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Le libre échange permet-il aux pays en développement de rattraper les pays développés ?

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Par   •  11 Janvier 2016  •  Dissertation  •  3 365 Mots (14 Pages)  •  1 267 Vues

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Le libre échange permet-il aux pays en développement de rattraper les pays développés ?

La théorie libérale, qui, depuis une trentaine d'années connaît un renouveau, tend à faire de l'adoption du libre-échange un facteur déterminant de la croissance des pays en développement (PED), leur permettant de rattraper, sur longue période, les pays développés. Cette position peut être contestée.

  1. Le rattrapage des pays développés par les PED est discuté
  1. L'écart se creuse entre pays développés et PED mais ce constat doit être nuancé

Selon une étude conduite, pour la Banque mondiale, par Christian Morrisson et François Bourguignon (2000), les inégalités entre les pays, appréhendées par l'écart entre les revenus par habitant, se sont accrues depuis 2 siècles. Dans son rapport annuel sur le développement humain de 1999, le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) montre que le PIB moyen par habitant du pays le plus riche représentait presque 3 fois celui du pays le plus pauvre en 1820 et environ 70 fois au début des années 90.

Malgré leurs limites méthodologiques, ces études révèlent une tendance lourde, qui doit être cependant tempérée : selon le PNUD, « ces tendances ne doivent pas masquer le fait que de nombreux pays rejoignent le peloton des plus avancés ». Taiwan et la Corée du Sud, par exemple, ont opéré un rattrapage spectaculaire depuis 1950; la Chine et l'Inde en font autant depuis la fin des années 70...

Dans un article publié par la Banque mondiale en 2001, les Américains David Dollar et Aart Kraay montrent que les PED ayant le plus accru leur taux d'ouverture (moyenne des importations et des exportations en pourcentage du PIB) depuis les années 70 (ces pays représentent la moitié de la population mondiale) ont connu un taux de croissance de leur PIB par habitant supérieur à celui des pays développés alors que les autres PED ont connu une croissance plus faible.

Dollar et Kraay soulignent que l'inégalité entre les pays se réduit du fait notamment du rattrapage opéré par l'Inde et la Chine qui à elles deux représentent 40 % de la population mondiale : « On peut considérer qu'une grande partie de la diminution de l'inégalité entre pays tient à la rapide croissance des [PED] mondialisateurs. Chine et Inde surtout, qui ont un poids substantiel dans les calculs en raison de la vaste taille de leur économie. »

  1. L'ouverture ne bénéficie pas à tous les PED, en particulier aux plus pauvres d'entre eux

En excluant la Chine des observations statistiques, la perception de l'évolution des inégalités de revenus entre pays change : une étude de Centre d'études prospectives et d'informations internationales (CEPII) montre qu'alors les inégalités entre pays s'accroissent. La même étude (Lettre du CEPII, n° 205, octobre 2001) conclut que, « sur plus de 30 ans, les pays qui ont convergé [vers le revenu par habitant des pays riches] ne sont pas systématiquement les pays les plus ouverts ». D'autre part, si les PED plus ouverts tendent à connaître une croissance de leur revenu par habitant plus élevée que celle des pays fermés, l'insertion semble davantage profitable aux PED à revenu intermédiaire (selon la Banque mondiale, le revenu par habitant est dans ce cas compris entre 756 dollars et 9265 dollars par an, en 2000) qu'aux PED à faible revenu (revenu par habitant inférieur ou égal à 755 dollars par an). Ce constat donne à penser que les bienfaits du libre-échange ne pourraient intervenir qu'à partir d'un seuil minimal de revenu par habitant.

Une analyse plus fine montre que l'écart se réduit surtout entre pays à revenu intermédiaire inférieur (compris entre 756 dollars et 2 995 dollars en 2000) et pays à revenu élevé (supérieur à 9265 dollars en 2000). En revanche, l'écart s'est creusé entre les pays à revenu élevé et les pays à revenu faible (dont ceux d'Afrique subsaharienne) et entre les pays à revenu intermédiaire et les pays à revenu faible mais de manière plus irrégulière .

