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Philosophie de l'histoire

Cours : Philosophie de l'histoire. Rechercher de 53 000+ Dissertation Gratuites et Mémoires

Par   •  5 Mars 2021  •  Cours  •  1 849 Mots (8 Pages)  •  428 Vues

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HLP – Questionnement sur la « modernité »

L'expérience temporelle des Modernes - La consécration de l'histoire

Pour situer la « philosophie de l'histoire »

        Je vous rappelle la mise au point lexicale et conceptuelle, faite en cours et réitérée à l'occasion des explications de textes. Nous avons tout intérêt à ne pas substituer sans bonne raison de le faire trois usages du terme « histoire ». Les deux premiers nous sont à présent plus familiers et mieux délimités :

1 ) Il y a l'historiographie, soit le récit de l'historien « professionnel », qui est un genre littéraire, un savoir ( mais pas une science ) et une érudition.

2 ) Il y a l'historicité, plus difficile à appréhender, qui n'est autre que la temporalité telle qu'elle est réfractée, construite, vécue dans telle ou telle société ; elle recouvre à la fois le changement ( actif ou subi ) des institutions et modes de vie d'une collectivité, la « structure de la conjoncture », comme nous l'avions nommée, la conscience collective de ce qui fait le présent ( et tout aussi bien le passé et l'à-venir par rapport à lui, où ils se situent ) et ce que François Hartog, près de nous, a analysé sous le concept de « régimes d'historicité ». Il nous faut à présent faire un sort à une troisième acception d' « histoire » , qui se joue des deux premières, qui a ses antécédents dans l'eschatologie apportée par la révélation chrétienne ( si la question vous intéresse, vous pouvez lire les classiques de Rolf Bültmann, Karl Löwith ou Jakob Taubes ) ; j'userai d'un artifice d'écriture pour le singulariser :

3 ) Il y a désormais l'Histoire ( universelle ) - avec sa « grande Hache » comme ironisait Georges Pérec. Un « singulier collectif », une notion principalement forgée par la « philosophie de l'Histoire » et qui aura occupé maint esprit ( et non des moindres ! ) au cours des XVIII è et XIX è siècles. On y présuppose qu'une aventure unifiée des peuples se réalise peu à peu, et confusément, dans le chaos, la dispersion des événements ; on veut faire admettre que le mouvement des sociétés, les « événements » cruciaux forment une trame qui a un sens ( c'est-à-dire une direction, un « parcours fléché », si l'on nous permet la comparaison irrévérencieuse : on est censé aller vers « la société sans classes », ou « la paix mondiale » ou la reconnaissance par tous les peuples de l'excellence du régime démocratique, ou la conversion de toutes les âmes sur la planète à la vérité du Christ ou de Mahomet, etc. On recycle à tout-va, jusque dans les versions les plus « séculières » de ces Grands Récits, les schémas apocalyptiques, ceux d'une Fin des Temps, d'une Rédemption collective... Cette direction est une finalité – un télos – qui confère à la succession des générations et à l'éparpillement oublieux des vies une signification globale, annoncée à un moment donné, dans une prophétie par exemple, ou dévoilée peu à peu par une Raison décidément bien englobante, dont une une poignée d'esprits « initiés » ont l'apanage ).

        On considère que l'expression « philosophie de l'Histoire » ( assumée comme une nouvelle tâche de la philosophie ) s'est imposée dans la seconde moitié du XVIII ème siècle. En Allemagne, on parle dès 1768 de Philosophie der (Welt) Geschichte, à la suite d'une traduction d'un essai de Voltaire. En 1775, dans un Dictionnaire qui fait référence, l'allemand Adelung définit l' « histoire » ainsi :

  • ce qui est arrivé / - le récit de ce est arrivé ( = Historie ) / - la connaissance de ces événements ( = Geschichte ).

  • En 1822 – 23, G.W.F. Hegel donnera ses fameuses Vorlesungen über die Philosophie der Weltgeschichte [ Leçons sur la philosophie de l'Histoire ( universelle ) ] . Il demande qu'on lui accorde les distinctions suivantes

l'événementiel ( = Begebenheit )                         l'événement proprement dit ( = Tat )

le fait daté qui sera historisch                         qui sera geschichtlich

la res gestae ( faits, actions... )                                 l'historia gestarum

C'est l'histoire en acte *                                 c'est l'histoire rétrospective, écrite,                                                                 représentée, voire réfléchie

De prime abord, nous nous retrouvons en terrain connu. Mais c'est la manière dont le philosophe fait fusionner tout cela en son creuset qui fait « la différence ». Car cette historicité * dépend selon Hegel de l'Esprit ( Geist ) qui est Tat, Tätigkeit, action négatrice ( cela évoque cet « esprit qui toujours nie » du Faust de Goethe ). Cette historicité est à la fois changement [ Veränderung ], disparition [ Vergehen ] et finalité [ Ende ou Zweck ]. Cela implique qu'elle ne soit ni un simple devenir, ni une répétition, mais bien une trame finalisée d'actions. Cette thèse ou conviction ne va d'ailleurs nullement de soi : au premier regard, l'histoire d'un peuple apparaît comme un spectacle chaotique, voire effrayant ( Hegel le reconnaît qui utilise le qualificatif d'ungeheuer = horrible ) ; alors pourquoi chercher à tout prix à déceler un sens à tout cela ? On peut opposer à cette déraison philosophique ( faudra-t-il inclure les dizaines de millions de morts du communisme, les six millions de Juifs exterminés par le Reich et ses supplétifs dans un « plan de l'Histoire » ? : on hésite entre l'absurdité et l'abjection... ) la fameuse réplique de Shakespeare dans sa tragédie Macbeth : [ l'histoire ] est a tale told by an idiot, full of sound and fury, and signfying nothing, qui se passe de traduction. On peut s'en servir pour fissurer / saper tout édifice de « philosophie de l'Histoire », pas seulement le système hégélien. Hegel n'a cure de ce scepticisme : selon lui, la Weltgschichte devient le processus par lequel l'Esprit se découvre lui-même à l'oeuvre dans l'Histoire ( comme Sujet et Liberté ). Nations, populations, cultures et individus ( en particulier les « grands hommes », n'en sont que le support et les étapes. Pour accréditer ce devenir orienté, ce progrès qui absorbe et réfléchit son passé, Hegel mobilise un concept quasiment intraduisible en français : l'Aufhebung [ le verbe aufheben combine les significations de « dépassement » et de « conservation » ]. Pour croire à cet auto-développement de l'Esprit qui prend peu à peu conscience de lui-même, à travers la culture de certains peuples ( ceux qui vraiment font l'histoire ), ce qu'Hegel et toute l'Allemagne romantique appelle un Volkgeist, il faut admettre un modèle organique de l'historicité. C'est un autre présupposé, très contestable, de Hegel. Pascal, d'habitude mieux inspiré, l'avait eu avant lui ( l'Humanité serait comparable à un seul Homme / Individu / Organisme qui apprendrait continuellement et croîtrait en se perfectionnant ; cela se limitait, chez lui à l'ordre du savoir et on lui sait gré de cette prudence ).

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