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FREUD Malaise dans la civilisation Chapitre V

Commentaire de texte : FREUD Malaise dans la civilisation Chapitre V. Rechercher de 53 000+ Dissertation Gratuites et Mémoires

Par   •  26 Mars 2016  •  Commentaire de texte  •  3 338 Mots (14 Pages)  •  5 802 Vues

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Explication de texte :

L’homme n’est point cet être débonnaire  , au cœur assoiffé d’amour, dont on dit qu’il se défend quand on l’attaque, mais un être,

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au contraire, qui doit porter au compte de ses données instinctives une bonne somme d’agressivité. Pour lui, par conséquent, le prochain n’est pas seulement un auxiliaire et un objet sexuel possibles, mais aussi un objet de tentation. L’homme est, en effet, tenté de satisfaire son besoin d’agression aux dépens de son prochain, d’exploiter son travail sans dédommagements, de l’utiliser sexuellement sans son consentement, de s’approprier ses biens, de l’humilier, de lui infliger des souffrances, de le martyriser et de le tuer. Homo homini lupus (2) : qui aurait le courage, en face de tous ces enseignements de la vie et de l’histoire, de s’inscrire en faux contre cet adage ? En règle générale, cette agressiv té cruelle ou bien attend une provocation, ou bien se met au service de quelque dessein dont le but serait tout aussi accessible par des moyens plus doux. Dans certaines circonstances favorables en revanche, quand par exemple les forces morales qui s’opposaient à ses manifestations et jusque-là les inhibaient , ont été mises hors d’action, l’agressivité se manifeste aussi de façon spontanée, démasque sous l’homme la bête sauvage qui perd alors tout égard pour sa propre espèce. [...] Cette tendance à l’agression, que nou s pouvons déceler en nous-mêmes et dont nous suppons à bon droit l’existence chez autrui, constitue le principal facteur de perturbation dans nos rapports avec notre prochain ; c’est elle qui impose à la civilisation tant d’efforts. Par suite de cette hostilité primaire qui dresse les hommes les uns contre les autres, la société civilisée est constamment menacée de ruine.

FREUD

Malaise dans la civilisation

Chapitre V

  1. Débonnaire : désigne quelqu’un qui sait faire preuve d’une grande bonté, d’une générosité extrême -visà-vis d’autrui, même si celles-ci se retournent parfois contre lui, et en ce sens peuvent être une marque de faiblesse.

  1. Homo homini lupus : « L’homme est un loup pour l’homme ».

La connaissance de la doctrine de l’auteur n’est pa s requise. Il faut et il suffit que l’explication rende compte, par la compréhension précise du texte, du problème dont il est question .

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Le thème essentiel de ce texte est celui de l'agresivité, c'est-à-dire des tendances s'actualisant afin de nuire à autrui ou de le détruire. S’opposant à la conception traditionnelle de l’homm e comme sujet conscient, volontaire et libre, Freud pose qu'il existe, en tout homme, des pulsions d'agression ou de mort. L'agresivité, naturelle à l'homme et consubstantielle à son essence, est le facteur principal de perturbation dans les rapports intersubjectifs et dans les sociétés humaines globales. Elle tend à dissoudre la civilisation. Freud pose donc, dans ce texte, le problème de la source de la violence. Celle-ci relève de causes naturelles, puisqu'il existe chez l'homme un terrain prédisposant à toute contrainte morale ou physique. Dans les premières lignes (« L'homme n'est point...

agressivité »), Freud oppose sa propre vision de l'homme, conçu comme agressif, à une conception quelque peu édulcorée, et selon lui utopique ou fictive, de la nature humaine. La suite du développement (« Pour lui… de le tuer ») apparaît comme une justification, à l'aide d'exemples, de la thèse freudienne, que la phrase « Homo homini... adage », en une sorte de bilan de ce qui vient d’être dit, entend confirmer. Freud montre ensuite le mécanisme d'actualisation de cette agressivité cruelle. Elle peut connaître une finalité double : soit se manifester indirectement (« En règle générale... plus doux »),soit s'extérioriser spontanément, dans certaines circonstances (« Dans certaines circonstances… propre espèce ») . Enfin, dans les dernières lignes du texte (« Cette tendance… ruine ») , Freud relie le problème de l’agressivité humaineà celui de la civilisation, en montrant que la prem ière tend sans cesse à dissoudre la seconde.

Les premières lignes renversent la vision habituelle de l'homme, conçu généralement comme « être débonnaire », c'est-à-dire d'une bonté poussée à l'extrême (ou bien, à la limite, comme inoffensif). Ce serait, dit-on habituellement (comme l’affirment par exemple un certain nombre de spiritualismes religieux ou philosophiques) l'exigence de l'amour qui caractériserait l'homme. Le ton ironique et même mordant de Freud est ici frappant. La thèsede l'adversaire est caricaturée. Le commandement de l'amour conçu comme inhérent au cœur de l'homme (« Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés », dit par exempleJésus dans le Nouveau Testament) est cruellement mis en question et soupçonné. N'oublions d'ailleurs pas, si nous voulons comprendre ces lignes, que Malaise dans la civilisation est paru en 1929, et que Freud avait été violemmentfrappé par l'émergence de la pulsion hostile durant la guerre de 1914-1918. Avant 1920, Freud n'avait certes pas refusé de prendre en considération les conduites agressives, mais le choc de la guerre mondiale va jouer un très grand rôle dans sa nouvelle vision des pulsions.

