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La lucidité fait-elle obstacle au bonheur?

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Par   •  28 Décembre 2016  •  TD  •  2 505 Mots (11 Pages)  •  5 262 Vues

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La lucidité fait-elle obstacle au bonheur ?

En 1645, dans sa Lettre à Elisabeth, Descartes a dit : « Je me suis quelquefois proposé un doute : savoir s’il vaut mieux être gai ou content, en imaginant les biens qu’on possède être plus grands et plus estimables qu’ils ne sont, et ignorant ou ne s’arrêtant pas à considérer ceux qui manquent, que d’avoir plus de considération et de savoir, pour connaître la juste valeur des uns et des autres, et qu’on devienne plus triste. »

Le bonheur est un sentiment général et durable de satisfaction. L’Homme espère obtenir ses désirs et lorsqu'il y parvient, il éprouve de la jouissance, qui est un bonheur éphémère. Si le bonheur est une fin recherchée, alors il est un idéal et non une réalité ? Ainsi, nous ne vivons pas à proprement parler dans le bonheur, mais en quête de celui-ci. Or, dès lors que la vérité apparaît, la réalité contrarie nos envies. Elle pose des barrières sur le chemin de l'obtention de ces désirs, de ces manques. Puis, la raison détruit toute espérance et amène donc à la souffrance, à la tristesse. Mais la conscience humaine recherche constamment à connaître la vérité. Cette lucidité peut donc autant le faire souffrir que le soulager.

L’Homme serait-il plus heureux si s’il se cachait de toute réalité ? Comment faire pour atteindre ce bonheur tant souhaité par les êtres humains ? La lucidité fait-elle donc vraiment obstacle au bonheur ?

A priori, la lucidité semble incompatible avec le bonheur, car il est plus facile d’être heureux en vivant dans l’illusion volontaire plutôt qu’en ayant conscience de certaines réalités, telles que les injustices, la misère, la malhonnêteté,… De plus, si être heureux signifie satisfaire tous ses principaux désirs, on constate que le réel contrarie bien souvent nos aspirations. Comment alors ne pas être tenté de se réfugier dans des illusions réconfortantes ?

Pourtant, il ne s’agit alors que d’un bonheur illusoire, et non d’un bonheur réel : ce bonheur réel est-il alors possible en toute lucidité, ou bien le bonheur ne repose-t-il que sur des illusions ?

Mais alors, si la lucidité nous rend triste et malheureux, quel est l’intérêt d’un bonheur privé de toute clairvoyance ? Faut-il préférer une illusion réconfortante à une lucidité blessante ? L’illusion, parce qu’elle dissimule la réalité, semble bien être une condition du bonheur, auquel la lucidité serait un obstacle.

               Anatole France, dans Les Dieux ont soif, écrit : “L’ignorance est la condition nécessaire du bonheur des hommes”. Dans un premier temps, cherchons à comprendre pourquoi la lucidité apparaît comme une contrainte au bonheur.

Être lucide, c’est vouloir se sortir de l’illusion pour atteindre la vérité. Cela amène en premier lieu à douter de tout, selon Descartes. Ce dernier décrit d’ailleurs ensuite une sensation de noyade, représentative d’une certaine souffrance.

Une réalité est trop souvent décevante. Parlons des enfants, ignorants et naïfs de la réalité du monde qui les entourent. Ils sont dans une illusion involontaire, contrairement aux adultes qui, quand ils ne veulent pas être lucides, sont dans une illusion volontaire. Au fur et à mesure que les enfants grandissent, ils se découvrent, apprennent, expérimentent, et sont déçus de la vie. Nombreux sont les enfants malheureux et déçus après avoir découvert que le Père Noël n’existait pas. Qui ne souhaiterait pas retomber en enfance, retourner au temps insouciant, pour ne plus avoir à affronter des déceptions qui assombrissent le bonheur ? Peu à peu, l’Homme se méfie de ces petites et grosses frustrations qui contrarient régulièrement ses envies, ses désirs. Il est alors tenté de se consoler dans son imagination, dans ses souhaits, et cela l’empêche de tomber dans le désespoir. En cela, l’illusion rend plus heureux.

De plus, un grand nombre de vérités sont cruelles : apprendre la maladie ou la mort d’un proche, être trahi, faire face à une pauvreté extrême dans une mission humanitaire par exemple,… et cette lucidité de la vie peut anéantir, nous faire tomber de haut. Encore ici, seule l’illusion peut consoler et éviter de sombrer dans un pessimisme désespérant. Nous pouvons prendre l’exemple de Primo Levi, qui, de retour des camps tentait d’avertir une famille de la mort de leur fils. Il raconte qu’ils n’ont jamais voulu le croire, et ont entretenu l’illusion qu’il s’était seulement absenté et que son retour ne tarderait pas. Cela montre à quel point la vérité est dure voire impossible à accepter pour certains.

