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Hitler, Essai Sur Le Charisme En Politique, Ian Kershaw

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pas prendre une place prépondérante dans l'analyse du phénomène nazi, c'est vers elle qu'il faut se tourner pour comprendre comment a pu se créer une communauté charismatique au tout début, rallier ses premiers partisans. Pour ce faire, Kershaw décide d'étudier ses idées, sa façon de les énoncer et leurs impacts sur ses premiers adeptes. Autodidacte au physique peu avantageux, prétentieux quant à son savoir qu'il juge éclectique : c'est sa conviction et sa manière de l'exprimer qui lui confèrent un dynamisme exceptionnel. Sa vision du monde, manichéenne, jugée sur la forme, a longtemps parue vide de sens ; en fait, elle révèle un véritable système cristallisé à partir des années vingt : sa « vie de bohème » entre 1905 et 1913, la guerre et la révolution russe constituant des étapes décisives dans la formation de sa réflexion. Cependant, ses revendications, classiques des milieux volkisch bavarois ne peuvent faire de lui une exception. Le début des années vingt l'enrichit de la géopolitique d'Eckart (le combat contre le judaïsme), Rosenberg et Scheubner-Richter lui font fusionner bolchevisme et judaïsme : la pierre angulaire de son idéologie naît ; « le bolchevisme est par essence juif ». Parallèlement, par le biais de la défaite allemande, le juif caractérise pour lui le complot de la finance : le capital juif collaborant avec la Russie soviétique, au détriment de l'Allemagne. Ainsi, Kershaw se montre intentionnaliste en pensant que Hitler envisage la mise à l'écart des juifs par des moyens brutaux, avec un vocabulaire emprunté à la biologie ; l'année 1922 voit naître la « question juive » comme problème central de la pensée hitlérienne. Cette idée débouchant sur le rôle messianique que l'Allemagne doit prendre dans cette croisade de l'idéalisme contre le matérialisme, du pur contre l'impur : un combat pour la défense de la race légitimée par une lecture de l'histoire encline au « Darwinisme social ». Le récent succès de Mussolini conforte Hitler d'être l'homme providentiel. Ainsi, dès le milieu des années vingt, son rôle messianique semble officialisé, le théoricien et l'homme d'action étant les deux visions qu'il a de lui-même. Cette conscience et cet activisme entraînent un dynamisme exceptionnel lui permettant, à son retour de Landsberg, de prendre la direction du NSDAP. Ce « séjour » hors de la scène politique lui permet en outre d'arborer un système symbolique renvoyant une image de théoricien besogneux qui, mêlée à son activisme fit naître une communauté charismatique croyant que le « futur présagé deviendrait réalité ».

La conquête du pouvoir

Kershaw a pour objectif d'appréhender les modalités de l'arrivée au pouvoir de Hitler. Il en dégage trois principales étapes : la prise de contrôle du NSDAP qui, dans les années vingt, avait absorbé les mouvements volkisch, organisé selon le Fuhrerprinzip ; la façon dont Hitler, pendant les années trente, étend son audience au-delà de la droite volkisch jusqu'à obtenir un tiers des suffrages électoraux, exigeant le pouvoir puisqu'il rallie les masses ; l'intérêt des élites pour sa personne alors que rien ne l'y prédestinait. Ainsi, l'auteur semble convenir du fait que le rôle personnel de Hitler s'amenuise au regard des évènements sur lesquels il n'a aucune prise : écartant le « légende dorée » (« le triomphe de la volonté » correspondant au « temps du combat ») au profit de concours de circonstances mêlés d'erreurs de calculs des conservateurs. Si jusqu'en 1933, les luttes d'intérêts et de pouvoirs montrent l'instabilité du NSDAP, le culte du Führer comme instrument de stabilisation et de fidélisation assoit Hitler de façon assez confortable. Par ailleurs, il est introduit au-delà des classes moyennes (son électorat de base) ce qui l'incite à jouer le rôle de « tambour » (de porte voix) des milieux nationalistes en 1921 : sans aide extérieure l'ayant intronisée dans des sphères supérieures, Hitler n'aurait connu le même destin. De surcroît, le recadrage imposé au NSDAP ces années là par Hitler au regard des crises qui ont ébranlé ce parti n'ont de cesse de légitimer le Führer, consolidant encore davantage la communauté charismatique : « Hitler devient le programme ». Se basant sur l'enquête concernant les grands thèmes idéologiques auxquels étaient sensibles les militants du NSDAP, l'auteur dresse des postulats à son analyse : la façon dont le chef charismatique est perçu prime sur son être véritable, l'électorat de 1932 était plus enclin à un « calcul froid » qu'à une admiration vouée à un Führer jamais rencontré. Parallèlement, l' « l'idée » nazie, vague pour la plupart de l'électorat, permettait de porter ses espoirs personnels dans le NSDAP. Hitler se détachait ainsi du lot dans le sens où il arrivait, par le discours, à jouer de façon confuse sur des couches beaucoup plus larges que les autres partis, dans un contexte de crise politique et économique : cela dans des rassemblements mystiques, théâtralisés, nourris de symboles ; grâce à la propagande. Il joue ainsi sur la force et le dynamisme pour enrôler les masses : les « conditions à la déification de Hitler », à force d'user de cette méthode sont réunies. Par ailleurs, depuis mars 1930, l'esprit de Weimar était caduc : l'exécutif utilisant le « décret d'urgence », le Reichstag étant la proie des lobbies. Si Hitler avait besoin des élites, elles souhaitaient un regain d'autoritaire pour pallier la crise économique et politique. Aidé par son entourage, et ce, de façon récurrente ces années là, selon Kershaw, Hitler parvient à se rallier les milieux d'affaires qui pensaient le « dompter ».

