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La Veillee Funebre La Morte Amoureuse De T. Gautier

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e - narrateur, Romuald, se consacre autant à la description de la chambre mortuaire qui apparaît comme un lieu ancré dans la réalité, qu’à une mise en scène théâtrale de la défunte qui est ici dépeinte dans les termes les plus élogieux.

La situation décrite est d’autant plus acceptée comme normale qu’elle paraît authentique. La scène décrite n’a rien d’irréel, bien au contraire. Il s’agit d’une scène sociale, comme celle des funérailles ; elle s’apparente d’ailleurs également à une scène d’adieu ; un personnage ordinaire, un prêtre – « je l’avais vue à l’église lors de mon ordination » (ligne 27) confesse le personnage - vient se recueillir auprès d’une défunte pour une veillée funèbre, il vient en fait se recueillir sur la dépouille de Clarimonde, qu’il vient de retrouver « pour la perd[re] pour toujours » (ligne 6) afin de lui dire adieu ; il avoue d’ailleurs qu’ « un soupir de regret s’échappe de sa poitrine » devant le corps sans vie de sa bien-aimée. La chambre mortuaire est d’abord désignée par le démonstratif "cette" mettant en évidence les caractéristiques si particulières du lieu où repose Clarimonde. Il s'agit d'une chambre mortuaire bien réelle où l'on peut trouver une veilleuse, des rideaux, des tentures, un linceul, un suaire ; nous apprenons que la morte repose dans une alcôve (ligne 16) – « air d’alcôve » - placée sur une estrade ; cette chambre semble être spacieuse car le narrateur déclare qu’il marchait à grand pas dans la chambre (ligne 17). Nous savons que cette chambre se situe dans le château de Clarimonde, laquelle est successivement décrite comme « la morte » (ligne 9), puis « la gracieuse trépassée » (ligne 18), puis comparée à une « jeune fille endormie ». Ce dernier groupe nominal est remarquable par sa valeur euphémisante. Si la mort est donc bien inscrite comme réalité d’un bout à l’autre du texte, le narrateur semble ne pas vouloir accepter cette réalité. Les ornements de la chambre témoignent d’un certain luxe, on parle "d'alcôve», de « rideau de damas rouge à grandes fleurs relevées dans les torsades d’or". Le champ lexical de la religion est naturellement très présent dans l'ensemble du texte : « veilles funèbres » (ligne 2), « pourpre sombre de la tenture » (ligne 11), « ordination » (ligne 27), « hostie » (ligne 33), « pieux repos » (ligne 33), « tacite prière » (ligne 33), la réalité de la mort fait donc l’objet d’un rite religieux. Les détails donnés par le narrateur concernant le cadre et la défunte sont d’une grande richesse et concourent à l’effet de réel ; les éléments du décor créent un contexte réel, tangible, concret ; les effets de lumière et les parfums sont très présents. Mais ce réalisme est dépassé par une mise en scène théâtrale, picturale, symbolique du corps de la défunte.

L’expression « lit de parade » est celle qui rend le mieux compte de cette mise en scène du corps de Clarimonde. Cette dernière est disposée dans une alcôve, « couchée de tout son long et les mains jointes sur sa poitrine » ; la mort semble n’avoir eu aucune prise sur elle, comme on peut le constater à travers la formule « que la mort même n’avait pu roidir ». Romuald décrit aussi les parfums de la chambre mortuaire dans un discours très modalisé ; il qualifie la fumée « d’essence orientale » (ligne 2), de "langoureuse" (ligne 2), terme plutôt employé pour désigner les yeux d’une femme et cette épithète est repris à la ligne suivante avec l’adjectif "amoureuse" qui qualifie l’odeur de la femme. Nous sommes en présence d’une figure de construction, l’hypallage, figure ici redoublée – « langoureuse fumée » et « amoureuse odeur de femme » - qui attribue, à travers la construction syntaxique, à certains termes d’un énoncé ce qui devrait logiquement être rattaché à d’autres termes de cet énoncé. Le narrateur ne sait pas très bien du reste comment qualifier ce parfum, d’ où la tournure, "Je ne sais lequel". Nous pouvons aussi reconnaître dans le terme "nage" une personnification de la fumée ; ensuite la défunte est décrite dans le cadre où elle repose et là, ce sont les couleurs qui viennent nous surprendre; ces couleurs s'affirment dans les oppositions entre "blancheur éblouissante" et "pourpre sombre". On retrouve la "blancheur" avec le « cygne » de la ligne 13, "la statue d’albâtre" de la ligne 14 et "la neige" de la ligne 15. Dans le troisième paragraphe nous retrouvons à la ligne 28 "la pâleur" de ses joues, puis ligne 29 " la blancheur". La pâleur se retrouve à l’avant- dernière ligne de l'extrait. La couleur blanche, récurrente, revêt donc une dimension symbolique aux yeux du narrateur, c’est le reflet de la pureté de Clarimonde dont il est amoureux ; nous retrouvons à la ligne 21, "La blancheur des voiles". Cette pureté se retrouve d'ailleurs dans la description des mains de la défunte et rejoint l'idée de la « chasteté » ligne 29. D'autres couleurs sont présentes dans le texte comme le rose « moins vif » des lèvres de Clarimonde, le damas rouge et le bleu des petites fleurs qui parsèment ses cheveux dénoués. On peut donc finalement remarquer que le corps de Clarimonde est exposé de manière à mettre en évidence sa beauté. Tout le cadre - couleurs, formes, parfums - viennent la mettre en valeur. Le discours modalisé du narrateur - conditionnel passé de la forme verbale "On eût dit " (L-28), les nombreuses épithètes élogieuses, les comparaisons au "cygne, animal apprécié pour sa grâce sinon pour sa puissance, et à "une statue d'albâtre" font de la défunte un personnage réellement exceptionnel sur le plan esthétique. A la ligne 24, Romuald compare même Clarimonde à une reine et l’image d’une jeune fille endormie peut également rappeler aux lecteurs le personnage de la Belle au bois dormant. Il s'agit d'une beauté picturale telle que pourraient la représenter un peintre ou un sculpteur. Nous assistons donc à une véritable mise en scène de la défunte, théâtrale et picturale, laquelle est en outre des plus élogieuses.

