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Malebranche

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mme source de la morale aussi bien que comme fondement des mathématiques. Dès lors la seule distinction à conserver est celle qui oppose l'homme qui suit sa raison à celui qui écoute ses passions. Tout cela ne va pas sans difficulté. Dans le détail de l'argumentation, le texte de Malebranche semble souvent obscur, dans son argumentation comme dans ses conclusions. Quelle est la portée réelle et la valeur de ce rasionnement initial, par lequel il prétend conclure à l'universalité de la raison ? Que peut nous apprendre la réflexion sur l'évidence ? Quel nouveau rapport s'établit alors entre la raison et les passions ? Et enfin, y a-t-il des évidences morales comme il y a des évidences intellectuelles, ce qui signifierait que la morale doit se penser sous le signe de La vérité ? Ce n'est qu'après avoir tenté d'approfondir ces questionnements que nous pourrons évaluer la portée réelle de ce texte.

I – Présentation du texte et de ses difficultés

Le texte de Malebranche semble se ramener à deux parties nettement distinctes. La première présente un raisonnement en deux étapes, qui semble aboutir par deux fois à la conclusion qu’il y a en nous une raison universelle. La seconde revient sur le fait que les hommes ne suivent pas toujours cette raison universelle, et sur la figure de l’homme passionné.

La première partie se présente sous la forme d’un raisonnement assez étonnant. Malebranche part de trois prémisses, qui sont la présence en lui de trois certitudes ou de trois évidences (« je vois »). Une évidence mathématique (deux fois deux font quatre), une évidence morale (il faut préférer son ami à son chien), une évidence « anthropologique » : tout homme peut voir ces vérités aussi bien que moi. La mineure() de son raisonnement tient dans le fait que « je ne vois pas ces vérités dans l’esprit des autres, comme ils ne la voient point dans le mien », ce qui semble signifier que ce n’est pas en vérifiant la présence en autrui de ces certitudes que je m’assure de leur vérité. Cette mineure, qui semblerait pouvoir conduire à un doute possible sur ce qui nous a été d’emblée présenté comme des évidences, aboutit à la conclusion inverse : « il est donc nécessaire qu’il y ait une raison universelle qui m’éclaire et tout ce qu’il y a d’intelligences ». La formule ne signifie évidemment pas qu’il soit nécessaire que les hommes se mettent d’accord sur des idées qu’ils s’accorderont à juger vraies, mais bien plutôt que je dois nécessairement (par la force du raisonnement) reconnaître l’existence de cette raison universelle qui éclaire tout homme.

Le raisonnement semble avoir besoin d’explication, puisque Malebranche l’explicite (« Car… »). Si je ne suppose pas la raison universelle, je ne peux pas être sûr de ce que j’ai posé d’abord comme évident. Mais l’argument est-il plus convaincant ? L’universalité de la raison n’apparaît-elle pas ici davantage comme un présupposé que comme une conclusion ? En quoi alors y a-t-il argument, et sur quoi exactement porte-t-il ?

Une deuxième difficulté de cette première partie, moins structurelle peut-être, tient aux trois « évidences » dont part Malebranche. Si l’on peut accepter comme exemple d’évidence à valeur universelle la formule mathématique, en va-t-il de même pour la morale ? Y a-t-il des évidences morales comme il y a des évidences mathématiques ? L’universalité de la raison ne se heurte-t-elle pas là à une objection majeure avec la diversité des valeurs, des coutumes… et des morales ?

La seconde partie recèle aussi deux ordres de difficultés. La première tient sans doute à un problème de vocabulaire. Malebranche affirme que les hommes ne suivent pas toujours la raison universelle, mais parfois des « raisons particulières ». Y aurait-il alors autant de « raisons » que d’individus ? Sans doute Malebranche joue-t-il ici sur la polysémie du mot « raison », comme semble l’indiquer le nombre d’occurrences du terme, qui invite à chaque fois à l’interpréter dans son contexte. Les « raisons que suit un homme passionné » sont les motifs auxquels le passionné choisit de donner une importance déterminante. Par exemple, l’avare trouvera que la perte financière que représente un cheval est un motif suffisant de préférer sauver la vie de son cheval plutôt que celle de son cocher. Le prix du cheval est donc la « raison » de son action, mais le fait qu’il juge cette « raison » déterminante (ici « raison » signifie « motif ») tient à son avarice, c’est-à-dire à une passion. Or donner cette importance à un tel motif est étranger à la raison, « déraisonnable ». Cela ne témoigne pas que l’avare a une autre « raison », mais simplement que sa passion le rend sourd à la voix de la raison.