La lucidité est définie comme une faculté de clairvoyance : elle doit permettre d’anticiper et  de se projeter dans l’avenir. Pour cela, l’Homme doit se remémorer son passé pour mieux affronter le futur. Mais l’Homme, trop occupé par les remords du passé et les espérances de demain, ne prend pas le temps d’apprécier son présent. Ainsi cette lucidité temporelle l’empêche d’atteindre un certain bonheur, comme le dit Pascal dans ses Pensées : “Ainsi nous ne vivons jamais, mais nous espérons de vivre, et, nous disposant toujours à être heureux, il est inévitable que nous ne le soyons jamais”.

Pour finir, si un homme est lucide, il est alors amené à prendre conscience de son existence. Il fait donc face à une conscience réflexive et a la capacité de représentation de lui-même. L’homme lucide est alors contraint d’assumer tous ses actes. Cela a pour conséquence de priver l’homme voulant vivre dans l’illusion, du confort de son insouciance et de son irresponsabilité. La réflexion inquiète et trouble car elle entraîne des questionnements et des doutes incessants sur la vie : « pourquoi j’existe ? », « Il y a-t-il une vie après la mort? », « pourquoi le mal existe-t-il ? »… Ce sont des questions angoissantes et sans réponse fixe. En effet, cette lucidité qui impose d’être responsables met l’Homme dans un état que Sartre appelle l’angoisse. L’angoisse, engendrée par la lucidité, est un vrai obstacle au bonheur. Comment ne pas être tenté alors de se divertir, et rêver, pour ne pas avoir à y penser ?

Dans cette première partie, nous avons vu que la confrontation à la réalité peut perturber, et amène souvent à des sentiments inconfortables comme la tristesse, la frustration, l’angoisse. Cette prise de conscience est d’autant plus malheureuse quand on sait qu’il est difficile de l’effacer de sa mémoire. Une fois que l’Homme connaît telle ou telle dureté de la vie, il ne peut plus aussi facilement nier, la vérité lui fait face. C’est pourquoi rester dans l’insouciance amènerait plus facilement au bonheur ; la lucidité apparaît alors comme une contrainte au bonheur puisqu’elle empêche d’y accéder et d’être en paix intérieure avec son âme. Un homme voulant se préserver de toute lucidité cherche à atteindre l’ataraxie, c’est-à-dire l’absence de souffrance.

              Mais pourtant, être heureux dans l’insouciance, n’était-ce pas plus un bonheur illusoire plus qu’un bonheur réel ? Inconsciemment, l’Homme sait que la réalité le rattrape. Or, la désillusion est souvent bien plus amère que le réalisme. Tout autant que quand il découvre la vérité, l’illusion le tourmente, et l’amène à de cruelles déceptions. Comment réussir à dépasser la souffrance qu’impose le temps de désillusion ? Comment savoir et être heureux en même temps ? Nous verrons dans un second temps que c’est la lucidité qui permet de parvenir à un bonheur véritable.

Tout d’abord, nous allons expliquer en quoi le bonheur faisant abstraction de lucidité est illusoire. L’homme recherche son bonheur dans le plaisir, et dans le « divertissement ». En cherchant perpétuellement à se divertir, l’homme veut fuir sa condition humaine, il est alors dans un bonheur trompeur, et non dans un bonheur véritable car il ne se contente pas de ce qu’il est. Le bonheur, étant construit à partir d’illusions, est illusoire. Les joies de l’illusion ne sont que superficielles comme l’explique Descartes dans sa Lettre à Élisabeth : « je n’approuve point qu’on tâche à se tromper, en se repaissant de fausses imaginations ; car tout le plaisir qui en revient, ne peut toucher que la superficie de l’âme, laquelle sent cependant une amertume intérieure, en s’apercevant qu’ils sont faux. »

Dans sa Lettre à Elisabeth, Descartes dit également : “il vaut mieux être un peu moins gai et avoir plus de connaissance”. Au contraire, être moins gai ne signifie pas être moins heureux. La lucidité est la condition nécessaire à un bonheur intense et véritable. En effet, même si la lucidité crée d’abord une souffrance de l’âme, il veut mieux tenter de comprendre rationnellement cette souffrance plutôt que de vouloir la rejeter. Pour atteindre l’ataraxie, l’homme doit se libérer de ses craintes et de ses angoisses infondées, car elles sont sources de trouble. D’après Jean-Paul II, «On ne peut découvrir la joie que lorsque l’on peut donner un sens à sa souffrance ». Ainsi, une fois que les inquiétudes sont vaincues, cela entraîne une satisfaction, en plus d’un bonheur certain.

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