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Le sujet

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Par   •  4 Janvier 2020  •  Dissertation  •  8 448 Mots (34 Pages)  •  442 Vues

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                                                                       LE SUJET

 Montaigne -1533-1592- (philosophe et homme de lettres originaire de Bordeaux est souvent considéré comme un penseur de l’Humanisme. L’Humanisme est un courant d’idées qui s’oppose aux dogmes de la féodalité, de la scolastique et de l’église catholique. Contre les présupposés autoritaires de ce savoir dominant, l’Humanisme défend la thèse selon laquelle  l’homme a le pouvoir de créer  une société évoluée et humaine fondée sur la raison, la liberté individuelle, la tolérance religieuse et l’égalité sociale et politique à condition de considérer que partout, où il se trouve, l’homme est  sacré pour l’autre homme) écrit dans Essais : « C’est un sujet merveilleusement vain, divers et ondoyant que l’homme. Il est malaisé d’y fonder jugement constant et uniforme ». Par ces propos, il érige le sujet humain en question philosophique et constate la difficulté de le conceptualiser en l’enfermant dans une définition qui voudrait donner de la fixité à ce qui ne cesse de changer. La contribution de Montaigne s’oppose à une longue tradition philosophique qui attribue l’appellation de  « sujet » à un être pensant, conscient de lui-même, qui dit « je », doté de subjectivité et d’unité et capable, de manière transparente et certaine,  de se connaitre et de connaître le monde. Il est aisé de saisir que la question du sujet fait débat dans l’histoire de la pensée depuis la Renaissance (la période qui va en Europe de 1300 à 1600) et semble trouver son origine dans l’étymologie même du mot « sujet ».  Le terme provient du latin «  subjectus » qui renvoie à ce qui est « soumis », « dépendant » ou « jeté ».  Les logiciens et les grammairiens en feront, cependant, l’agent de l’action exprimée dans un énoncé. En vertu de ce glissement de sens dans la lexicographie (la science des mots,  de leur formation et de leur signification), le terme obtient une charge  sémantique riche et contradictoire. Ce faisant,  le vocable (le mot) fait référence à la fois à « la soumission » et à « la capacité d’agir ». Dès lors il s’agit pour nous de chercher à comprendre si l’homme est par essence un sujet ou l’est-t-il en vertu d’un travail de construction historiquement opéré par une philosophie particulière ? (l’essence= ce qui est essentiel dans un être, ce qui le constitue et le définit toujours, qui ne change jamais et qui est vrai tout le temps et à toutes les époques pour les individus appartenant à l’ensemble étudié. C’est pour cela que le mot a pour synonymes : « la nature », « l’identité », «  la vérité universelle», etc. Il s’oppose aux attributs, aux qualités et aux propriétés lesquels changent avec le temps et en fonction des individus et constituent, de ce fait, des accidents que l’analyse philosophique ne peut ni dénombrer ni fixer étant donné qu’ils sont infinis, imprévisibles et aléatoires). Or, si le sujet est une qualité accidentelle et une invention, n’est-il pas, en vérité, un préjugé que la pensée critique peut suspecter en vue de l’infirmer voire de le  déconstruire ?

Il y a eu, de  toute évidence, une philosophie  du sujet qui a pensé  l’homme comme un agent libre, puissant  et souverain.  Toutefois, le postulat du sujet  ne résiste pas à sa mise à l’épreuve par la modernité tardive (la philosophie du soupçon, appelée aussi la philosophie de la déconstruction qui caractérise la fin du XIXème siècle et tout le XXème et dont les plus grand représentants sont Nietzsche, Marx, Freud, Ferdinand de Saussure, Heidegger et Claude Lévi-Strauss)   qui y voit une croyance et une construction qu’elle défait en la remplaçant par la notion de « la personne ». Cette dernière semble, en dépit de ses limites, avoir le mérite de mieux révéler la vérité de l’homme en le fondant sur  les deux valeurs de la complexité et de la vulnérabilité.

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I/ Depuis la Renaissance,  Il y a une partie de la philosophie qui a défini l’homme comme un sujet, agent de ses actions et auteur de lui-même et du monde.

