Le Filtre et l'Okapi au pays des zèbres

Le Filtre

Ma Mémé Nénette se souvient sans mal

D’une époque où la vigne était reine.

Ce portemanteau d’appoint en marque l’entrée :

Celle des récits colorés de familles mobilisées.

Malgré les renforts espagnols, migrants de Caudete

Sous la rage du soleil, il fallait vendanger.

Au moins dégourdi la gàbia de côté.

A la Cabane la vente aux estrangers .

Bien après, les grappes rapportées de la Plaine avec Pépé

Marquaient mes vacances du sceau de la fin de l’été.

Les pleines comportes sont aujourd’hui lointaines.

On s’arrache la primeur de la précieuse prime

De la vigne ensablée : le piètre est devenu le riche .

Le temps y distille un passé bien alambiqué,

Dont s’écoulent, serpentine vérité, les gouttes cristallines.

Ma Mémé Nénette se souvient-elle mieux ?

Longtemps la pruine m’opacifia la réalité :

Le mal a pris racine sous la greffe mensongère.

Accepter le parasite pour mieux rejeter le greffon,

Sans jamais vouloir incriminer le cep porteur.

Et le rosé de la coopérative endossa une troublante robe.

L’âpre vin est devenu l’après vain,

Au point qu’il ne fut bon qu’à donner vinaigre.

Et chacun de se contorsionner au pied du cep

Faute d’avoir pu soigner, en accusant la sulfureuse sulfateuse.

Ma Mémé Nénette, mais qui s’en souvient bien ?

Le court-noué du mensonge a rongé le cep

Mais toute la vigne s’est desséchée peu à peu.

Pour les uns, la feuille vierge devait les protéger :

Mais l’impitoyable rigidité rend la compassion vicieuse

D’autres ont préféré se draper du voile de l’oubli :

Mais l’ignorance ne combat pas la maladie.

Stérile