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Moyen Orient

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e de la stratégie de sécurité nationale. Les Etats qui soutiennent le terrorisme ou

Pierre Noël, économiste du pétrole et docteur en science politique, est chercheur au Centre français sur les Etats-Unis (CFE) à l’Ifri et chercheur associé au département Energie et politiques de l’environnement (EPE), Université de Grenoble, . 1 Voir The National Security Strategy of the United States of America, Washington, D.C., Maison-Blanche, septembre 2002.

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développent des programmes d’armements non conventionnels sont les ennemis des Etats-Unis ; les régimes oppressants, parce qu’ils créent les conditions politiques et économiques du terrorisme, représentent en soi des dangers. Contre les uns et les autres, la « doctrine Bush » affirme que l’Amérique mettra en œuvre tout l’éventail de ses moyens. Le Moyen-Orient – et plus largement le monde arabo-musulman – occupe une place centrale dans cette vision. Fondamentalement, le gouvernement Bush a analysé le 11 septembre comme le produit du « mal-développement » politique et de la décadence économique de la plupart des pays du Moyen-Orient. Si l’on ajoute une relative concentration d’« Etats voyous », dont certains développent des programmes d’armements non conventionnels et/ou soutiennent des organisations terroristes, la région était le terrain idéal – et peut-être, d’ailleurs, le terrain unique – pour mettre en œuvre de ce « wilsonisme botté », selon l’expression de Pierre Hassner2. Telle est la logique de la guerre en Irak. Le groupe des néo-conservateurs, et en particulier quelques responsables civils du département de la Défense autour de Paul Wolfowitz, relayés par le secrétaire à la Défense Donald Rumsfeld et le vice-président Dick Cheney, ont réussi à convaincre le président Bush que la victoire dans la « guerre contre le terrorisme » passait par le renversement du régime de Saddam Hussein, conçu comme la première étape d’une action politique de grande ampleur visant à « transformer le Moyen-Orient3 ». Cette guerre a été légitimée devant l’opinion publique nationale et mondiale comme un acte visant à éradiquer une menace directe et pressante ; en fait elle a vraisemblablement été pensée dans une tout autre perspective4. Il est certain qu’elle correspond à la mise en œuvre de la « doctrine Bush », mais il ne s’agit peut-être pas d’une guerre préventive ; il s’agirait plutôt d’une guerre pour la promotion de la démocratie au Moyen-Orient, conçue comme moyen d’agir sur les causes profondes

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P. Hassner, Etats-Unis : l’empire de la force ou la force de l’empire ?, Cahiers de Chaillot, n° 54, Paris, IES, septembre 2002, p. 43. 3 Sur la manière dont les néo-conservateurs ont « construit la réalité » de l’après11 septembre de manière à rendre crédible leurs propositions (guerre contre Saddam Hussein, transformation du Moyen-Orient), voir L. T. Hadar, « Mending the U.S.European Rift over the Middle East », Policy Analysis, n° 485, 20 août 2003, p. 3-5.

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du terrorisme. En d’autres termes, une guerre en vue de transformer un pays en laboratoire politique à vocation régionale. Un an après le 11 septembre, l’idée d’une transformation politique profonde du Moyen-Orient s’était affirmée comme un élément central de la stratégie américaine de sécurité. Mais, en dehors des Etats-Unis et particulièrement en France, bien peu sont disposés à croire que la « grande politique » américaine au Moyen-Orient a effectivement pour but la promotion – fût-elle musclée, fût-elle utilitaire – de la démocratie et de l’économie de marché. La guerre en Irak a été assez largement interprétée comme étant motivée par des objectifs pétroliers5. L’ambition de réformer politiquement le Moyen-Orient pourrait-elle n’être qu’une stratégie énergétique déguisée ? On voudrait ici tenter d’apporter quelques éléments de réponse à cette interrogation, en se concentrant sur les enjeux de long terme.