L’homme a donc en lui la raison, mais ne l’écoute pas toujours, et choisit de suivre plutôt ses passions. L’idée n’a rien d’original, mais on comprend peut-être ici la réelle portée de l’argument initial, et donc la réflexion à laquelle entend nous conduire Malebranche.

La transition est en effet la suivante : « Je dis quand nous rentrons dans nous-mêmes, car je ne parle pas ici de la raison que suit un homme passionné ». L’important est donc de comprendre que lorsque l’homme suit ses passions, il ne se suit pas lui-même. Et par ricochet, ce qui était le plus important dans la première partie, c’est que se mettre à l’écoute de sa raison, c’est rentrer en soi-même. Au fond, ce que montre l’argument de Malebranche, ce n’est pas que la raison est universelle. Comment d’ailleurs le montrer, puisque toute preuve, toute tentative de suppose que je crois au caractère contraignant de la preuve, donc à la valeur de ma raison ? Ce que Malebranche nous fait entendre, c’est que l’universalité de la raison ne se prouve pas, ce qui serait un cercle vicieux, mais s’éprouve lorsque l’homme se met en face de l’évidence, qui est et ne peut être qu’une expérience intérieure. Penser par soi-même, c’est penser selon la raison, c’est-à-dire penser universellement. A l’inverse l’homme passionné ne « rentre pas en lui-même ».

Nos questions deviennent donc quelque peu différentes. Au fond, la question du rapport entre raison et passion est ici abordée du point de vue de l’intériorité et de l’extériorité. Pour résumer le paradoxe, c’est ici la raison qui est intérieure, et la passion qui est extérieure à l’homme. Il faudra approfondir ce paradoxe, et tâcher d’en… rendre raison.() Restera ensuite à se demander dans quelle mesure l’universalité de la raison, que je n’ai pas de mal à accorder à la raison abstraite à l’œuvre dans les mathématiques, peut être assimilée à celle qui me mettrait en face de mes devoirs moraux.

PRECISIONS

« Préférer son ami à son chien » n’est pas ici affaire de sentiment. C’est donner au mot « préférer », et sans examen, un sens purement affectif qui n’est qu’un de ses sens en français. C’est donc une faute de lecture qui vient d’une absence de réflexion sur un terme, et cela peut évidemment vous être reproché. On vous le reprochera d’autant plus qu’ici ce sens ne peut pas être celui auquel pense Malebranche, et ce pour une raison simple : il ne dépend pas complètement de moi d’éprouver plus d’affection pour mon ami que pour mon chien. Si je « préfère » mon chien en ce sens, je n’y peux rien, et d’ailleurs cela n’a pas grand-chose à voir avec la morale. Ce qui a rapport avec la morale, c’est de donner la préférence à l’un ou à l’autre, par exemple dans une situation où j’aurais à choisir auquel je vais d’abord porter secours. Même situation pour l’homme qui « préfère la vie de son cheval à celle de son cocher ». Cela ne peut pas désigner le fait qu’il a plus d’affection pour le cheval (ce qui est tout à fait possible, si par exemple ce cheval est un vieil animal fidèle et le cocher un imbécile et un voleur). Celui qui « préfère » contre la raison le cheval à son cocher ne peut être que celui qui, dans une situation particulière, donne la priorité au cheval sur le cocher, comme dans un accident où je crierais aux sauveteurs : « Sauvez le cheval d’abord, on verra pour le cocher après ». Il faut ici se souvenir du texte de Schopenhauer et se rappeler que la morale ne concerne sans doute que les actions, non les pensées, et moins encore les sentiments. Ces remarques doivent vous guider vers le véritable sens du mot « préférer », et non vous faire développer comme une objection le fait qu’on a bien le droit d’avoir plus d’affection pour un animal que pour un homme, ce qui n’est absolument pas la question. C’est quand vous formulez ce genre d’objection qu’on a le sentiment que l’auteur est pris pour un imbécile, mais que l’accusation se retourne plutôt vers le lecteur, qui choisit de ne pas lire.

II - Travail sur l’évidence

Il ne faut pas confondre évidence et vérité mathématique, mais il faut accorder sa place à l’évidence dans les mathématiques.

Deux fois deux font quatre renvoie à une évidence dans la mesure où cela peut être saisi immédiatement par la simple représentation des termes de cette proposition. Représentez-vous deux (deux croix, deux points), et une fois encore deux, vous saisirez l’ensemble que vous désignez par le terme « quatre ». Les termes n’ont pas d’importance ici, et on pourra traduire

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