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Cunningham

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cousine des courants expressionnistes en peinture et cinéma – ce que nous ne développerons pas ici. Et aussi, parce qu’elle a à cœur de porter à la scène une danse qui exploite toutes les ressources expressives du corps, et qui rejette la virtuosité désincarnée de la danse classique. La danse d’expression allemande ne va pas survivre à la montée du nazisme en Allemagne, et la Seconde Guerre Mondiale lui portera le coup fatal. Dans l’Allemagne divisée de l’aprèsguerre, elle va néanmoins influencer des artistes qui sauront cultiver cette force d’expression de la danse moderne allemande de l’entre-deux-guerres, tout en évoluant vers autre chose – on pense en particulier à Pina Bausch et son Tanztheater. 2) La danse moderne américaine La danse moderne américaine, à la même époque, repose aussi sur les théories des penseurs de la danse évoqués au cours précédent. Une école en particulier, la Denishawn School, va former les futurs grands chorégraphes de la danse moderne – en particulier Martha Graham (1894-1991).

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Elle fonde sa propre compagnie, et sa forte personnalité, son charisme et sa présence sur scène la font vite surnommer la « grande prêtresse de la danse ».Martha Graham est travaillée par les avancées de la psychanalyse qui défrichent la psyché humaine, et ses liens avec les pulsions primitives du corps – on voit en quoi les « leçons » des maîtres et les évolutions de la pensée du corps l’influencent, et comment elle les poursuit. Martha Graham propose une danse essentiellement féminine, et travaille énormément à partir des mouvements du bassin, cette partie du corps jadis refoulée et verrouillée par la danse classique. 3) Le néoclassique D’un autre côté, en marge de ces évolutions, mais tout de même influencé par elle, le classique continue à vivre des beaux jours. Qu’est-ce qu’on appelle la danse néoclassique ? Celle qui, contrairement aux modernes, n’a pas rejeté l’héritage technique de la danse académique, mais qui cherche à enrichir de l’intérieur son vocabulaire, à travailler sur cette base. La structure des ballets, elle, change, s’adapte au goût XXème siècle, mais c’est à partir du langage classique que l’on travaille. Béjart, le chorégraphe du XXème siècle le plus connu du grand public, est un chorégraphe néoclassique. Aux Etats-Unis, la figure majeure du néoclassique, c’est George Balanchine. Pour conclure cet état des lieux, on voit que la danse moderne a largement assimilé les leçons sur le corps, et l’a mis au centre de son travail et de sa création. Et cette nouvelle façon d’appréhender le corps correspond à l’évolution des mœurs de la société tout entière. Est-ce à dire pour autant que la danse moderne s’est totalement affranchie du ballet classique, et des codes de l’ancienne société ? Qu’elle a totalement mis à plat les concepts, les valeurs et les philosophie de l’art qui ont forgé la tradition chorégraphique occidentale, pour questionner leur bien-fondé ? Rien n’est moins sûr. Et c’est là qu’intervient Merce Cunningham, qui va réellement faire évoluer la danse moderne vers la danse contemporaine, la création d’aujourd’hui, en ouvrant des portes qu’on imaginait même pas exister. II Le parcours de Merce Cunningham 1) Le danseur et le pédagogue Penchons nous, pour commencer sur le parcours de Merce Cunningham – nous allons voir en effet combien ses fréquentations vont influencer sa « mise à plat » des codes du spectacle de danse. Merce Cunningham (1919-2009) commence sa carrière comme soliste chez Martha Graham, de 1939 à 1945. Il connaît donc « de l’intérieur » la danse moderne. Il a également suivi des cours de danse classique, même si ce n’est pas sa formation initiale : il est donc familier de toutes les techniques de danse enseignées et pratiquées. La réflexion qu’il va développer sur la danse naît donc de ses interrogations en tant que praticien. Cunningham est un praticien avant d’être un théoricien. 2) Le chorégraphe et le penseur de la danse Cunningham (1919-2009) se détourne de Martha Graham assez rapidement pour se consacrer à ses propres recherches. Il crée ses premiers solos en 1945, et fonde sa propre compagnie

