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Ouesh Quoi

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ue et physique, aboutit à un état de torpeur stérile, d'angoisse morbide, de dépossession de soi-même.

Baudelaire en souffrit toute sa vie, et il formait pour lui l’expérience fondamentale de l’existence. Il décrivit ainsi son état dans une lettre à sa mère de 1857 : «Ce que je sens, c'est un immense découragement, une sensation d'isolement insupportable, une peur perpétuelle d'un malheur vague, une défiance complète de ses forces, une absence totale de désirs, une impossibilité de trouver un amusement quelconque [...] Je me demande sans cesse : À quoi bon ceci? à quoi bon cela? C'est le véritable esprit de spleen.»

On constate, dans les quatre ‘’Spleen’’, qui présentent une grande unité thématique, une nette évolution, au terme de laquelle, dans celui-ci, le plus terrible, le plus angoissant, qui est délirant, dément, le spleen n'est plus l’état d'ennui sans espoir où l'âme s'enlise interminablement, le sentiment d’accablement sous le poids du temps qu’il est dans “Spleen” (LXXVI), ‘’J’ai plus de souvenirs que si j’avais mille ans’’ (voir le commentaire de ce texte). Il revêt un caractère plus dramatique, apparaît sous une forme aiguë et nettement pathologique. Il atteint son paroxysme ; c'est l'apogée de la souffrance, la reconnaissance inexorable de l'échec.

On manque de points de repère précis qui permettraient de déterminer la date de composition de ‘’Quand le ciel bas et lourd pèse comme un couvercle’’. Certaines images font penser au romantisme sombre de 1842-1845. Mais la grande beauté de la dernière strophe semble suggérer une date plus tardive.

On peut considérer que le poème, formé de cinq quatrains d'alexandrins, est organisé en deux étapes, la première s’étendant sur les trois premières strophes, la seconde sur les deux autres, même si, syntaxiquement, une première phrase s’étend sur les quatre première strophes.

La première étape, où l’on peut voir une protase (étymologiquement, «tension vers lavant») la première partie d'une période (en rhétorique, ce terme désigne une phrase complexe, et construite de manière à présenter une cohérence, une unité de sens), énonce les circonstances du spleen en cinq propositions circonstancielles de temps, qui ébauchent un espace qui prépare et explique le spleen. Dans une atmosphère de malaise croissant, on assiste à la montée vers la crise nerveuse.

Dans les deux dernières strophes, la crise éclate, violente et désordonnée, dans l’hallucination auditive de la quatrième pour aboutir, dans la cinquième, à une détente. Mais celle-ci n'est pas libératrice, car «l'Angoisse» règne désormais sur l'âme vaincue qui renonce à ses aspirations vers l'idéal.

Première strophe :

Commençant avec la conjonction «quand», elle est constituée d’une première proposition subordonnée de temps, qui est au présent de vérité générale (ou d'habitude), proposition où s’imbrique une autre subordonnée temporelle («Et que...») qui imbrique, à son tour, une autre subordonnée («embrassant...»).

Le premier vers fait bien sentir, tant le plafond de nuages est épais, compact, climat typique de la région parisienne, une forte pression atmosphérique. Le ciel, habituellement symbole d'ouverture, d'espace, d'infini, est ici «bas et lourd». Cette idée d’un ciel écrasant était déjà apparue en 1843 dans le poème intitulé “Un jour de pluie” :

«Le monde où nous vivons, sous sa voûte d’airain,

Semble épaissir sur nous l’ombre d’un souterrain.»

Elle allait réapparaître dans celui, intitulé justement “Le couvercle”, écrit en 1861 :

«Le Ciel ! couvercle noir de la grande marmite,

Où bout l’imperceptible et vaste Humanité.»

L’élément impalpable qu’est le «ciel» est transformé en élément solide : il devient «couvercle», terme dont on remarque le prosaïsme. Et ce «couvercle» réduit l'espace, impose la claustration dans un lieu restreint et oppressant, provoque l'étouffement, l'écrasement, signifie l’impossibilité de toute échappée. On peut même y voir le couvercle d'un tombeau.

Notons que le rythme de ce vers (3 + 3 + 1 + 5) isole le mot «pèse», et le met en valeur.