Vers un développement pétrolier massif au Moyen-Orient Le containment du Moyen-Orient S’il est une donnée que nul ne peut ignorer, c’est que 75 % des réserves pétrolières prouvées se trouvent au Moyen-Orient. Or, ce chiffre induit des représentations erronées. La notion de réserves est complexe et il s’agit d’une notion économique beaucoup plus que géologique : ce n’est pas la nature qui donne les réserves, c’est l’industrie pétrolière qui les produit en effectuant des investissements de développement dans des zones (les champs) où ont été identifiés des dépôts d’hydrocarbures. Pour une large part, les « réserves prouvées » du Moyen-Orient sont en fait des estimations de réserve, qui ne pourront être confirmées que lorsque seront effectués les investissements de développement. Or, précisément, les Etats du Moyen-Orient – où l’industrie pétrolière est organisée, pour l’essentiel, en monopoles publics nationaux – n’investissent que très marginalement, voire pas du

Pour un retour sur la crise irakienne mettant l’accent sur la divergence entre motifs affichés et motif réel de Washington, voir T. de Montbrial, « Perspectives », RAMSES 2004, Paris, Dunod, 2003, p. 14. 5 Pour une réfutation de ces interprétations, voir P. Noël, « L’Amérique et le pétrole irakien », CFE Policy Brief, n° 3, Paris, CFE, février 2003, .

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tout, dans le développement de leurs réserves, alors même que cela serait, sur un plan strictement financier, extrêmement profitable6. Certains d’entre eux voudraient investir mais n’y parviennent pas (c’est le cas de l’Irak et de l’Iran) ; d’autres (Koweït et surtout Arabie Saoudite) limitent volontairement le développement de leurs capacités de production dans le cadre d’une stratégie de défense d’un prix mondial très largement supérieur au prix concurrentiel. D’autre part, il n’existe pas de lien nécessaire, ni à court terme ni à long terme, entre la répartition des « réserves prouvées » entre les différentes régions (ou pays) et leur rôle sur le marché pétrolier. Les réserves correspondent, stricto sensu, à un stock de pétrole prêt à être produit. Dans le secteur concurrentiel de l’industrie pétrolière, les compagnies travaillent avec un stock de l’ordre de dix années de production – contre cent ans voire davantage pour certaines compagnies publiques au Moyen-Orient. Mais ce stock est renouvelé en permanence. Tant que le secteur concurrentiel de l’industrie pétrolière parvient à renouveler ses réserves au prix du marché, le fait qu’il ne possède à un instant t qu’une petite part des réserves mondiales n’implique pas que sa part de marché soit sur le point de diminuer au profit des producteurs qui disposent de réserves plus importantes – typiquement, les pays du golfe AraboPersique. Le phénomène central de la dynamique pétrolière au cours des trente dernières années est ce que l’on pourrait appeler le containment du Moyen-Orient. La progression spectaculaire de la région dans l’offre pétrolière mondiale entre 1945 et 1970 a été stoppée. Depuis 1973, la demande pétrolière a augmenté d’un tiers, mais la production du golfe Arabo-Persique est aujourd’hui pratiquement la même qu’il y a trente ans. Les producteurs les plus efficaces du secteur ont donc abandonné des parts de marché au profit de producteurs dont les coûts de développement sont nettement plus élevés. Ainsi, entre 1965 et 2001, les pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) ont produit autant de pétrole que les pays du Moyen-Orient (voir figure 1). Ce phénomène de containment est d’abord le résultat des politiques pétrolières des pays du Moyen-Orient eux-mêmes. Il est, en même temps, le produit des politiques

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Voir M. Adelman, « Prospects for OPEC Capacity », Energy Policy, vol. 23, n° 3, 1995.

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énergétiques des pays consommateurs qui ont massivement investi à la fois dans la maîtrise de la demande, dans le développement d’offres énergétiques alternatives au pétrole – en particulier pour la production d’électricité – et dans le développement de l’offre pétrolière hors du Moyen-Orient. Les pays producteurs du Moyen-Orient défendent un prix du pétrole largement supérieur au prix de concurrence ; les consommateurs recherchent la diversification de l’offre pétrolière et énergétique : le containment du golfe Arabo-Persique – qui est une aberration au point de vue strictement économique – est le produit de cette convergence implicite d’intérêts. Vers une expansion massive ? D’après la plupart des grands exercices de prospective modélisée du marché pétrolier7, nous serions à la veille d’un mouvement de très forte expansion des capacités de production au Moyen-Orient. En raison de la croissance de la demande mondiale d’une part, et de l’incapacité de l’offre hors Golfe à suivre cette croissance d’autre part, la production du Moyen-Orient augmenterait très fortement en valeur absolue comme en valeur relative, d’ici à 2030 (voir figure 2). Il importe de noter que ce développement du golfe Arabo-Persique ne serait pas lié à un changement radical dans les politiques pétrolières des pays de la région, qui choisiraient de regagner des parts de marché en précipitant une chute des

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