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Les Suppliantes D'Echyle

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ute, avant Eschyle, puisé le sujet de ses Danaïdes, et où Eschyle lui-même a sans doute pris aussi le sujet de son drame. Les Suppliantes sont en effet la première pièce d’une trilogie, qui se continuait par une seconde intitulée les Égyptiens et une troisième intitulée les Danaïdes, le tout complété par un drame satirique, Amymone. Ces trois titres figurent en effet dans la liste des ouvrages d’Eschyle. Pour être simple, la pièce des Suppliantes n’en offre pas moins un très vif intérêt. Sans doute, il n’y a pas d’intrigue proprement dite pour exciter la curiosité, mais l’action n’en progresse pas moins par les incidents qui se succèdent et qui tiennent les Danaïdes dans les alternatives d’un sombre désespoir ou d’une joyeuse espérance. Et tout y est peint d’une manière si vive qu’on tremble ou qu’on se réjouit avec elles et qu’on attend comme elles le dénouement avec une impatience croissante. Les caractères non plus ne manquent pas de relief. C’est d’abord celui de

ces femmes affolées à la pensée d’un hymen qui leur est odieux, caractère insuffisamment expliqué pour un lecteur moderne, mais si frappant et si poussé à l’extrême qu’on oublie l’invraisemblance d’un tel état d’esprit. C’est ensuite celui du sage Danaos qui leur conseille la modestie et la prudence. C’est surtout ceux du héraut insolent et brutal et du roi circonspect, qui craint d’engager son peuple dans la guerre, mais qui, une fois sa résolution prise, traite avec une fierté hautaine l’insolent Égyptien. Enfin on trouve déjà dans les Suppliantes toutes les qualités du grand maître de style que fut Eschyle : la vigueur, la concision, la magnificence des expressions, l’originalité d’images grandioses et inattendues que les copistes, qui avaient peine à les comprendre, ont estropiées dans les manuscrits ; parfois aussi une grâce et une délicatesse qu’on est surpris de trouver chez cet artiste sublime qui aspire sans cesse à la force et à la grandeur.

ESCHYLE LES SUPPLIANTES

Traduction Emile Chambry

PERSONNAGES LE ROI DES ARGIENS, DANAOS, CHOEUR DES DANAÏDES, UN HÉRAUT. La scène est au bord de la mer près d’Argos. Au fond de l’orchestre, un tertre avec les statues de Zeus, d’Apollon, de Poséidon et d’Hermès. LE CHOEUR. — Puisse Zeus, protecteur des suppliantes, jeter un regard favorable sur notre troupe, qu’un vaisseau amène ici des bouches au sable fin du Nil. Nous avons quitté la terre de Zeus, qui touche à la Syrie ; nous nous sommes exilées, non pas qu’un vote de la cité nous ait condamnées à être bannies pour avoir tué, mais parce que, dans notre répugnance instinctive pour l’homme, nous repoussons avec horreur l’hymen des enfants d’Égyptos et leur dessein impie. Danaos, notre père, qui inspire nos desseins et guide notre troupe, a pesé les raisons, et il s’est décidé pour le malheur le plus glorieux, qui était de fuir en toute hâte à travers les flots salés et d’aborder à la terre d’Argos, d’où notre race s’honore de tirer son origine ; car elle est née de la génisse harcelée par un taon, au toucher et au souffle de Zeus. En quel pays mieux disposé pour nous pourrions-nous aborder avec ces rameaux de suppliantes ceints de laine qui chargent nos mains ? Puisse la ville, puissent le pays et ses eaux limpides, puissent les dieux du ciel et les mânes ensevelis sous terre qui exercent de lourdes vengeances, Puisse hommes enfin pieux, Zeus Sauveur, cette gardien troupe du de foyer femmes des sup-

accueillir

30-84 pliantes en ce pays touché de respect pour le malheur, et, avant que cet insolent essaim de mâles, les fils d’Égyptos, ait mis le pied sur ce sol marécageux, rejetez-les à la mer avec leur vaisseau rapide, et que là, parmi la rafale fouettée par l’ouragan, le tonnerre, les éclairs et les vents chargés de pluie, ils se heurtent à une mer sauvage, et périssent avant de mettre la main sur les nièces de leur père et de monter, malgré la loi qui l’interdit, dans des lits qui les repoussent. Maintenant j’appelle au-delà des mers, pour qu’il me protège, le jeune taureau issu de Zeus qui, de son souffle, le fit naître de mon aïeule, la génisse qui paissait les fleurs. Le toucher qui lui valut son nom mit une juste fin au temps marqué par le destin : Io engendra Épaphos. Je vais aujourd’hui citer ce nom et rappeler les malheurs que mon antique aïeule a jadis soufferts en ces lieux, où elle paissait le gazon, pour fournir des preuves dignes de foi de mon origine ; si surprenantes qu’elles soient, les habitants les trouveront claires : à la longue, on en reconnaîtra la vérité. S’il y a près d’ici quelque indigène habile à interpréter le chant des oiseaux qui écoute mes plaintes, il croira entendre la voix de l’épouse de Térée en proie à ses tristes pensées, la voix du rossignol que poursuit l’épervier. Chassée des lieux qu’elle habitait avant, elle pleure la demeure qu’elle a perdue, tout en disant la mort de son enfant, comment elle le fit périr sous les coups de sa propre main, victime de la colère d’une mère dénaturée. Comme elle, j’aime à me plaindre sur le mode ionien, en déchirant ma tendre joue brunie au soleil du Nil et mon coeur novice aux larmes. Je ne cueille que des fleurs de deuil, en me demandant avec angoisse si je trouverai quelque ami pour veiller sur mon exil loin du pays au ciel serein. Allons, dieux auteurs de notre naissance, vous qui savez où est le droit, écoutez-nous, ou, si le destin vous interdit de nous donner pleine satisfaction, du moins vous qui détestez naturellement la violence, montrez votre justice en face de cet hymen. Même les fugitifs épuisés par la guerre trouvent un refuge contre le malheur près d’un autel que protège la crainte des dieux.

