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Le vrai est-il toujours vraisemblable ?

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Par   •  17 Août 2016  •  Dissertation  •  3 302 Mots (14 Pages)  •  3 125 Vues

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Le vrai est-il toujours vraisemblable ?        

Introduction

Au regard de l’histoire des sciences,  vérité et vraisemblance sont entrées en conflit plusieurs fois : Galilée du renier ses thèses, Giordano Bruni finit brûlé par l’Inquisition pour avoir déclaré l’univers comme infini.

En quoi la vérité peut être questionnée, et être l’enjeu d’une recherche, si elle est vraisemblable ?

En effet si tel était le cas, la vérité apparaîtrait spontanément à tous et chacun pourrait se fier immédiatement à son jugement pour distinguer le vrai du faux. Or, ce qui m’apparaît vrai est-il nécessairement vrai ? L’hypothèse selon laquelle il n’y aurait aucune contradiction possible entre la vérité et son apparence (la vraisemblance) ne nous conduit-elle pas ainsi à ignorer, naïvement, la possibilité de l’erreur ou de l’illusion ? Comme l’enseigne l’opinion, les apparences peuvent être trompeuses. Si le faux, ainsi, ne pouvait pas sembler vrai, et inversement le vrai sembler faux, nul ne se tromperait et la q° de la vérité ne se poserait pas.  

Toutefois, on peut se demander comment la vérité pourrait se signaler à nous si elle était invraisemblable. Comment pourrions-nous estimer vrai ce qui ne peut pas nous apparaître comme tel ? Dans une telle perspective, ne risque-t-on pas de développer une compréhension paradoxale de la vérité ? Devrons-nous, en effet, estimer qu’une idée est vraie à proportion de son caractère invraisemblable ? Alors plus une idée nous apparaîtra énigmatique, et confuse, plus nous devrons l’estimer vraie. De toute évidence, une telle hypothèse ouvre la porte aux interprétations les plus irrationnelles, ou dogmatiques, de la vérité. Ainsi, toute recherche de la vérité suppose que nous soyons capables d’apprécier les signes qui la font apparaître.  

Il semble bien, dès lors, que nous soyons face à une difficulté : d’un côté, si nous ne tenons pas compte de l’écart qui sépare la simple vraisemblance de la vérité, nous ignorons simplement la possibilité de l’illusion ; de l’autre, si nous séparons radicalement vérité et vraisemblance, la vérité devient un mystère inaccessible pour notre jugement. Ainsi, la question se pose de savoir en quelle mesure il est pertinent d’opposer ainsi vérité vraisemblance et quels sont les signes qui peuvent nous assurer de la vérité. 

Tout d’abord, nous nous demanderons en quelle mesure vérité et vraisemblance se distinguent ; puis nous verrons quels sont les signes capables de nous assurer de la vérité ;  et enfin si la vraisemblance doit être nécessairement rejetée, si l’on ne peut pas lui reconnaître une vérité légitime, ou du moins une valeur.

I.  Vérité et vraisemblance se distinguent-elles ?

Supposons tout d’abord que vérité et vraisemblance ne s’opposent jamais, que ce qui nous apparaît et semble vrai, l’est nécessairement. Dans ce cas, la vérité dépend des conditions particulières qui déterminent le jugement de celui qui l’apprécie : ainsi, nos jugements variant selon les circonstances et nos humeurs, ce qui semble vrai à un individu apparaîtra faux à un autre. Dès lors, il y aura autant de vérités possibles sur une chose donnée que de façon de la considérer, que d’opinions et de points de vue possibles. Selon la formule du sophiste Protagoras dans le Théétète de Platon, l’homme devient alors « la mesure de toutes choses », ce qui revient à dire que tout jugement porté sur une chose est relatif à la position de celui qui la considère, qu’il n’est pas possible de dépasser cette pluralité de points de vue pour déterminer ce qu’est la chose en elle-même. A chacun sa vérité. Protagoras l’affirme : « Telle une chose m’apparaît, telle elle est pour moi ; telle est t’apparaît, telle elle est pour toi ».

Or, une telle conception revient à nier purement et simplement la possibilité de la vérité. Pour parler de vérité, il faut, effet, qu’il soit possible de trancher entre les jugements divers portés sur une même chose, de déterminer par-delà ce qui apparaît vrai à l’un et faux à l’autre, ce qui peut être estimé effectivement vrai. En ce sens, si l’on s’en tient à la simple vraisemblance, à la façon dont une même idée apparaît vraie à l’un et fausse à l’autre, il n’y aura plus à proprement parler d’idées vraies ou d’idées fausses mais simplement des idées plus ou moins capables de nous persuader, c’est-à-dire de produire en nous un sentiment de vérité.