La description de la défunte est assumée par un narrateur tout à fait subjectif, dans un discours épidictique. Les actes du narrateur sont évoqués précisément, il rapporte tous les gestes qu’il accomplit, ce qui souligne un état de lucidité qui ajoute à l’authenticité. Tous les éléments qui constituent le cadre dans lequel apparaît la morte viennent mettre cette défunte en valeur. Cette dernière n’est pas un banal cadavre, tel qu’on l’évoque au début de l’extrait (lignes 1 et 5). Les divers sens sont convoqués pour faire ressortir la beauté de la défunte, d’abord la vue avec des expressions comme "mes yeux tombèrent sur...", "considéré", "longtemps absorbé dans une muette contemplation", "je la regardais" montrent combien le regard du narrateur est chargé d'amour et d’intensité, aucun détail ne semble lui échapper. La défunte est décrite physiquement comme « un corps gracieux », le narrateur évoque la « forme charmante de son corps », « les belles lignes onduleuses » ; « elle était aussi charmante », confesse-t-il, « la mort chez elle semblait une coquetterie de plus ». Cette dernière modalisation est d’autant plus saisissante qu’on ne peut raisonnablement concevoir la mort comme un effet de coquetterie. L’ouïe est également convoquée puisque le narrateur sent "siffler ses artères dans des tempes" quand il contemple Clarimonde. Ce qui est le plus surprenant, c’est la description du visage de la défunte par le narrateur de la ligne 28 à la ligne 35 ; le prêtre mêle vocabulaire religieux et appréciations esthétiques sur la beauté de la défunte, comme pour faire d’elle un être sacré, alors qu’il n’en a pas le droit aux termes de sa religion ; il n’hésite pas à transgresser les interdits tellement il est aveuglé par son amour. Il idéalise la jeune femme défunte dont il est tombé amoureux et qu’il vient de perdre, à son grand regret. Son discours se teinte d’ailleurs de tonalité élégiaque quand il évoque la disparition de Clarimonde. C’est le seul regard du prêtre narrateur, Romuald, qui organise le discours descriptif et épidictique, il s’agit du point de vue interne d’un personnage religieux qui projette ses croyances et ses valeurs – pureté, chasteté - sur l’univers qu’il décrit. Le recours au discours indirect libre, la présence des verbes de perception, de jugement, la vision subjective du temps et de l’espace sont autant de marques de la focalisation interne. Nous sommes de plus dans le cadre d’un récit à la première personne, conduit par le personnage – narrateur Romuald. Nous pouvons constater l’omniprésence du « je » ; le narrateur est acteur, il rapporte une expérience vécue, ou du moins présentée comme telle. Ce type de récit permet au lecteur de partager l’angle de vue, les émotions, la connaissance de l’intrigue avec le personnage. C’est ce que Stendhal, contemporain de Gautier, appelle « le réalisme subjectif ».

Au delà du portrait de la défunte Clarimonde et de la description de sa chambre mortuaire, nous découvrons un univers fantastique de même que l’art d’un auteur qui excelle dans le genre.

Le prêtre – narrateur, Romuald, fait coexister d’un bout à l’autre de l’extrait

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