Il est frappant qu'il mette dès lors au compte des « données instinctives » l'agressivité humaine ou,du moins, une bonne part de celle-ci. L'instinct désigne en effet, classiquement, un schéma de comportement hérité, propre à une spèce animale. L'agressivité humaine, conçue comme actualisation de pulsions vis ant à détruire, est reliée à des schèmes de comportement innés propres à notre espèce, conçue comme espèce animale. Ces pulsions agressives varient finalement peu d'un individu à l'autre. Ici, avec l'agressivité, nous sommes dans le domaine de l'instinct et des pulsions les plus immédiates de notre existence. Freud nous enracine par

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conséquent, en profondeur, dans la zone instinctuele et biologique. L’homme est décrit dans ce texte en ses racines inconscientes, celles de l'instinct et de la pulsion.

Dans les lignes suivantes, Freud justifie son point de vue par un certain nombre d’exemples. Mon prochain, c'est-à-dire la personne, l'être humain considéré comme un semblable, n'estaspseulement un auxiliaire – c'est-à-dire une aide – ou un objet qui s'offre simplement à mon désir sexuel, mais ce qui me porte, dit Freud, à la « tentation ». Il faut comprendre la notion de tentation au sens fort du terme, c’est-à-dire comme ce qui me conduit à enfreindre la loi morale, comme une impulsion po ussant au mal. Autrui éveille en moi le mal, il me pousse à enfreindre les interdits et les lois de la civilisation et de la culture. Freud énumère ces diverses tentations dans les lignes qui suivent. La tendance à user de quelque chose ou de quelqu'un en vue du pur profit (sans aucune considération de la personne) ; la tendance à abuser sexuellement d'un corps (sans choix consenti) ; la tendance à se servir des biens d’autrui, à humilier, c'est-à-dire à rabaisser d'un e manière outrageante ou avilissante ses semblables ; la tendance à dégrader et à mortifier (sans considération de l’être et du biend’autrui) – toutes ces tendances représentent autant d'expressions de la tentation fondamentale qui anime l'homme dans ses pulsions vitales primitives et animales. Dans tous les cas énumérés, ni la loi morale, ni la personne, ni autrui envisagé comme valeur, ne sontconsidérés en eux-mêmes et pour eux-mêmes. En somme, c qui l'emporte dans tous ces cas, c'est la considération d' « autrui-ustensile », si l’on peut dire, c'est l'élan d'un « ouloirv-détruire » peu soucieux de la personne. Nous sommes ici, bien évidemment, aux antipodes de la conception de l’homme comme sujet, conçu comme être de conscience et de volonté ; aux antipodes, encore etsurtout, de la morale, que Kant définissait d'abor par la volonté de traiter l'Autre comme « fin en soi », c’est-à-dire comme un être digne de respect, comme un être libre, et jamais simplement comme « moyen », autrement dit comme un simple objet au service de mes désirs vitaux. Dans tous les cas énumérés par eud,Fr c'est le souci du « moyen », de l’utilité, de l’intérêt, qui l'emport.Autrui devient moyen pour une pulsion agressive, qui doit se trouver un objet et qui veut asservir une liberté. Cette pulsion agressive peut aller tout au bout d'elle-même : martyriseet tuer, soumettre au supplice et à la mort.

La formule homo homini lupus, que Freud reprend à l’auteur latin Plaute et au phi losophe politique Hobbes (XVIIe siècle), résume bien cette loi de mort et d'agression, inscrite de manière quasi biologique en l'homme, au cœur de l’h omme, contredisant ainsi toute une tradition philosophique et religieuse humaniste : l'homme est un « loup » pour l'homme. La figure du « loup » symbolise ici l’idée de prédation. Mais, alors que les animaux, ne général, ne tuent les membres d’autres espèces que pour satisfaire leurs besoins vitaux, l’homme, le plus intelligent et sans aucun doute le plus dangereux de tous les prédateurs de al nature, dans le but de satisfaire ses pulsions agressives, prend un plaisir particulier à faire du mal aux membres de sa propre espèce. Il peut même, allant jusqu’au bout de cette logique de violence, de mort et d’agression, faire du mal infligé à autrui une but en soi (ce dont aucun animal n’est capable). Freud interpelle par suite le lecteur susceptible d’être choqué, ou pour le moins étonné parun tel pessimisme anthropologique, en invoquant, dans un but de justification, « les enseignements de la vie et de l’histoire ». Il nous faut apprendre, par dépassement de toute forme d’angélisme, d’idéalisme, ou d’utopisme, à voir la réalité telle qu’elle, et non pas telle que nous voudrions qu’elle fût. Tout se passe comme si nos désirs, et plus largement nos croyances, engendraient, sous l’effet de leur propre dynamique interne, une pseudo réalité, dans laquell les hommes se complaisent, qui les rassure, qui les conforte dans leur illusion.

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