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Misearble

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é d’action : Comme dans un plan, tout tend et se concentre au final vers le renouveau de la terre, du village. Rien de superflu à cette finalité. Tout élément est nécessaire à l’histoire.

Unité de temps : Le seul temps qui est la référence, c’est le temps du cycle des saisons, celui de la semence, de la récolte, le temps de la terre, qui en ce lieu, cette époque donne toute vie.

Tous ceux qui viennent d’un milieu rural, ceux qui se réclamant de ce « monde de la terre », peuvent peut-être avoir un ressenti particulier face à cette œuvre. Mais cela n’est pas exclusif.

La vie paysanne est relatée sans apitoiement, sans misérabilisme : les choses sont ainsi ! On ressent la dignité de ceux qui n’osent pas demander quand ils n’ont rien à offrir en échange. Les souffrances humaines sont très perceptibles au travers du récit, pourtant l’écriture reste très poétique, fine et aérée. Les descriptions relatives à la nature sont souvent comparées au monde humain et vice-versa. Le rythme est dense, d’un pas de montagnard bien accroché au sol. On ressent à travers ce livre, la difficulté de vivre seul, éloigné de la civilisation et pourtant on ressent aussi de l’espoir dans l’avenir. La violence de certaines situations est toujours atténuée ; par exemple, quand Mamèche s’en prend à la Vierge, elle la traite de « Porca ! » et lui envoie un bol de lait au visage, mais, plus loin, on lit : « …et la vierge sourit avec de la crème de lait sur les lèvres » (Page 22, dans Le Livre de Poche, édition de 1967) ; le geste de colère est tout de suite atténué. Tout au long de ce récit, j’ai ressenti et l’espoir et le désespoir, l’espérance, la vie, la mort, la renaissance. En fait, c’est un bouquet d’émotions aux racines profondes et dures à la fois. Le village de mon enfance est presque désert aujourd’hui. Cette relecture a fait surgir en moi beaucoup d’émotion !

Je ne suis pas du monde rural. Ce livre est une découverte et cela m’aurait presque donné envie de tout quitter, de partir, d’y aller ; j’ai d’ailleurs des amis qui l’on fait. C’était dans les années 60 ; des communautés se sont formées, dans les Cévennes, en Provence… L’une d’elle a tenu 15 ans et il reste aujourd’hui deux personnes, un couple. Dans d’autres régions, des communautés ont reconstruit des villages pierre après pierre, puis d’autres sont venus et ont fait revivre le village. C’est une belle aventure. Je me demande dans quelle mesure Giono n’est pas l’inspirateur de tout cela.

C’est vrai qu’il a inspiré énormément de gens. Mais sur les 15 autres villages que Giono a connus, aucun n’a survécu ; il le disait dans ses dernières lettres. Par contre, ce qui est extraordinaire, c’est que l’idée a fait des petits dans les années 60 ; ça a sauté presque 40 ans, et ça été les années de « retour à la terre ».

 On pourrait presque considérer que Regain est un roman ethnographique sur un monde rural complètement disparu. Ce doit être très difficile pour des jeunes contemporains de se sentir imprégnés de ce roman, qu’ils peuvent trouver ennuyeux ; il n’y a, en effet, pas beaucoup d’action, peu de rebondissements et c’est très littéraire, avec un vocabulaire dur à assimiler; ça peut désarçonner des jeunes.

On a dans ce roman des coutumes dont certaines datent du moyen-âge, un autre monde, où tout est basé sur la confiance, donc bien différent du monde urbain où beaucoup sont coupés de leurs racines rurales.

Au départ, je n’ai pas trop aimé, parce que j’ai trouvé l’écriture compliquée, avec une ambiance oppressante. Les thèmes qui sont développés sont parfois un peu incohérents : la nature libre, c’est mauvais, il faut l’apprivoiser. J’adore Pagnol et j’ai retrouvé beaucoup de Pagnol dans ce roman. Pagnol, c’est son continuateur.