85-143 Ah ! si tout cela pouvait aboutir à une fin vraiment heureuse ! Le désir de Zeus n’est pas aisé à saisir ; mais en tout cas il flamboie même dans les ténèbres, alors que la noire infortune fond sur la race des mortels. Quand Zeus a décidé dans sa tête l’accomplissement d’une chose, elle tombe à coup sûr, et jamais à la renverse. Les voies de sa pensée vont à leur but, cachées sous une ombre épaisse que nul regard ne saurait percer. Du haut de leurs ambitieuses espérances il précipite les mortels dans le néant, mais sans s’armer de violence : rien ne coûte de peine à un dieu. Sa pensée qui plane au haut du ciel exécute de là tous ses desseins, sans quitter son siège sacré. Qu’il tourne les yeux vers l’arrogance humaine telle qu’elle s’épanouit à nouveau dans la race fougueuse qui recherche opiniâtrement mon hymen, aiguillonnée par un irrésistible délire, et qu’elle reconnaisse la tromperie d’Atè. Voilà les angoisses insupportables qui m’arrachent des cris aigus, de lourds sanglots et des larmes, hélas ! hélas ! et des lamentations pareilles aux chants funèbres. Vivante, je me rends à moi-même les honneurs des morts. J’implore la terre montueuse d’Apis : comprends-tu bien, ô terre, ma voix barbare ? Souvent ma main s’abat, pour en mettre le lin en pièces, sur mon voile de Sidon. On s’empresse d’offrir des sacrifices expiatoires aux dieux pour en obtenir le salut, quand la mort est là, qui menace. Hélas ! hélas ! hélas ! hélas ! vents incertains ! Où ce flot nous emportera-t-il ? J’implore la terre montueuse d’Apis ; comprends-tu bien, ô terre, ma voix barbare ? Souvent ma main s’abat pour en mettre le lin en pièces, sur mon voile de Sidon. Sans doute la rame et le bâtiment ceint de cordes de lin qui écartait les vagues m’ont transportée ici sans tempête, avec l’aide des vents. Je n’en fais pas de plainte ; mais puisse le Père qui voit tout mettre enfin un terme favorable à ma détresse ! Puisse la lignée d’une auguste aïeule échapper, grands dieux ! à la couche des mâles et rester libre et vierge !

144-196 Et que la chaste fille de Zeus veuille bien, à ma prière, laisser tomber sur moi, de son auguste visage, un regard rassurant, et qu’indignée d’une telle poursuite elle mette toute sa force de vierge à sauver des vierges. Puisse la lignée d’une auguste aïeule échapper, grands dieux ! à la couche des mâles et rester libre et vierge ! Sinon, filles brunies par les rayons du soleil, nous irons avec nos rameaux suppliants chez le dieu souterrain, le Zeus des morts, qui reçoit des hôtes innombrables, après nous être pendues, si nous ne fléchissons pas les dieux de l’Olympe. Ah ! Zeus, c’est Io, hélas ! qu’un courroux divin poursuit. Je reconnais la jalousie d’une épouse toute-puissante dans le ciel. Il est terrible, le vent qui soulève la tempête. Et alors Zeus sera en butte à des propos qui accuseront son injustice, pour avoir méprisé l’enfant de la génisse, qu’il a jadis enfanté lui-même, et détourné les yeux de nos prières. Qu’il écoute plutôt des cieux celles qui l’appellent. DANAOS (qui observait l’horizon du haut du tertre). — Mes enfants, il faut être prudentes. Si vous êtes arrivées ici, c’est grâce à la prudence de votre vieux père, pilote en qui vous avez confiance. Maintenant que nous sommes sur le continent, je vous engage, dans le même esprit de prévoyance, à garder mes avis gravés dans votre esprit. J’aperçois un nuage de poussière, muet avant-coureur d’une armée. Des moyeux grincent, entraînant les essieux. Je vois une troupe qui porte le bouclier et brandit le javelot, avec des chevaux et des chars recourbés. Sans doute les chefs du pays viennent pour nous examiner, avertis par des messagers. Mais

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