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La Fortune Des Rougons : Le Soulevement Populaire, Emile Zola

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cène « grandiose », épique

A. Un spectacle impressionnant et magnifique

L'arrivée de l'immense colonne des insurgés se présente tout d'abord comme un spectacle « terriblement grandiose » aux yeux du jeune couple qui s'efface ici, muet de surprise et d'admiration : l'oxymore, qui traduit bien sa dimension spectaculaire, souligne sa beauté stupéfiante, tout comme l'adjectif « superbe ». Ce spectacle a pour décor un cadre lui-même grandiose, formé par les collines qui encadrent la vallée de la Viorne : « le large amphithéâtre qui monte de la rivière à Plassans […] cascade gigantesque sur laquelle coulaient les bleuâtres clartés de la lune ». Les métaphores de l'amphithéâtre et de la cascade font de ces murailles éclairées par les reflets de la lune, un magnifique mur de scène naturel. Mais, dans ce contexte nocturne et hivernal, c'est un spectacle assez effrayant, car il surgit dans la « paix morte et glacée de l'horizon ». D'autant plus effrayant d'ailleurs que l'apparition revêt un caractère inattendu puisqu'elle fait « irruption », compte tenu de la configuration du paysage, « au coude du chemin ». Cela contribue à l'effet de surprise, voire de peur qu'elle suscite. L'emploi de verbes appartenant au champ lexical de la vision confirme l'aspect inattendu du spectacle : « les derniers bataillons apparurent » ou encore « au coude du chemin se montraient de nouvelles masses noires » : le passé simple du verbe « apparaître » traduit la soudaineté de la vision tandis que l'emploi pronominal du verbe « se montrer », à l'imparfait duratif, souligne le caractère ostensible du défilé. C'est aussi bien sûr le nombre des insurgés qui est impressionnant, « grandiose », ce que traduisent bien les pluriels et les expressions hyperboliques qui les désignent : « quelques milliers d'hommes » formant une « bande », nom singulier mais collectif répété plus loin, dont la polysémie souligne à la fois le caractère peu organisé du groupe mais aussi sa configuration de colonne remplissant la route qui descend au milieu des coteaux. C'est aussi une masse compacte, ce que traduit bien l'expression de « masses noires », noires tellement les individus qui la composent sont serrés. C'est également une masse en mouvement, comme le soulignent les verbes « descendre », « rouler », le nom « l'élan », et qui semble déferler de manière irrésistible : « la route, devenue torrent, roulait des flots vivants qui semblaient ne pas devoir s'épuiser ». La métaphore du torrent et l'hyperbole insistent bien sur ce déferlement ininterrompu tout comme l'expression « toujours […] de nouvelles masses noires » où l'adverbe « toujours » et l'adjectif « nouvelles » signifient qu'elles se succèdent indéfiniment. Ce spectacle impressionnant du peuple en mouvement représente symboliquement la République en marche.

Mais le narrateur, inspiré par l'ampleur du cadre et de la foule en marche qui l'envahit, glisse d'une vision réaliste à une vision épique.

