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Le Silence

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i très vite compris et admis ce principe, car dans la vie de tous les jours, il faisait partie de mon fonctionnement, je venais de le découvrir.

Mon métier de journaliste m’a propulsé parfois sur des scènes et dans des situations qui imposaient la non parole. Je me souviens avoir assisté à des procès d’assises pendant lesquels, je cherchais en l’accusé toute manifestation d’humanité. De retour au bureau, je prenais le temps de la réflexion et ne m’autorisais jamais à parler de l’affaire avec mes confrères, justement pour éviter de tomber dans le débat et me heurter à des idées préconçues. Avec beaucoup de précaution, j’essayais de rédiger un compte rendu fidèle au débat, sans effet de style, sans clouer quiconque au pilori. J’ai compris par la suite que je m’en remettais à ma petite voix intérieure, celle silencieuse pour le monde extérieur. Cette voix me rappelait souvent à l’ordre et me renvoyait à un événement ayant provoqué un séisme dans ma vie de journaliste.

Un courrier qui m’est parvenu un jour mentionnait. Ce matin, j’ai retrouvé mon mari pendu. A ses pieds, notre photo de mariage et votre article de presse. J’ai eu peur, je me suis senti coupable de la mort de cet homme qui avait pris six mois avec sursis pour des violences conjugales. Dans mon article, je n’avais ni cité son nom, ni permis à quiconque de le localiser. Mais lui s’était reconnu. Un silence de plomb venait de s’abattre en mon for intérieur. Comme disait Philippe Besson : « Il est des silences, parfois, qui blessent plus sûrement qu’une injure. »

Mais, « Le silence est parfois une forme de résistance ». - Lao She, pourtant fidèle partisan de Mao, exprime, dès 1966, son angoisse devant la montée de la Révolution culturelle. Quelques semaines plus tard, il est interpellé, interrogé, battu. L’écrivain se suicide, le 24 octobre de la même année. Son geste, dans la Chine Maoïste apparait comme un acte politique fort. Dans Essais sur la Chine, Simon Leys indique : « Sur cette question brûlante, les maoïstes occidentaux ont adopté une ligne de défense assez originale qui s'articule en trois points. 1) Lao She ne s'est pas suicidé, c'est une invention de Taïwan. 2) son suicide s'explique d'ailleurs parfaitement étant donné sa mentalité bourgeoise. 3) de toute manière cette affaire est tout à fait dénuée d'intérêt et ne mérite pas qu'on s'y attarde. » En faisant l’impasse sur l’événement, la bureaucratie chinoise se farde d’un teint verdâtre et d’un brusque silence qui par son inconvenance qui fait lever les doutes. Ce silence là, est celui de l’indécence, du mensonge à l’opposé de l’acte de résistance de celui qui se savait condamné à mort.

Car c’était souvent la seule arme que possédaient ceux dont le funeste destin avait été décidé. Silencieux face à leurs bourreaux déstabilisés qui, envahis par leurs faiblesses, devenaient de soudaines bêtes féroces.

Pour eux, un silence est une chose qui ne se comprend pas. Et la peur qu’il entraîne ne se maîtrise pas… Car le silence est aussi force. Force qui peut combattre la médiocrité, force qui inspire le respect, force qui peut rendre indestructible, force qui peut apporter la sagesse.

En FM.’. l’apprentissage est la période durant laquelle le silence est de rigueur, car il faut apprendre à mieux se connaître soi-même. Nous devenons ainsi en même temps le sujet et l’objet de notre travail.

La tradition initiatique du silence, remonte à l’époque où les livres étaient inconnus. Qui voulait s’instruire devait d’abord observer, méditer, toujours se taire. Le langage philosophique n’était pas encore formé et pour exprimer des concepts, les mots faisaient défaut.

Les apprentis tailleurs de pierres du Moyen-Âge s’engageaient à servir un maître pendant 7 années. Ils n’étaient admis aux réunions corporatives qu’à titre d’auditeurs muets. Ils ne prenaient part ni aux débats, ni aux votes, ils s’instruisaient en silence. Plus ils s’instruisaient, plus ils devenaient aptes à se faire un jugement. Ces 7 années d’apprentissage dans le silence des tailleurs de pierres du Moyen Âge rappellent les 7 années de silence, observés par les disciples de Pythagore. 7 années pour aller au devant de la connaissance qui est lumière et sagesse.

Cette phrase de Catherine Bensaid caractérise parfaitement le serment que nous avons prêté : « Faire silence, c’est voir du dedans son monde intérieur, c’est laisser place à une écoute subtile de sa musique intérieure, la musique de l’âme. Faire silence, c’est retrouver un moment d’éternité.. Faire silence, c’est faire taire peu à peu ses hurlements intérieurs… Le silence est le préalable à la création de soi. »

L’engagement du Maçon au silence demande, pour le tenir, une fermeté de caractère et une conduite rigoureuse dans l’observation des règles, comme celle dictée par l’Article 4 des Constitutions d’Anderson qui précise le comportement du Maçon en présence de profanes : ”Vous serez circonspects dans vos paroles et votre maintien de façon que l’étranger le plus pénétrant ne puisse découvrir ou deviner ce qui ne convient pas de donner à entendre; et quelquefois vous détournerez la conversation et userez de prudents ménagements pour l’honneur de la vénérable confrérie”.

Les secrets maçonniques sont un partage de la Loge à l’initié. A celui qui le reçoit de le porter et le conserver dans son coeur ; il obtient alors une richesse précieuse à son travail et utile à éclairer son expérience. Vivre le secret empêche naturellement de le livrer aux autres car une expérience personnelle peut se raconter, à l’instar de l’amour vécu dont l’intensité, la force ne peut ni se transmettre ni se faire comprendre par de simples mots.

Voilà, ce qui caractérise un FM.’., et voilà certainement le travail que nous est imposé à nous autres apprentis. Dégrossir la pierre brute, premier élément de notre temple, afin d’accéder à cette affirmation de Bernard Werber : « Les plus silencieux s'avèrent souvent les meilleurs orateurs dès qu'on leur en donne l'occasion ».

Ce midi, il m’a donc été donné le privilège de vous produire le fruit de mes réflexions. Des réflexions qui ont été guidées par nos travaux en loge. En préambule, je vous parlais de dépucelage, mais à cet instant, j’ai l’impression d’avoir enfanté, dans la douleur, dans le doute, dans la crainte. Ce morceau d’architecture, le premier de mon parcours maçonnique peut être comparé à un enfant, celui qui a été éduqué avec le peu de bagage maçonnique dont je dispose. J’ai cependant tenté de

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