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La pluralité des cultures est-elle un obstacle à la possibilité d’un monde commun ?

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Par   •  19 Mars 2023  •  Fiche de lecture  •  3 526 Mots (15 Pages)  •  164 Vues

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La pluralité des cultures est-elle un obstacle à la possibilité d’un monde commun ?  

« Je ne me croyais pas un homme si curieux et si rare (...) mais, si quelqu'un par hasard apprenait à la compagnie que j'étais Persan, j'entendais aussitôt autour de moi un bourdonnement : " Ah ! Ah ! monsieur est Persan ? C'est une chose bien extraordinaire ! Comment peut-on être Persan ? » écrit ironiquement Montesquieu dans la lettre 30 des Lettres Persanes. En effet, les différences culturelles sont un sujet d’étonnement depuis que les hommes ont été capables de voyager, de rencontrer d’autres peuples, et de remarquer la diversité des modes de vie, des langues, des comportements. Face à cette diversité, la première attitude est le sentiment d’étrangeté : « ces gens ne sont pas comme nous ». Que faire de cette altérité culturelle ? Est-ce quelque chose qui divise les hommes ou est-il possible de partager un monde commun par-delà les différences culturelles (ou grâce à elles ?) ? Tel est le problème que pose le sujet : « la pluralité des cultures est-elle un obstacle à l’unité du genre humain ? ».

Si la question se pose, c’est parce que d’un côté ce qui fait le monde de l’homme est une donnée culturelle et non naturelle, et que de l’autre le propre de ce qui est culturel est d’être particulier et diversifié, à la différence de ce qui est naturel qui prend le caractère de l’universel. Est-ce-à-dire qu’il est impossible d’établir une universalité du genre humain et que l’idée même d’une humanité commune est absurde ?

Certes la culture est une construction symbolique qui, ne serait-ce qu’à travers la langue, établit des différences, des hiérarchies, des valeurs, des normes qui aboutissent à une interprétation particulière du monde et à une intégration de l’individu au sein d’un groupe social. La culture est ainsi une puissance identitaire, or l’identité d’une personne ou d’un groupe ne se forme-t-elle pas en s’opposant et se différenciant des autres ?

Cependant, derrière la diversité des cultures, même le plus xénophobe des individus ne peut pas ignorer une identité de condition commune à tous les hommes. En excluant autrui du monde humain parce qu’il appartient à une autre culture que la mienne, ne perds-je pas moi- même mon humanité ? Or on peut remarquer que la culture n’est pas seulement ce qui nous identifie à un groupe ethnique et qui donc risque de produire l’exclusion de l’étranger, mais c’est aussi ce qui nous transforme grâce à la fréquentation des œuvres des diverses cultures, de leurs artistes, de leurs penseurs. C’est elle qui nous permet de penser une condition humaine commune et de dire, comme Térence, « je suis un homme et rien de ce qui est humain ne m’est indifférent » en nous mettant en relation avec ce qui nous est apparemment étranger et donc nous ouvrant au monde des autres. C’est ce que nous défendrons dans notre deuxième partie.

Or, ce qui fait que l’humain est un être qui ne se définit pas seulement par son appartenance culturelle se manifeste dans le droit et dans la morale qui ont une visée universelle qui doit permettre la coexistence des identités culturelles plurielles en reconnaissant à la fois le droit à la différence et le devoir du respect de la personne, c’est ce que nous verrons dans notre dernière partie.

Il n’y a pas de monde commun d’emblée, à la naissance des hommes, car si la nature humaine est commune à toute l’espèce, les cultures sont par définition diverses et c’est par la culture que le monde prend un sens. C’est déjà ce que nous dit Levi Strauss en distinguant le culturel et le naturel par la différence entre des règles culturelles particulières et multiples et des lois naturelles universelles et nécessaires. Seule la prohibition de l’inceste est un point commun à toutes les cultures, et donc possède une forme d’universalité qui ressemble à celle de la nature, justement, dit-il, car elle est le principe qui permet de former les cultures en organisant la reproduction de sorte qu’elle ne soit pas dépendante de la simple expression de l’instinct sexuel naturel mais d’une norme instituée, qui contraigne à l’exogamie et donc à l’échange entre familles différentes, sans quoi aucune culture ne subsisterait.

Les cultures sont donc forcément diverses car elles sont une manière de s’approprier le monde à partir de données historiques et de bases géographiques diverses. Chaque culture établit des relations particulières avec l’environnement qui est le sien et avec l’histoire qui est la sienne. Le monde n’est pas uniforme, donc les façons de se l’approprier ne le sont pas. S’il n’y avait qu’une seule culture ce ne serait plus une culture mais une nature, semble nous dire Levi Strauss.

