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Durkheim Montesquieu

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. (1898) Introduction Chapitre I. Conditions nécessaires à la constitution de la Science sociale

Chapitre II. - En quelle mesure Montesquieu a-t-il assigné à la Science sociale un objet propre ? Chapitre III. - Comment Montesquieu classe les Sociétés par types et par espèces Chapitre IV. - En quelle mesure Montesquieu a-t-il pensé qu'il existe des lois déterminées des choses sociales ? Chapitre V. - De la Méthode suivie par Montesquieu Conclusion

É. Durkheim , La contribution de Montesquieu à la constitution de la science sociale

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Émile Durkheim 1

« La contribution de Montesquieu à la constitution de la science sociale »

in Montesquieu et Rousseau, précurseurs de la sociologie, pp. 25 à 113. Paris: Librairie Marcel Rivière et Cie, 1966. (pp. 25 à 113)

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NOTE DU TRADUCTEUR. - La thèse latine d'Émile Durkheim, imprimée à Bordeaux en 1892 à l'imprimerie Gounouilhou, est dédiée à Fustel de Coulanges. Le titre latin est : Quid Secundatus politicae scientiae instituendae contulerit. Bien qu'elle ait déjà été traduite par M. F. Alengry dans la Revue d'Histoire politique et constitutionnelle (juilletseptembre 1937), nous avons cru devoir en donner une traduction nouvelle, la traduction de M. Alengry comportant, nous a-t-il paru, de trop grandes libertés prises avec le texte, soit sous forme d'inexactitudes, soit sous forme d'omissions. Tout en nous attachant à suivre le texte d'aussi près que possible, nous nous sommes permis de moderniser certaines expressions que le latin ne pouvait rendre que difficilement. C'est ainsi que nous avons traduit scientia politica par « science sociale » : c'est évidemment de la Sociologie qu'il s'agit ; mais Durkheim ne pouvait guère employer couramment en latin ce terme qu'il risque cependant deux fois dans son texte, mais qu'on avait (il y fait lui-même allusion dans son Introduction) taxé de barbarisme à cause de son origine hybride. Nous ne nous défendons même pas de quelque arbitraire : nous avons rendu civitas tantôt par « cité », tantôt par « État » ou par « régime politique », tantôt même par « société », selon que le contexte nous paraissait indiquer qu'écrivant en français, l'auteur eût employé plutôt tel ou tel de ces termes. Il en a été de même pour te mot mores qui nous a semblé devoir être traduit tantôt par « mœurs » ou par « moralité.», tantôt par « coutumes ». Il nous est arrivé de nous inspirer de la terminologie de Durkheim luimême (notamment dans sa thèse française sur la Division du travail social) : c'est ainsi que nous avons rendu populi consensus par « solidarité sociale » et societatis amplitudo par « volume social ». Enfin nous avons risqué, pour rendre societatis genera, l'expression « types de sociétés », que justifiera, nous l'espérons, l'idée indiquée par l'auteur au début de son chapitre V. Les notes de Durkheim sont composées en romain, celles du traducteur sont composées en italique et suivies de l'indication [N. du T.]. - A.C.

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SÉRIE 8 : Les Classiques de la sociologie, 200 pp.

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La contribution de Montesquieu à la constitution de la science sociale

Introduction

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Oublieux de notre histoire, nous avons pris l'habitude de considérer la science sociale comme étrangère à nos mœurs et à l'esprit français. Le fait que d'illustres philosophes qui ont tout récemment écrit sur ces matières, ont jeté leur éclat en Angleterre et en Allemagne 1, nous a fait oublier que cette science a d'abord pris naissance chez nous. Et pourtant ce n'est pas seulement le Français Auguste Comte qui a été le premier à lui donner son fondement propre, à en distinguer les parties essentielles et à lui donner un nom particulier, à vrai dire un peu barbare : le nom de sociologie ; mais tout cet élan qui nous porte aujourd'hui vers les problèmes sociaux, est venu de nos philosophes du XVIIIe siècle. Dans cette brillante cohorte d'écrivains, Montesquieu se détache parmi tous les autres : c'est lui, en effet, qui, dans son livre De l'Esprit des Lois, a établi les principes de la science nouvelle.