A l’exigence de vérité se substitue alors la capacité d’un discours à paraître vrai ou, autrement dit, à séduire son auditoire.  Estimer ainsi que vérité et vraisemblance se confondent revient à rabattre la vérité sur la simple persuasion ; or, peut-on estimer qu’un discours est vrai parce qu’il nous séduit ? Dans ce cas, on ne parlera plus tant d’idées vraies ou fausses mais d’idées fortes ou faibles, selon qu’elles sont ou non capables de séduire et de persuader. Les sophistes, d’ailleurs, étaient pleinement conscients de cet écart entre vraisemblance et vérité : l’enjeu de leur art, la rhétorique, n’est pas de dévoiler la vérité (cette quête est, pour eux illusoire) mais de rallier les autres à notre opinion ou notre cause, de les soumettre en les persuadant, de les capturer en les captivant par la magie propre du discours. Peu importe ainsi ce qui est dit, pourvu que cela fasse effet, pourvu que cela apparaisse vrai. L’essentiel est de faire croire ; la rhétorique est cet art de produire les signes, les subterfuges, capables de satisfaire le jugement du plus grand nombre, c’est-à-dire de rendre une thèse vraisemblable. La vraisemblance, ainsi, loin de faire apparaître la vérité, nous renvoie bien plus aux conditions qui déterminent notre jugement et à la façon de le manipuler habilement. Si, pour les sophistes, le langage est l’instrument par excellence du pouvoir, c’est justement parce que ce qui passe pour vrai ne l’est pas nécessairement, et inversement, parce que le discours est le moyen le plus efficace de se faire passer pour ce que l’on n’est pas. Dès lors, il se peut fort bien que le vrai ne soit pas vraisemblable dans la mesure où la vraisemblance ne renvoie pas nécessairement à l’accord entre un discours et l’objet sur lequel il porte mais uniquement aux conditions qui favorisent ou non la croyance, l’adhésion subjective à un énoncé, à une idée.

En ce sens, séparer la vérité de la simple vraisemblance, considérer que le vrai peut être invraisemblable, c’est considérer ainsi que la croyance (le fait que nous tenions quelque chose pour vrai) ne garantit pas encore la vérité de ce qui nous paraît tel. Cette insuffisance de la croyance, de l’adhésion subjective à une idée, est sanctionnée par la conscience populaire. « Incroyable mais vrai ! » s’exclame-t-on familièrement ; or une telle expression met bien en évidence la difficulté qui inaugure toute recherche de la vérité : la première exigence est de ne pas se fier simplement à ce qui semble spontanément vrai ou faux. Qu’une telle méfiance soit requise laisse supposer que le faux peut fort bien prendre l’apparence de la vérité. Comment nomme-t-on cette vraisemblance du faux et cette invraisemblance du vrai ? C’est l’illusion ; si l’illusion n’était pas toujours possible, la vérité ne serait pas à rechercher et nous ne pourrions jamais nous tromper : tout ce qui est vraisemblable serait vrai et, inversement ce qui est invraisemblable pourrait être rejeté comme faux. Cette difficulté est soulignée par Descartes dans ses Méditations Métaphysiques, quand il définit l’erreur de la façon suivante : « L’erreur ne consiste qu’en ce qu’elle ne paraît pas comme telle ». Si, en nous trompant, nous avions toujours conscience de nous tromper, nous ne nous tromperions jamais. En ce sens, l’erreur est inséparable de l’ignorance qui nous la dissimule ; être dans l’illusion, c’est ainsi se tromper en ignorant que l’on se trompe. Ainsi, tout en reconnaissant dans l’évidence le signe même de toute vérité, l’idée vraie comme « intuition » de l’esprit, (Règles pour la direction de l’esprit), Descartes est bien conscient que l’évidence doit être mise à l’épreuve : le doute est la méthode propre qui permet de distinguer l’évidence véritable de la fausse évidence, de ce qui n’était que vraisemblable. Rechercher la vérité, c’est commencer par soupçonner la vraisemblance, dans la mesure où je peux  prendre pour évident, pour clair et pour distinct, ce qui ne l’est pas, ce dont l’obscurité m’échappe. Dans l’allégorie de la République, Platon souligne cette difficulté ; l’enjeu de cette allégorie est de montrer que la recherche de la vérité est inséparable d’une critique des apparences. Il s’agit pour Platon de distinguer la simple vraisemblance (ce qui apparaît spontanément vrai peut être illusoire, en tant qu’expression de nos désirs, craintes et non de la réalité) et la vérité (qui est l’effort pour atteindre à l’essence des choses, refus de se contenter de l’image que nous en avons). Or, comme Platon le souligne à de nombreuses reprises dans son allégorie, rien n’est plus difficile que cette conversion de l’esprit. En effet, pour l’esprit qui ne s’est jamais fié qu’au témoignage de ses sens, ce qui est le plus vraisemblable, c’est le spectacle de ces ombres illusoires auquel ses sens l’ont accoutumé. Inversement, la « lumière » de la vérité (le Bien) commence par l’aveugler. Ce n’est pas le moindre des scandales de l’illusion que de rendre ainsi la vérité même invraisemblable. Dès lors, la vraisemblance, loin d’être un signe de vérité, peut bien apparaître comme le premier obstacle que doit surmonter celui qui recherche la vérité. En ce sens, ce qui nous apparaît invraisemblable ne peut l’être qu’à proportion de l’illusion qui berne notre jugement, comme le note Aristote dans la Métaphysique : « De même, en effet que les yeux des chauves-souris sont éblouis par la lumière du jour, ainsi l’intelligence de notre âme est éblouie par les choses les plus naturellement évidentes ».[pic 1]

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