  1. A partir de Maître Eckhart, l’homme est pensé  comme un sujet qui a la capacité d’établir un rapport personnel et direct avec Dieu :

        Dans l’un de ses écrits, Michel Foucault déclare qu’au XVIème siècle  « c’est la question du sujet qui a fait couler beaucoup de sang ». En disant cela le philosophe rappelle que c’est la question du sujet qui fût au centre de la guerre des religions et de la bataille qui  opposa l’Eglise à certains penseurs en particulier ceux de l’humanisme et de la Réforme (la réforme protestante avec Martin Luther- 1483-1546, actuelle Allemagne et Jean Calvin-1509-1564, théologien français). L’attaque menée par la critique philosophique et la réforme se cristallisa autour de la revendication d’un rapport immédiat entre l’homme et dieu. C’est ce que l’on nomme dans l’histoire des idées «  la théorie du libre accès personnel et direct à Dieu ». Cette revendication fût soutenue et suivie par la prédication en langue vulgaire et la traduction de la bible en langues vernaculaires nationales afin de permettre au peuple d’accéder aux textes et  de personnaliser sa pratique religieuse et  son rapport au divin. Le mystique rhénan, Maître Eckhart (1260-1328) est l’instigateur de ce débat. Il reprend à son compte la thèse de la conversion augustinienne (elle stipule que l’homme peut et doit se tourner directement et sans médiation vers dieu)  et l’utilise pour remettre en cause la théorie officielle de l’Eglise catholique  sur la relation hiérarchique qui oblige l’homme à passer par une série d’intermédiaires terrestres (les différents niveaux stratifiés de l’Eglise catholique) et célestes (Prophètes, Archanges, Anges et Chérubins)  pour entrer en relation avec Dieu. Dans le but d’annuler cette médiation, Eckhart démontre que puisque dieu est infini, omniprésent et cause première, il est, par voie de conséquence, présent partout en tout point par rapport à lui-même et à sa création. Ainsi logiquement et ontologiquement, tout homme lui est coprésent et n’a pas, de ce fait, besoin, pour établir un lien avec ce qui l’englobe et le contient, d’un médiateur hiérarchique ou relationnel. Donc l’homme est soumis en tant qu’inférieur à un seul et unique supérieur qui est dieu avec lequel il peut établir un lien personnel, intime et libre. Eckhart renforce ce premier argument par un second qui stipule que si  tous les êtres ont une place fixe dans l’ordre divin par ce qu’ils ont une essence figée, l’homme, par contre, est sans place déterminée car n’ayant pas d’essence, il dispose d’une surcapacité de proximité et de captation du divin (incarnée par le Christ qui non seulement noue une relation personnelle avec le divin mais se confond et communie avec lui dans la Trinité devenant ainsi le dieu fait homme ou l’homme-dieu ).

  1. Il dispose de ce pouvoir car il est caractérisé par la propriété de « la libre vacuité » :

Selon Eckhart, l’homme est un être qui est toujours en excès par rapport à lui-même : il est une perpétuelle transcendance, se dépasse, ne cesse de changer puisque pour lui chaque état présent nie un état passé et est nié par un état futur. En effet, l’homme n’ayant aucune essence fixe, peut occuper toutes les places dans l’être et s’approprier toutes les propriétés selon sa volonté et son agir. Maître Eckhart déduit de ce qui précède que l’homme est un néant capable de provoquer par la pensée et l’action ce qui n’est pas créé ou présent dans l’être (par la mémoire il continue de donner de l’être à un passé qui n’est plus et grâce à l’anticipation il rend présent à l’esprit ce qui n’a pas encore eu lieu). Il faut entendre cela dans le sens qu’il a en lui une capacité d’anéantissement et de néantisation de lui-même par lui-même qui lui vient de sa prédisposition à faire advenir le néant (le passé, le futur, l’anti factuel et le contrefactuel, c’est-à-dire, ce qui n’aurait  pas eu lieu si l’homme ne l’avait pas fait sortir du néant). C’est cette qualité que Maitre Eckhart appelle « la libre vacuité », symboliquement représentée, selon lui,  par la parabole biblique du temple vidé par l’action de Jésus. Le Temple est à assimiler à l’âme singulière et individuelle du fidèle et les commerçants et les changeurs s’apparentent aux médiateurs ou à la doxa. En libérant le temple-âme de ses occupants mondains, Jésus le désaliène et le prédispose, conséquemment, à construire une relation directe et personnelle avec le Seigneur. Cette relation, Eckhart la conçoit comme une percée et non comme une montée. En effet, pour le mystique Rhénan, l’homme engage sa volonté, sa liberté et son agir dans cette reconversion radicale puisqu’il entreprend de se soustraire au conditionnement  par les cadres culturels conscients et inconscients (les formes, les représentations, les croyances, les dogmes, la doxa) et travaille à  les  démanteler pour s’en libérer dans la finalité de découvrir sa singularité ensevelie sous les strates des normes intériorisées. Force est de constater que Maître Eckhart a redéfini, dans le champ religieux, le statut classique de l’homme soumis et influencé et a œuvré à le penser comme un sujet qui puise en lui-même son pouvoir à être le maître de son âme  et de sa conscience pour agir en auteur libre dans le cadre de l’expérience religieuse et spirituelle.  

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