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en 1953 – une compagnie qui fait actuellement sa dernière tournée. Il ne cessera de créer des nouvelles pièces, jusqu’à sa mort en 2009. Cunningham, plus encore qu’une figure majeure de la danse, c’est avant tout un élément de la constellation d’artistes qui travaillent, dans des domaines variés, sur les mêmes processus, la notion de hasard notamment. On y trouve John Cage, Robert Rauschenberg, et bien d’autres encore, un ensemble d’artistes regroupés sous l’appellation « école de New York », courant artistique qui va développer l’art abstrait aussi bien en peinture qu’en musique – et en danse, avec Cunningham. Cunningham, dans le cadre de cette effervescence intellectuelle et artistique, a en effet le désir de questionner tout ce que le ballet nous a légué comme des évidences – qui n’en sont pas. Cunningham constate que la danse est en retard par rapport aux autres arts, plastiques notamment, dans la mesure où, malgré tous les efforts de la danse moderne, elle n’a toujours pas remis en cause une grande partie de l’héritage classique du XIXème siècle, voire même du XVIIème siècle. Quelle est cette part de l’héritage de la danse classique et de l’ancienne société dans laquelle est née, qui se perpétue dans le spectacle de danse, sans même que nous nous en rendions compte ? III La fin de la construction centralisée du ballet Ce que Cunningham met à jour, c’est l’incroyable centralité sur laquelle se construit le ballet de la tradition occidentale, une centralité héritée du ballet de cour et du ballet classique, et non remise en cause par la danse moderne, qui la perpétuée sans y réfléchir. Qu’entendonsnous en disant que Cunningham questionne et remet en cause la construction centralisée du ballet ? 1) L’espace Tout d’abord, l’organisation de l’espace scénique du ballet, datant du ballet de cour. Le règne de Louis XIV marque l’apogée du genre du ballet de cour. Louis XIV est à la fois le premier des danseurs et le premier des spectateurs, ce qui va avoir pour conséquence une réorganisation du ballet afin de le mettre en valeur dans l’un ou l’autre rôle. Quand le roi danse, il s’agit de faire graviter les autres autour de lui. Aux figures de groupe compliquées dessinant sur le sol des symboles complexes, très prisées dans la danse baroque, est préférée le modèle de la centralité de l’astre solaire. Des perspectives sont agencées pour mettre en valeur le danseur central, le roi. Il s’agit de mettre en scène le nouvel ordre, la nouvelle harmonie du Royaume, ce qui passe par une organisation symétrique de l’espace de la scène. Lorsque le roi est spectateur, il est impératif d’organiser la scène du point de vue du roi : toutes les perspectives doivent fonctionner de cet endroit-là. Dans cet esprit, le ballet n’est donc pas conçu pour pouvoir être apprécié diversement par chacun, il s’organise à partir d’un point de vue unique, qui seul peut jouir de la totalité des figures mises en scène. C’est un ballet pour un spectateur, les autres n’en ont qu’une image déformée, imparfaite, « grapillée ». L’art du ballet se pose d’emblée comme éminement élitiste. Centralité de l’espace scénique, donc, qui s’organise autour du premier danseur – le roi – et centralité du point de vue : le ballet est conçu pour n’être pleinement apprécié que d’un seul

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point de vue, l’œil du roi – cet endroit d’où la perspective des décors et des figures de groupes est pleinement réalisée porte d’ailleurs, dans le vocabulaire du théâtre, un nom très parlant : l’œil-du-prince. Lorsque le ballet gagne les théâtres, cette centralité est conservée, à laquelle vient s’ajouter la frontalité : le spectacle n’est vu que d’un seul côté, et dans ce côté, il y a un point de vue privilégié – l’œil-du-prince. Dans les théâtres construits à l’italienne, la scène et la salle sont désormais bien différenciées (ce qui n’était pas le cas à la Cour), et le plateau surplombe le parterre. Les classes populaires sont debout au parterre, tandis que la noblesse se partage les loges : la salle à l’italienne marque un théâtre de classes : plus votre place est chère, plus vous vous rapprochez de la place d’où la perspective centrale est pleinement appréciée. Il y a donc une hiérarchisation des spectateurs dans le public, hiérarchisation « spectatorielle » correspondant à la hiérarchie sociale. Ce rapport frontal, centralisé et hiérarchisant du spectacle au public, on le voit, naît de déterminations sociales et politiques spécifiques. Ce mode d’organisation du spectacle, avec au centre le danseur-roi – l’étoile, et avec une perspective centrale, construite pour le point de vue-roi – l’œil du prince, découle directement des principes de la société d’ordres de l’ancien Régime. Le temps des rois révolu, personne ne songe pourtant à réformer les habitudes théâtrales qui en découlaient. Personne ne songe à remettre en cause cette construction centralisée et monarchique de l’espace du ballet. Elle va si bien s’ancrer dans les habitudes du ballet, qu’il perdurera pendant plus de deux siècles. Il faut attendre le XXème siècle et Merce Cunningham pour voir les choses bouger. Texte 1. Chez Cunningham, donc, chaque danseur, ou plutôt chaque point du

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