Or, une culture est une vision du monde. Le rapport de l’homme au monde n’est jamais immédiat et naturel mais passe par l’intermédiaire d’une culture qui hiérarchise les besoins, valorise certains comportements, dévalorise certaines formes d’être. Ne serait-ce que la langue que nous parlons influence notre mode de penser. Elle véhicule malgré nous une distinction des réalités entre masculin et féminin, pluriel, singulier, valorisant certaines représentations selon les connotations qui y sont véhiculées. Ferdinand de Saussure a bien montré que le sens des mots n’est pas dans la réalité qu’ils désignent mais dans un rapport interne aux autres mots de la langue : une langue est un système de signes dont le sens dépend des différences internes à la langue.

Par ailleurs de même que l’identité d’un individu a besoin pour se former de la représentation (consciente ou inconsciente) de son origine, l’identité d’un groupe social se réfère à une origine historique ou mythique, la plupart du temps les deux à la fois. L’attachement à des traditions culturelles manifeste ainsi ce lien à un passé que l’on reconduit dans le présent et que l’on transmet aux générations futures comme l’expression de ce qui nous identifie dans une permanence malgré les changements continuels que subit toute civilisation à travers l’histoire (sans quoi il n’y aurait pas d’histoire mais seulement une reproduction du même). C’est-à-dire que la culture, d’un côté, est le produit d’une histoire, et de l’autre a une tendance à vouloir se maintenir dans une permanence anhistorique. Il y a donc dans le principe de transmission de la tradition qui constitue l’identité culturelle quelque chose qui ressemble à une défense contre les attaques du temps qui tendrait à dissoudre la permanence identitaire. Or, si l’identité se sent naturellement toujours menacée par le changement et les échanges, la logique identitaire d’une culture n’est-elle pas forcément conflictuelle vis-à-vis des autres cultures ?

Cela d’autant plus que l’identité de l’individu se construit en rapport avec l’identité collective. En effet, l’individu ne peut soutenir son identité sans l’intervention de l’identité collective dans laquelle il s’inscrit : être soi-même c’est à la fois se différencier de tous les autres et se rattacher à certains autres qui me reconnaissent, me renvoient mon image, m’identifient, me donnant en quelque sorte « le droit » d’être ce que je suis... du fait que je ne suis pas le seul à l’être ! Ce qui explique comment, au niveau individuel, se forment les appartenances culturelles à partir de la nécessité de la reconnaissance, qui est d’ailleurs d’autant plus forte que l’identité se sent menacée par d’autres formes de cultures qui paraissent davantage reconnues, dominantes, valorisées, acceptées. Il est évident qu’on a d’autant plus besoin d’affirmer une identité culturelle que celle-ci se sent fragile. On pourrait aussi dire que la logique identitaire de la culture s’affirme d’autant plus que l’individu lui- même ne parvient pas à s’affirmer à travers des formes de valorisation sociale autres que l’appartenance identitaire, comme le travail ou la participation active à la cité. Plus les individus s’affirment dans des formes socialement reconnues moins l’affirmation identitaire devient nécessaire. On ne peut donc nier que l’identification à une culture produit des conflits.

Ainsi, le politologue Samuel Huntington dans son célèbre livre Le choc des civilisations, affirme que la mort des conflits idéologiques due à la fin de la guerre froide a fait la place à une nouvelle forme de conflits qu’on pourrait nommer civilisationnels. Il repère sept ou huit civilisations majeures : les civilisations occidentale, confucéenne, japonaise, islamique, hindouiste, slave-orthodoxe, latino-américaine et peut-être africaine.

« Les lignes de fracture entre les civilisations seront les lignes de front des batailles du futur. Pourquoi ? Les différences entre les civilisations sont basiques, impliquent l'Histoire, le langage, la culture, la tradition et, plus important encore : la religion. Les différentes civilisations voient de manière différente les relations entre Dieu et l'homme, le citoyen et l'État, les parents et les enfants, la liberté et l'autorité, l'égalité et la hiérarchie. Ces différences sont le fruit des siècles. Elles ne disparaîtront pas de sitôt (...) Le monde devient plus petit. Les interactions entre les peuples des différentes civilisations se multiplient (...) Elles intensifient la conscience de civilisation. » Dit-il. Ainsi, c’est parce que la mondialisation se développe et menace les identités, que les logiques identitaires s’affirment. Chaque identité civilisationnelle, essentiellement axée sur une religion, structure un rapport au monde particulier qui tend à exclure celui des autres.

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