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t tout naturellement au monde qu’il connaît.

Ainsi le claquement des souliers sur l’asphalte des trottoirs évoque-t-il pour lui le « bruit des castagnettes ». Le sol est lui-même

comparé à une « carapace dure » et les souliers se métamorphosent en « coques dures », puis en « conques terminales », qui

finissent par former « la marée des conques » ; la pierre elle-même devient « coquille nue et sonore », faisant de la rue « une

vasque de granit », puis « une vallée de pierre », traversée par « un fantastique fleuve de mécaniques enragées ». Par un

processus de métaphorisation, cet univers urbain est perçu et décrit par analogie avec l’univers naturel auquel est habitué le

narrateur et auquel se rapportent presque toutes les images présentes : les conques, la vallée, le fleuve.

Ce regard pourrait dès lors paraître naïf, émanant d’un être ignorant qui ne peut décrire ce qu’il perçoit que par le truchement du

vocabulaire qu’il maîtrise et qui semble bien décalé, bien déplacé quand il s’agit de rendre compte de notre monde civilisé. Ne

nous y trompons pas, car c’est nous, lecteurs, qui pourrions passer pour naïfs. Ce décalage traduit au contraire l’ironie du

narrateur, et son humour, en particulier à travers l’évocation des « conques terminales » par lesquelles s’achèvent les jambes

de la femme. Peut-être pour ne pas laisser libre cours aux autres sentiments qui pourraient l’envahir : la peur, l’angoisse, le

manque, nés de ce qu’il voit et de ce qu’il entend. Le manque est par exemple perceptible à travers le recours fréquent à la

négation : « et ne vit pas de limite à la pierre » (l. 6), « Nulle part la tendre mollesse d’une terre nue » (l. 8), « il n’y avait aucun

pied » (l. 10), « rien que les claquements » (l. 11), « L’homme n’avait-il plus... ? » (l. 12), « je n’avais pas vu un seul pied »

(l. 15), « Jamais, autant que ce jour-là, les voitures automobiles (...) ne m’étaient apparues... » (l. 19-20). Les sentiments que

pourrait faire naître cette perception de la ville sont en quelque sorte transcendés au profit d’une approche plus satirique de

l’univers décrit : le regard étranger se fait regard critique.

Cette description, réalisée à travers la subjectivité d’un regard comme nous venons de le voir, n’est de ce fait pas neutre. Par

comparaison avec le monde qu’il connaît, le narrateur nous livre sa vision critique de celui dans lequel nous évoluons au

quotidien. Il nous tend un miroir : « Regardez comment est perçu l’univers dans lequel vous évoluez quand c’est un regard neuf,

pas un regard habitué, blasé, qui se pose sur lui », semble-t-il nous dire. La description porte ainsi en elle une intention, une

visée satirique.

Il présente d’abord notre monde comme un monde minéral. « L‘asphalte », « la pierre » sont sans cesse présents dans le texte.

C’est le matériau qui constitue les rues : « ... au bruit des castagnettes qui courait à ras d’asphalte. L’asphalte... Mon regard

parcourait toute l’étendue et ne vit pas de limite à la pierre. Là-bas, la glace du feldspath, ici, le gris clair de la pierre, ce noir mat

de l’asphalte » (l. 4 à 4), puis plus loin à la ligne 14 « à ras d’asphalte ». C’est aussi le matériau qui constitue les immeubles :

« Tout autour, du sol au faite des immeubles, la coquille nue et sonore de la pierre ». Si bien qu’immeubles et rue forment « une

vasque de granit », une « vallée de pierre ».

Ce monde minéral est à la fois uniformisé et froid. Uniformité de la pierre. Uniformité de ceux qui s’y déplacent : « Son dos carré

se perdit parmi d’autres dos carrés. Sa gabardine grise, parmi les gabardines. » Uniformité de la couleur grise, gris de la pierre,

gris de la gabardine, et de la couleur noire, « noir mat de l’asphalte », « noires conques terminales ». Ce monde est aussi dur et

froid. L’adjectif qualificatif « dur » est plusieurs fois répété : « Sur l’asphalte dur » (l. 8-9), « Sur la carapace dure, rien que le

claquement d’un millier de coques dures. » Cette dureté s’oppose à « la tendre mollesse d’une terre nue » que le narrateur

connaissait, on le devine, en Afrique. Sur ce sol dur, il n’est évidemment pas question de marcher pieds nus : « Sur l’asphalte

dur, mon oreille exacerbée, mes yeux avides guettèrent, vainement, le tendre surgissement d’un pied nu. Alentour, il n’y avait

aucun pied. Sur la carapace dure, rien que le claquement d’un millier de coques dures. L’homme n’avait-il plus de pieds de

chair ? » (l. 8 à 12). La chair entrevue de la femme, « la chair rose des mollets », n’offre aucun espoir, puisque elle-même « se

durcissait monstrueusement en deux noires conques terminales ». Cette allusion aux pieds nus, c’est encore une allusion à la

terre africaine. Notre monde occidental apparaît alors comme totalement privé de sensualité.

Enfin, ce monde est totalement mécanisé. La dernière partie du texte est consacrée aux automobiles, ces « mécaniques

enragées ». Le jugement porté à travers la périphrase est complété de façon tout à fait explicite dans la phrase suivante où les

voitures sont qualifiées par quatre adjectifs exprimant une évaluation péjorative : « souveraines et enragées, si sournoises bien

qu’obéissantes encore ». L’emploi de l’adverbe « encore » fait planer une menace. Le narrateur envisage le moment où leur

souveraineté

...

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