Répression et pouvoir

Contre les idées reçues montrant que toute opposition était vaine, Kershaw décide de ne considérer que l'Allemagne où l'on se rend compte que la terreur est sélective, dévoilant deux composantes essentielles à la compréhension de l'exceptionalité nazie : la répression et le consentement de ceux qui n'en sont pas victimes. A partir de 1930, le vide du pouvoir central allemand à permis l'avènement de la forme despotique : le pouvoir de Hitler reposant sur un contrôle des instruments de domination et sur l'appareil répressif de l'Etat. Parallèlement, il s'appuie sur un consentement créé par une propagande active et puissante. Ainsi, de façon volontairement exhaustive, Kershaw s'intéresse à la façon dont l'atomisation de l'opposition et l'érosion de la légalité sous la pression des organes de police ont favorisés une accumulation du pouvoir dans les mains de Hitler. Cette atomisation fut plus rapide et plus aboutie qu'en Italie. Par ailleurs, le fait de ne pas avoir été mêlé à la République de Weimar a crédibilisé les actes de Hitler alors que Goring dirige la police du plus grand Land, la Prusse : le NSDAP a une position plus forte que la coalition nazie-nationaliste ne le laisse paraître. L'objectif étant d'éliminer le parlementarisme et les marxistes, l'action politique de Hitler s'axa suivant plusieurs grands thèmes (muselage de la presse, écrasement de la gauche avec la collaboration des conservateurs, enrôlement de S.A. en Prusse contre les troubles communistes, incendie du Reichstag, loi sur les pleins pouvoirs) permettant à Hitler d'éradiquer dès mars 1933 l'opposition de gauche et de catalyser le sabordage des partis de droite. Par ailleurs, pour que sa légitimité soit sans conteste à l'intérieur de ses lignes, la « nuit des longs couteaux » fut organisée (lui assurant la fidélité de l'armée et la peur des opposants). Ainsi, Kershaw montre qu'à la différence des autres formes de fascisme, la répression va grandissante en Allemagne, sur la période de l'autorité de Hitler. On assiste à une radicalisation du régime en corollaire d'une baisse de la légalité et d'un accroissement de la répression ; l'auteur tente donc d'analyser ce processus. En effet, l'idée qu'une situation d'exception devait engendrer « un droit d'exception », que l'autorité légale rationnelle devait se subordonner à l'autorité charismatique eut pour conséquence le déclin du droit en parallèle à la monté du pouvoir de la police et de la SS :cela, grâce à l'accord et à la collaboration des membres respectés de la magistrature. Ceci, pour Kershaw, montre une recrudescence du pouvoir de Hitler dans la mesure où la S.S. est la plus proche de ce dernier. Cependant, avec pondération, Kershaw n'oublie pas d'analyser le consentement populaire qui apparaît comme une des pierres angulaires de l'efficacité répressive du régime ( par la voie de la dénonciation).

Le pouvoir plébiscitaire

Le dynamisme et la fuite en avant sont l'apanage du régime nazi que les observateurs pensaient voir résorber par les élites traditionnelles : mésestimant la conjoncture inédite allemande. Kershaw veut montrer que ces deux caractéristiques ne sont pas seulement générées par la personnalité de Hitler, mais aussi par d'autres raisons de l'adhésion massive au nazisme qui n'avait de cesse de le déifier et de placer en lui les attentes d'un changement radical vers une régénérescence

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