Murat, RTD civ. 1998. 891, obs. J. Hauser ). Au nom du droit de la mère à l'anonymat, les deux juridictions du second degré nient purement et simplement les droits fondamentaux du père biologique en violation du principe de divisibilité de la filiation hors mariage. Une telle solution confère à la mère biologique qui souhaite rester anonyme le pouvoir de faire disparaître juridiquement l'enfant qu'elle a mis au monde. Ces deux affaires illustrent parfaitement « l'impuissance des pères devant l'accouchement anonyme » (P. MURAT, note sous Riom, 16 déc. 1997, préc. supra, no 25). Elles posent la question de la portée du placement de l'enfant en vue de son adoption (V. infra, nos 287 et s.). Dans un second arrêt, la cour d'appel prononce l'adoption plénière, éliminant ainsi irrémédiablement le père biologique de la vie de l'enfant.

110. Le 7 avril 2006, les deux arrêts rendus par la cour d'appel de Nancy sont cassés (Civ. 1re, 7 avr. 2006, préc. supra, no 35). La Haute juridiction se fonde sur les dispositions du code civil ainsi que sur une partie de l'article 7-1 de la Convention de New York relative aux droits de l'enfant affirmant le droit de l'enfant de connaître ses parents dès sa naissance et dans la mesure du possible. Sur le plan du droit interne, visant les articles 335, 336, 341-1, 348-1 et 352 du code civil, la première chambre civile affirme que la reconnaissance d'un enfant prend effet à la date de naissance de l'enfant dès lors qu'il a été identifié, que la filiation est divisible et que le consentement à l'adoption est donné par le parent à l'égard duquel la filiation est établie. En l'espèce, l'enfant ayant été identifié par M. P. à une date antérieure au consentement à l'adoption, la reconnaissance prénatale avait établi la filiation paternelle de l'enfant avec effet au jour de sa naissance, de sorte que le conseil de famille des pupilles de l'État, qui était informé de cette reconnaissance, ne pouvait plus, le 26 avril 2001, consentir valablement à l'adoption de l'enfant, ce qui relevait du seul pouvoir de son père naturel. Il faut sans doute comprendre qu'a contrario, une identification de l'enfant postérieure au consentement du conseil de famille aurait permis la poursuite du processus d'adoption sans le consentement paternel (V. not. P. MURAT et F. GUITTET, notes préc.). La solution n'est pas en contradiction avec l'article 349 du code civil qui dispose que « pour les pupilles de l'État dont les parents n'ont pas consenti à l'adoption, le consentement est donné par le conseil de famille de ces pupilles ». À partir du moment où la reconnaissance paternelle est connue avant que le conseil de famille des pupilles de l'État n'ait donné son consentement, l'enfant ne saurait être adopté sans consentement paternel. L'exigence de ce consentement prime sur le statut de pupille de l'État de l'enfant. En revanche, la Haute juridiction n'a pas affirmé qu'une reconnaissance prénatale a systématiquement pour effet de transférer à son auteur

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