Si le rattrapage des pays développés par les PED est discutable, une autre éventualité peut être envisagée à la lumière de certaines études empirique : dans l'économie mondiale, coexisteraient des « clubs de convergence », c'est-à-dire des ensembles de pays au sein desquels les moins avancés rattrapent les plus favorisés, mais ces « clubs » ne convergent pas eux-mêmes, perpétuant les inégalités entre groupes de pays. Toutefois, ces constats sont encore trop fragiles pour qu'ils soient totalement incontestables.

  1. Les effets du libre-échange sur l'évolution des inégalités entre pays sont incertains
  1. Sur le plan théorique, les effets du libre-échange sur les inégalités entre pays sont ambigus

Pour Ricardo, la spécialisation des pays sur la base de leurs avantages comparatifs induit la croissance du revenu réel mondial. Dans ses Principes d'économie politique (1848), John Stuart Mill retient que « les pays qui font avec le plus d'avantages le commerce extérieur sont ceux dont les produits sont les plus demandés à l'étranger et qui demandent eux-mêmes le moins de produits à l'étranger ». Or, toute exportation par les pays pauvres répond à une forte demande des pays riches tandis que toute exportation des pays riches répond à une faible demande des pays pauvres. Il s'ensuit que les termes de l'échange (rapport des prix à l'exportation sur les prix à l'importation) s'élèvent dans les pays les moins avancés qui devraient de ce fait bénéficier davantage du commerce international et ainsi rattraper les pays plus avancés.

Les thèses d'Heckscher et d'Ohlin, formalisées par Samuelson en 1948 (théorème HOS), font du libre-échange un facteur de convergence mondial de la rémunération des facteurs de production. Dès lors, le revenu par habitant des PED devrait rattraper celui des pays développés.

Ces théories ont été contestées. Ainsi, les auteurs d'obédience marxiste considèrent le libre-échange comme un moyen pour les nations les plus développées (plus exactement pour leur bourgeoisie dominante) d'imposer leur suprématie aux autres nations ; les pays les plus pauvres ne pourront donc pas rattraper les pays les plus riches.

Pour les auteurs promouvant un protectionnisme éducateur, le libre-échange ne permet pas aux pays industriellement en retard de rattraper les plus avancés. Ainsi, pour List, le libre-échange n'est envisageable qu'entre nations parvenues à un haut niveau de développement industriel. A contrario, s'il était pratiqué entre nations à niveaux de développement différents, il profiterait davantage aux pays les plus industrialisés qui accroîtraient de ce fait leur avance.

Les nouvelles théories du commerce international retiennent également cette éventualité lorsqu'elles promeuvent les politiques commerciales stratégiques. D'autres approches permettent de montrer que le libre-échange comme le protectionnisme pourraient contribuer à la convergence des nations : ainsi, les échanges intra branches, différenciés verticalement par le niveau de gamme des produits échangés, sont de nature à stimuler la croissance des pays exportateurs de biens de bas de gamme: ces pays, par effet d'apprentissage, pourraient, à l'abri de barrières douanières ou non, faire progressivement évoluer leur spécialisation vers des productions de haut de gamme mais différenciées horizontalement (par exemple, par la marque) par rapport à leurs partenaires commerciaux.

