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Les Bonnes

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es yeux, leur tailladant les cuisses et les fesses, puis aspergeant chaque victime du sang del'autre. Après quoi elles lavent les armes du crime ( un marteau, un couteau à découper et un pichet d'étain ). Elles se lavent elles-mêmes et se couchent dans le même lit. Ce crime a fasciné les auteurs surréalistes. Instruments et martyres, les deux soeurs s'aimaient d'un amour incestueux. En 1947, dans Les Bonnes, Genet ne prend en compte ni l'aspect social ni la folie explosive du meurtre. Les Bonnes sont le contraire d'un mélodrame sanglant. C'est un rite cérébral qui débouche sur le mythe et rejoint la tragédie. Madame ne meurt pas. Ce sont les Bonnes qui s'auto-détruisent. Donc Genet détourne le fait divers et le retourne comme un gant. Chaque agression contre Madame est fantasmée ou avortée, et si elle devait mourir ce serait par le poison, la strangulation ou l'asphyxie, comme chez Racine. Genet a inventé le personnage de "Monsieur" et leur dénonciation à la police. Ainsi, Madame ayant rendez-vous avec lui, elle échappe au poison que les Bonnes lui ont préparé. Genet a par contre conservé l'homosexualité incestueuse des Bonnes. Dans la préface, Genet écrit : "Tous les soirs elles se masturbent et déchargent en vrac l'une dans l'autre leur haine l'une contre l'autre." C'est un rituel sadique que méritent masochistes aussi. les soeurs haïssent Madame mais elles s'entre-déchirent tout autant et Claire a peur de Solange. L'unité d'action des Bonnes se résume d'un mot : "tuer Madame". Dans la première partie de la pièce, les deux soeurs jouent à mimer ce meurtre qu'elles n'ont pu accomplir dans la réalité. Dans la seconde partie, nouvel échec. Madame refuse de boire le tilleul empoisonné. Dans la dernière partie, c'est Claire qui, dans le rôle de Madame, boit le poison. de façon symbolique, Madame est morte, mais concrètement elle est vivante. Il y a donc du clacissisme dans cette composition. C'est à dire : Solange est incapable d'étrangler Madame, Claire est incapable de l'empoisonner et Claire force Solange à lui administrer le breuvage mortel. Le clacissisme est renforcé par la construction en trois parties. Ces trois parties peuvent se subdiviser en cinq parties :

la première : du début de la pièce à la sonnerie du réveil qui ramène les Bonnes à la réalité après le jeu rituel

La deuxième : de la sonnerie du réveil à celle du téléphone qui signifie aux Bonnes que leur machination a échoué.

La troisième : de la sonnerie du téléphone à l'arrivée de Madame : préparation du meurtre

la quatrième : de l'arrivée de Madame à son départ, avec le désespoir de Madame car Monsieur est en prison, se renonciation avec le "je vous donne tout", puis un renversement radical : Monsieur est libéré, Madame s'échappe, triomphante.

La cinquième : du départ de Madame à la fin de la pièce : Claire met en scène la catastrophe qui sera l'apothéose des Bonnes

Il y a donc unité d'action, unité de temps ( car tout se passe en une soirée ), et unité de lieu ( c'est à dire la chambre ). Cette chambre est un espace magique, car il est ensorcelé. C'est le monde mental de celles qui le hantent : appartement empoisonné, appartement de messes noires, appartement qui figure l'âme des Bonnes.