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Rappelons quelques dates. En Angleterre : BAGEHOT, Physics and Politics, 1872 ; SPENCER, Principles of Sociology, 1876 et suiv. (trad. fr., 1878-1879), et Descriptive Sociology, 1873-1881. En Allemagne : SCHAEFFLE, Bau und Leben des socialen Körpers, 1875 ; TONNIES, Gemeinschaft und Gesellschaft, 1887. [N. du T.].

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Sans doute, dans cet ouvrage, Montesquieu n'a pas traité de tous les faits sociaux, mais d'un seul genre parmi ceux-ci, a savoir : des lois. Toutefois la méthode qu'il emploie pour interpréter les différentes formes du droit, est valable aussi pour les autres institutions sociales et peut leur être appliquée d'une façon générale. Bien mieux, comme les lois touchent à la vie sociale toute entière, Montesquieu aborde nécessairement celle-ci à peu près sous tous ses aspects : c'est ainsi que pour exposer ce qu'est le droit domestique, comment les lois s'harmonisent avec la religion, la moralité, etc., il est obligé de considérer la nature de la famille, de la religion, de la moralité, si bien qu'il a, au vrai, écrit un traité portant sur l'ensemble des faits sociaux. Qu'on n'aille pas croire pour autant que ce livre renferme beaucoup de propositions qui, tels des théorèmes parfaitement démontrés, puissent être retenues par la science actuelle. A cette époque, en effet, presque tous les instruments qui nous sont nécessaires pour nous permettre d'explorer à fond la nature des sociétés, faisaient défaut. L'histoire, encore dans l'enfance, commençait à peine à grandir ; les récits des voyageurs touchant les peuples lointains, leurs mœurs et leurs lois étaient très rares et sans certitude ; la statistique 1 qui permet de calculer selon une méthode déterminée les divers événements de la vie, les décès, les mariages, les crimes, etc., n'était pas encore en usage. En outre, la société n'étant rien d'autre qu'un grand être vivant qui a son esprit propre, analogue au nôtre, on peut d'autant plus exactement à facilement découvrir les lois de la société humaine que celles de l'esprit, humain sont déjà connues : or, au dernier siècle, toutes ces études n'étaient encore qu'à leurs débuts et se trouvaient à peine ébauchées. Mais il s'en faut qu'on ne puisse bien mériter de la science qu'en l'enrichissant de vérités certaines : il n'est pas moins appréciable de lui donner conscience de son objet, de sa nature et de sa méthode et de préparer les bases sur lesquelles elle s'établira. Telle fut précisément la contribution de Montesquieu à notre science. Il n'a pas toujours correctement interprété l'histoire, et il est facile de le convaincre d'erreur ; mais personne auparavant ne s'était avancé aussi loin dans la voie qui a conduit ses successeurs à la vraie science sociale; personne n'avait discerné aussi clairement les conditions nécessaires à l'établissement de cette science. Mais il nous faut d'abord exposer quelles sont ces conditions.

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Le mot statistique n'est pas dans le texte (Durkheim écrit : nova illa disciplina qua ... ). Mais c'est d'elle évidemment qu'il est question. [N. du T.].

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« La contribution de Montesquieu à la constitution de la science sociale »

Chapitre I

Conditions nécessaires à la constitution de la science sociale

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Une discipline ne mérite le nom de science que si elle a un objet déterminé à explorer. La science en effet s'occupe de choses, de réalités ; si elle n'a pas un donné à décrire et à interpréter, elle repose sur le vide ; il n'est rien qu'elle puisse se proposer en dehors de cette description et de cette interprétation du réel. C'est sous cet angle que l'arithmétique considère les nombres, la géométrie, l'espace et les figures, les sciences de la nature, les corps animés et inanimés, la psychologie enfin, l'esprit humain. Aussi, pour qu'une science sociale pût être constituée, était-il nécessaire,

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