Ce n’est qu’après un enjambement, qui crée un effet d’attente, qu’on apprend, au vers 2, que ce «couvercle», par une correspondance entre l’extérieur et l’intérieur, par un effet psychosomatique, impose une douleur à l’«esprit». Alors que le lyrisme personnel est flagrant, cette généralisation à tous les êtres humains, cette dépersonnalisation, s’expliquent parce que le poète parle au nom de tous ceux qui partagent sa condition ; parce que nous sommes tous susceptibles de ressentir le spleen. Cet «esprit», qui est un sujet passif, impuissant, victime de forces hostiles, mais qui ne manque pas de complaisance à étaler sa douleur, ne peut que «gémir» en étant «en proie aux longs ennuis», qui sont bien propres au «spleen».

L’impression de «couvercle» se précise aux vers 3 et 4. L’inversion du vers 3 permet de mettre en relief le mot «cercle». Comme il rime avec «couvercle», l’accolement des deux mots suggère qu’est ainsi formé un espace clos, qui ne laisse aucun interstice sur ses bords, ce qui implique que le poète se sent emprisonné, oppressé. Tout le cercle de l’horizon est «embrassé», c’est-à-dire saisi par la vue dans toute son étendue. Ainsi, le ciel réunit sous son poids la verticalité et l'horizontalité.

Au vers 4, on constate que, les nuages obstruant les rayons du soleil, la conséquence en est une obscurité que le ciel «nous verse». Baudelaire avait d’abord écrit : «Il nous fait» ; mais «verse» marque mieux le fait que cette obscurité tombe de haut sur les êtres humains, comme par l’effet d’une volonté supérieure désinvolte sinon malveillante, tombe de ce ciel qui devient ici le siège de la puissance divine. Et, dans l'expression «nous verse», les voyelles font écho à «couvercle».

Le monde étant interprété par une conscience malheureuse, le jour qui est versé est, véritable oxymoron, «un jour noir», une lumière noire, une lumière qui n'en est donc pas une, l'obscurcissement s'ajoutant à la claustration, à l'oppression. Dans une antithèse traduisant le renversement complet des repères habituels (jour / nuit, mais aussi haut / bas, vie / mort, etc.), et le bouleversement du poète, ce «jour» est paradoxalement comparé à des «nuits», considéré même comme «plus triste que les nuits», car l’obscurité de celles-ci est normale, attendue, consacrée d’ailleurs habituellement au sommeil, tandis que celle des jours est anormale, pénible, dangereuse. On remarque, dans «plus triste que les nuits», le seul comparatif de supériorité du poème, une insistance par l’assonance en «i». Il faut signaler aussi une redondance de lourdes conjonctions («quand», «que» et «comme»), de diphtongues sourdes qui allongent interminablement et étouffent les vers, de voyelles nasales, de sifflantes en «s». Quant à la rime «nuits» - «ennuis», elle établit bien l’analogie entre la nuit physique et la nuit morale qu’est l’ennui. D’autre part, il faut noter l'écho que «noir» fait à «proie». Enfin, ce vers est marqué par le retour régulier du son «n» qui donne une impression d’étouffement, d’épuisement.

La strophe présente donc une grande unité thématique, montre un double mouvement de rétrécissement, le ciel pesant et l’horizon bouché symbolisant une vie lourde à supporter. Comme elle se termine sur un point-virgule, et qu’elle n’est constituée que d’une proposition subordonnée, un suspens est créé par un enjambement de strophe à strophe.

Deuxième strophe :

Commençant avec l’anaphore de la conjonction «quand», qui annonce de nouvelles circonstances consécutives aux premières, cette strophe est constituée d’une deuxième proposition subordonnée de temps, où s’imbrique une autre subordonnée temporelle («Où l’Espérance...») qui imbrique, à son tour, d’autres subordonnées («S’en va battant...» - «Et se cognant»). Ainsi, le rapport temporel entre les propositions s'affirme comme un axe important du poème.

Ici est décrite une conséquence du temps atmosphérique mentionné dans la première strophe, le couvercle de nuages entraînant une humidité générale, les éléments complotant décidément contre le poète.

Au vers 5, le mot «terre» pourrait avoir une majuscule, car c’est comme la planète entière qui est envisagée. Elle succède au ciel, comme le bas au haut. L'enfermement décrit par le «cercle» dans la première strophe se précisant, à la comparaison («comme un couvercle») succédant une métamorphose, la terre est vue par Baudelaire comme «un cachot humide», ce qui semble un souvenir de Montaigne, qui parlait de «la terre, ce petit caveau où tu es logé» (“Essais”, II, 12) et de Pascal qui reprenait presque la même image : «l’univers, ce petit cachot». Mais ces prédécesseurs ne pensaient qu’à l’exiguïté de la Terre alors que le poète la compare vraiment à cette «prison» malsaine qui est bien désignée à la strophe 3. En

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