  1. Les effets du libre-échange sur les inégalités entre pays sont discutés sur le plan des faits

Dans un article publié en 1999, Dani Rodrik et Francisco Rodriguez remettent en cause les études tendant à prouver que le libre-échange est systématiquement favorable à une croissance plus forte et contribue au rattrapage des pays développés par les PED. Pour autant, ces auteurs s'interdisent de conclure que le protectionnisme est favorable à la croissance économique. Leur ambition est en fait de pointer un certain nombre de biais méthodologiques qui fragilisent les conclusions d'analyses qui, comme celles de Dollar et Kraay (f. supra), établissent les effets positifs du libre-échange. Par exemple, ces études attribuent la faible croissance de certains PED à la libéralisation insuffisante de leur commerce extérieur alors qu'il s'agit plus souvent de la conséquence de politiques macroéconomiques inadaptées (notamment, surévaluation du taux de change), d'infrastructures insuffisamment développées, d'institutions inefficientes (droit de la propriété inadéquat, corruption généralisée...).

Sans reprendre les arguments mis en avant par Rodrik et Rodriguez, les exemples qui suivent montrent que la vérification empirique des effets positifs du libre-échange se heurte à d'importantes limites. Ainsi, constater que la hausse du taux d'ouverture est corrélée à une croissance plus forte ne permet pas de conclure que le libre-échange a un effet positif sur la croissance :

  • Il est possible que ce soit l'accélération de la croissance qui incite les pouvoirs publics à libéraliser leur commerce extérieur, comme le soutient l'historien et économiste belge Paul Bairoch à propos de la période de libre-échangisme des années 1840-1870 correspondant à une phase A (croissance) d'un cycle Kondratiev. Dans cette perspective, la libéralisation du commerce extérieur suit, et non pas précède, l'accélération de la croissance.
  • L'accélération de la croissance économique stimule les importations d'intrants (matières premières, machines); de plus, les économies d'échelle que peut permettre l'accroissement de la production réduisent les coûts unitaires, dopant les exportations. La hausse concomitante des importations et des exportations peut alors faire croître le taux d'ouverture, qui apparaît dans ce cas comme une conséquence de la croissance et non une cause.
  • L'accroissement du taux d'ouverture peut intervenir sans que les politiques commerciales soient libéralisées et, quand elles le sont, rien n'assure que la hausse du taux d'ouverture en découle. Par exemple, au début du XXe siècle, le taux d'ouverture des principaux pays actuellement développés augmentait et pourtant leurs politiques commerciales étaient protectionnistes ; il est notamment possible que la baisse des coûts de transport ait stimulé les exportations comme les importations malgré des tarifs douaniers élevés. Une récente enquête de l'Américain Andrew Rose (2001) donne à penser qu'il n'y a pas de relation systématique de cause à effet entre libéralisation des échanges commerciaux internationaux et taux d'ouverture. Cet auteur montre que les règles du General Agreement on Tariffs and Trade (GATT), institué en 1947 et plusieurs fois amendé notamment en 1994 lorsque fut décidée la création de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), contribuent à la libéralisation du commerce international. Pour certains pays, le taux d'ouverture augmente dès qu'ils signent cet accord (Argentine, Gabon, Autriche, Suisse...); dans d'autres cas, le taux d'ouverture baisse (Botswana, Zambie, Venezuela...); pour un troisième groupe de pays, le taux d'ouverture ne varie pas significativement (Japon, Danemark, Islande, Maroc...).

- L'observation des faits ne permet pas toujours de déterminer avec précision les phases de libre-échange et celles de protectionnisme ; dès lors, évaluer l'impact des politiques commerciales (qu'elles soient libre-échangistes ou protectionnistes) sur la croissance est hasardeux. Par exemple, en France, la baisse du prélèvement douanier moyen en pourcentage des importations intervient bien avant 1860, qui, traditionnellement, marque le début de la phase libre-échangiste; Taiwan et la Corée du Sud ont opté depuis les années 70 pour une stratégie d'insertion dans le commerce mondial en protégeant certains secteurs sensibles et en accordant à certaines firmes des subventions à l'exportation, tout en libéralisant le commerce des biens de consommation courante (cf. encadré infra). Cette stratégie, dont les effets sur la croissance ont été positifs, est-elle libre-échangiste ou protectionniste ?

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