B. Une vision épique

Le déferlement de la colonne des insurgés prend des allures de cataclysme naturel qui fait penser à une crue torrentielle d'une grande violence, comme le montre bien la métaphore filée du torrent : « la route, devenue torrent, roulait des flots vivants », à laquelle vient s'associer la métaphore filée de la tempête, de l'orage : « […] toujours se montraient de nouvelles masses noires, dont les chants enflaient de plus en plus la grande voix de cette tempête humaine. » Les masses noires figurent les nuages sombres, tandis que le chant de la Marseillaise « grande voix » qui « emplit le ciel », fait penser au grondement du tonnerre accompagné d'une sorte de coup de foudre : « il y eut un éclat assourdissant ». La puissance sonore de cette tempête va d'ailleurs crescendo à mesure que de « nouvelles masses » font leur apparition, ce que soulignent le verbe « enflaient » et la locution adverbiale « de plus en plus » qui marque son amplification. Elle finit même par créer une atmosphère d'apocalypse avec les « bouches géantes » qui soufflent la Marseillaise « dans de monstrueuses trompettes qui la jetaient, vibrante, avec une sécheresse de cuivre, à tous les coins de la vallée ». Ces « monstrueuses trompettes » ne sont pas sans évoquer les trompettes de la colère divine au livre de l'Apocalypse de la Bible, censées annoncer la fin du monde et le Jugement dernier tandis que l'inflation verbale due aux nombreuses hyperboles contribue à ce climat paroxystique. Les allures guerrières et déjà menaçantes de la « petite armée » d'insurgés et de ses « bataillons » prêts à se battre, prennent ainsi une autre dimension beaucoup plus inquiétante : la colère qui les anime ici est assimilée à celle de la nature, voire à la colère divine qui retentit avec force comme un avertissement pour le pouvoir abusif qui a imposé le coup d'État.

Mais la puissance de ce soulèvement va aussi être amplifiée et magnifiée par la contribution de la nature, réveillée par cette tonitruante irruption.

II. La nature complice vient joindre sa voix à celle des insurgés pour composer une symphonie fantastique et héroïque

A- La complicité de la nature

Face à cette irruption, le milieu naturel va s'animer, sortir de son sommeil comme en témoignent les personnifications qui construisent une ample métaphore filée : « Et la campagne endormie s'éveilla en sursaut ; elle frissonna tout entière […] ». Et celle-ci va ajouter sa voix au chœur des insurgés en « répétant par tous ses échos les notes ardentes du chant national » qui retentissent « jusqu'aux entrailles » de la Terre. L'expression hyperbolique, associée aux pluriels, l'adjectif « ardentes », traduisent bien la ferveur unanime et l'enthousiasme de la nature métamorphosée en foule, comme le souligne la comparaison avec des « voix humaines ». C'est en effet la campagne entière qui semble convoquée à travers la longue énumération des éléments qui la composent : « Des bouts de l'horizon, des rochers lointains, des pièces de terre labourées, des prairies, des bouquets d'arbres, des moindres broussailles semblèrent sortir des voix humaines. » Les pluriels augmentatifs contribuent également à donner de l'ampleur à cette évocation de la nature et au chœur qu'elle constitue. Celle-ci va de fait former un vaste ensemble choral en venant joindre sa voix et le son de ses instruments aux chants des insurgés pour composer une véritable symphonie qui prend une dimension fantastique avec l'animation des éléments naturels. Au timbre plutôt tonitruant et martial des « trompettes » viennent s'ajouter les vibrations plus sourdes du tambour comme le laisse entendre la comparaison « ainsi qu'un tambour que frappent les baguettes », ce qui peut se comprendre du fait que la vallée sert ici de caisse de résonance. Du coup « l'amphithéâtre » devient la scène de cet immense orchestre et semble aussi rassembler une foule de spectateurs enthousiastes formant un « peuple invisible et innombrable acclamant les insurgés ».

B- La Marseillaise, le « chant du monde » de la colère

La Marseillaise, chant révolutionnaire devenu hymne national des républicains, envahit l'espace comme il domine le texte avec un réseau lexical assez riche de la répétition et des jeux d'échos sonores. Tout d'abord, ce sont les « chants » des insurgés qui sont répétés par la nature tout entière, par « tous ses échos », si bien qu'elle « emplit le ciel », « semble sortir », « des bouts de l'horizon » comme de tous les coins de « la campagne ». C'est ensuite « chaque refrain » qui est repris par « les trous de ténèbres » où « des hommes » paraissent « cachés » et finit par rouler en « ondes sonores ». Les verbes « répéter » et « reprendre », déjà synonymes par le sens, se font eux-mêmes écho avec la répétition du préfixe re- et des sons consonantiques [r] et [p], tandis que le terme « refrain », préféré à « couplet », insiste bien sur l'idée de reprise, d'autant qu'il est appuyé par le déterminant « chaque

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