La chambre de Madame est le décor réel. Les Bonnes y sont déplacées. Elles y remplacent leur travail par des cérémonies puis un meutre. Par ailleurs, le lieu est neutralisé par l'absence de son occupante légitime. La cuisine est à côté, image invisible et inversée de la chambre, lieu de leur travail où trône l'évier aux odeurs immondes alors que la chambre est remplie de fleurs. La mansarde est au dessus, invisible elle aussi. c'est l'univers des Bonnes, la chambre caricaturale où les fleurs sont en papier et où s'aiguise leur jalousie morbide.tout s'ordonne autour de la chambre. se glissant dans le lieu interdit et sacré comme dans la peau de Madame, Claire et Solange font de toute la pièce un entracte. Leur existence réelle, les Bonnes nous la racontent. Le théâtre réduit le monde au langage. Ce qu'elles jouent devant nous, c'est une existence fantasmatique. Le théâtre est le lieu de l'illusion.Le monde extérieur, c'est d'abord le Palais de Justice décrit par Madame qui nous le raconte. C'est ensuite le cachot, un lieu clos, symétrique de la chambre. Il y a le cachot dans l'imagination de Madame ainsi que le bagne. Ces degrés différents d'enfermement et d'absence permettent de sacraliser Monsieur dont Solange est amoureuse, à la fureur de Claire. L'extyérieur, c'est aussi la cabine téléphonique et le bar qui permettent à Monsieur de renouer concrètement avec Madame. Ces lieux sont toujours hors d'atteinte des Bonnes.Pour ce qui est du monde mental, il est composé de lieux et de personnages, images de l'appartement où se déroulent la parade nocturne de Claire et le meurtre avorté de Solange.Les personnages sont essentiellement les figurants et les acteurs du triomphe de Solange et Mario, le laitier dont les visites nocturnes empoisonnent les rapports entre les deux soeurs. Parallèlement, il y a la fenêtre. Cette fenêtre donne sur le monde. Les Bonnes sont prises entre deux regards, c'est à dire le nôtre qu'elles ne voient pas, puisque c'est la convention du théâtre, et celui d'un public imaginaire aux yeux duquel elles s'exhibent.Le théâtre, c'est aussi le jeu des regards.Les rideaux de la fenêtre sont comme des robes : rideaux qu'on ouvre et qu'on ferme à l'image de la libération et de la mort.Le jeu des vêtements est subtil. Il a la rigueur classique du symbolisme des couleurs : le rouge, qui est la couleur du désir, le noir celle dudeuil, le blanc qui symbolise l'assomption. Mais tout cela se brouille. Le rouge est aussi la couleur des juges et des condamnés, et la robe blanche celle du deuil des reines. Ce sont les robes qui marquent la distance qui sépare Madame des Bonnes. Ce sont des accessoires du corps, montrés ou cachés. Les robes participent à l'érotisme et à la haine dans cet univers trouble. Entre caresses et agressions, habiller Madame, c'est l'adorer en la dominant, c'est l'avoir entre ses mains.Lorsque Claire est habillée dans le rôle de Madame, c'est en fait ne posséder qu'une image, et c'est une façon pour Solange de tenir Claire à sa merci.Les fleurs sont réparties dans toute la chambre, ce qui donne une atmosphère étouffante à cette pièce, à la fois chapelle et tombeau. Il y a les fleurs funèbres de la chambre sous lesquelles Madame sera ensevelie, les fleurs fanées dont elle comble Claire et Solange. Ces fleurs sont à la fois symbole de mort et de féminité.Tout le décor de la chambre est baroque. A travers Madame, ce sont elles-mêmes que les Bonnes flagellent. Elles s'aiment et se haïssent et leur pulsion de mort est suicidaire. La souffrance éclate partout dans la pièce avec violence et accompagne la transgression des interdits.Dans certaines représentations, ce sont des hommes qui ont joué le rôle des Bonnes. Il y a un va-et-vient vertigineux entre le sacré et le profane. C'est le couple infernal du criminel et de la sainte. Les gants de caoutchouc deviennent des objets liturgiques et à l'inverse on crache sur la robe de parade. Naturellement, la sexualité est à la fois sublimée et sordide, cérémonieuse et crue.Le drame des Bonnes peut se lire comme une métaphore de la sexualité. Il peut donc se lire comme une métaphore du théâtre lui-même, jeu perpétuel de l'autre, lieu de toute aliénation.

ETUDE DE TROIS MOMENTS DU DRAME

1 - L'entrée en jeu

Elle comporte cinq phases :

Avant le jeu : se prépare ici l'entrée en scène de Solange dans le rôle de Claire

Le début du jeu : Madame est hautaine et agressive. Claire est soumise puis rebelle.

La rupture d'illusions : le jeu a dérapé et Claire attaque Solange

La reprise du jeu : le jeu se fait doublement agressif. Madame attaque les Bonnes et elle-même

Rupture et reprise : moment très intense entre érotisme et distance

Avant le jeu, Claire tutoie Solange. Entre agressivité dominatrice et complicité sarcastique, c'est le discours de Madame à sa Bonne. Solange devient Claire et Claire joue Madame. On passe alors au vouvoiement. En appelant Solange par son nom et en la tutoyant à nouveau, Claire brise l'illusion. Déjà les deux femmes ne contrôlent plus tout à fait le jeu mortel qu'elles jouent.Puis Madame perce à jour les Bonnes et l'impitoyable lucidité de Madame alimente la haine que Claire voue à sa soeur.Lorsque le jeu reprend, le tutoiement demeure. Nous ne savons plus si c'est Madame qui s'en prend à sa bonne, si c'est Claire qui agresse Solange, ou si Claire se déchire elle-même à travers son double qui lui refuse la robe blanche du deuil des reines. Nous ne savons plus car c'est tout cela ensemble. A la p22, "Je vois dans ton oeil que tu me hais" auquel

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