Les personnages qui feront revivre le village sont des figures de héros, abimés parfois, physiquement ou psychologiquement. Panturle est décrit ainsi : « Panturle est un homme énorme, on dirait un morceau de bois qui marche…, au gros de l’été quand il se couvre la nuque avec des feuilles de figuier, qu’il a les mains pleines d’herbe, et qu’il se redresse pour regarder la terre, c’est un arbre. Sa chemise pend en lambeaux comme une écorce. Il a une grande lèvre épaisse et difforme comme un poivron rouge ». Et toutes ces comparaisons : les arbres qui ressemblent à des hommes…..et des liens avec les arbres, la nature… : « …Il y a eu d’abord un grand peuplier qui s’est mis à leur parler, puis ça a été le ruisseau qui les a accompagnés très poliment en se frottant contre leur route en sifflotant comme une couleuvre apprivoisée. Puis il y a eu le vent du soir qui les a rejoints et fait un bout de chemin avec eux… ». Il a dans l’œuvre une harmonie, laquelle n’appelle pas au retour à la vie primitive, mais à une vie où l’homme à la fois ensemence la terre et arrive aussi à contenir la cruauté de la terre, comme celle qui est en lui. C’est tout le contraire du retour à un état primitif, car les deux personnages vont se re-civiliser dans cette union et alors Arsule redevient belle ; elle a un rôle, lui a une ambition ; c’est une harmonie, comme l’harmonie de la nature.

 J’ai ressenti toute cette force de la nature, comme endormie dans Panturle, cette force qui trouve à se matérialiser, à produire, parce qu’enfin il a un but. Il y a plein de sensualité dans ce réveil de la vie, tant pour elle que pour lui ; c’est revivre et faire revivre.

Giono glorifie la terre, « grasse, riche », nature vivante. Cela nous rappelle, hélas, que la terre d’aujourd’hui est dans ce sens « morte »; elle n’a que les propriétés des engrais ; elle a perdu toute cette symbolique.

Dans Regain, l’homme et la femme se sont forgés l’un l’autre, rehaussés l’un l’autre. Car, semble nous dire Giono, un milieu d’où la femme est absente serait le retour incontournable à l’état sauvage, à l’état primaire ! Le parallèle de la vie, par la femme ensemencée et de la terre ensemencée est très beau.

La Mamèche « engueule » la Vierge : « Qu’est-ce qu’elle fait celle-là à rire ? Si t’es comme un gros pou à me sucer le sang, c’est bien la peine ! ». Puis elle reviendra vers elle. Mais la Mamèche adresse aussi des prières aux arbres, à la montagne ; elle leur parle comme à la Vierge. Tous ces éléments sont, comme la Vierge, divinisés dans un mélange de paganisme et de panthéisme.

Giono a choisi ce nom de Panturle à partir de la montagne toute proche et toujours présente, le Lure, et de la référence symbolique au dieu Pan, d’où Pan et Lure : Panturle.

Quant au portrait des personnages, celui d’Arsule, au début n’est pas très flatteur, même si on la dit belle à la fin : « Sa figure est pointue et pâle comme un gros navet. Presque pas de menton, un long nez lisse, des yeux comme des prunes rondes veloutées, sa lèvre gonflée par ses deux dents quand elle rit » (Page 74), mais Giono écrit plus loin : « C’est la plus belle ».

Le symbole du pain se retrouve bien présent dans Regain : « Panturle regarde le bon pain, gros et solide, le pain des champs, le pain de la farine faite au mortier de marbre ; le pain et sa mie qui est rousse… » (Page 94) ; puis, plus loin : « ça passera le jour où l’on posera là-bas, à Aubignane, dans la dernière maison, la miche de pain, chaude et lourde, le pain qu’ils auront fait eux-mêmes, eux trois : lui, Arsule et la terre ». Il y a un lien permanent entre la femme et la terre, toutes deux présentées comme le symbole de la vie qui renaît sans cesse. L’œuvre reprend souvent ce thème classique de l’éternel retour.

Le poème de Florence (sonnet) :

Regain

Il est solidement enfoncé dans la terre

Comme une colonne, comme un totem dressé

Et les relents sauvages d’un printemps pressé

Exhalent le parfum vaporeux d’un mystère

Où la terre est la mère, où la mère est parterre

La terre apprivoisée comme un poulain dressé

Ondule jusqu’au fond du vallon encaissé

C’est la panique enfin, aux jardins de Cythère

Que sonne le clocher, qu’il sonne au vent léger

Récolte présagée d’un semis arpégé

Les dieux ont agréé l’ultime sacrifice

Prie pour le vent de Pan, manbr el houd oumouk (*)

Le cycle des saisons rompant le maléfice

L’harmonie retrouvée, la chèvre va au bouc

(*) La source de l’amour est la mère

Témoignage : Quand j’étais petite fille, je guidais le cheval. Le paysan qui tenait la charrue marquait le bout du sillon avec une bouteille de vin, le repère pour que j’aille bien droit avec le cheval ; j’entendais craquer la terre sous le soc, le croc qui rentrait dans la terre. Il en sortait une forte odeur de terre. J’ai retrouvé dans Regain un autre souvenir, celui des draps propres. Je me suis revue dans des draps qui sentent bon. Dans le roman, Panturle dit : « Dépêche-toi de venir ou je vais te prendre toute la lavande

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