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r à un monde dans lequel la satisfaction se ferait sans intermédiaire (c’est pour cela qu’il fait appel au concept de jouissance), donc sans travail.

Les siècles suivants seront l’illustration de la clairvoyance de Descartes : les trois siècles qui nous séparent de lui seront en effet ceux au cours desquels l’humanité va peu à peu comprendre de mieux en mieux le monde dans lequel elle vit, ce qui va lui permettre de le maîtriser par l’intermédiaire de ces objets techniques particuliers que sont les machines. Apres des millénaires de contrainte vis-à-vis de la nature, enfin l’homme pouvait confier une partie des ses activités à ces mécanismes automatiques et simultanément mener une vie moins fatigante, tout en acquérant une puissance qu’il n’avait jusque là jamais eu la possibilité de développer.

C’est ainsi que le monde va découvrir les machines, que celles-ci vont être installées dans chaque ville, chaque village (horloges, machines agricoles) pour entrer peu à peu dans chaque foyer jusqu’à ce que chacun sorte, chaque matin de chez lui, équipé d’un grand nombre de ces machines. Téléphones, lecteur mp3, nos poches sont remplies de ces sortes d’équipements, et plus largement, nos journées sont amplement tributaires d’une véritable armée de mécanismes qui effectuent à notre place les tâches pénibles. Ajoutons qu’il s’agit là d’une réalité mondiale : la machine est sans doute l’aspect de la vie occidentale qui a le plus envahi l’humanité. Moyens de communication, engins de transport, aides domestiques, matériel industriel, etc. Il n’y a pas un lieu sur terre où on ne croise pas ces équipements qui libèrent l’homme de la condamnation au travail.

C’est peut être précisément là qu’on peut voir apparaitre la crainte des machines. En effet, on vient de le voir, la machine est au service de l’homme. Mais force est de constater qu’elle est devenue si indispensable, qu’elle prend une telle place que Descartes lui-même aurait sans doute un mouvement de recul en découvrant soudainement le fruit de sa propre théorie. Au-delà du bénéfice que l’humanité tire des machines, on doit donc aussi envisager les raisons pour lesquelles peu à peu va apparaître une réticence face à leur développement.

Tout d’abord, il faut reconnaître que si la puissance des machines augmente avec le progrès des connaissances, cela ne garantit par pour autant que les hommes eux-mêmes gagnent en bien être. En effet, cette puissance peut être mise au service de nombreux projets, dont certains consistent précisément à asservir et faire souffrir d’autres hommes. Tout historien de la technique sait que les plus grands progrès ont souvent été conçus dans un cadre militaire, d’une part parce qu’aucune société ne peut se dispenser de développer une armée (ne serait ce que parce que les autres le font aussi), mais aussi parce que c’est un domaine dans lequel la recherche et le développement ne sont pas soumis aux mêmes exigences économiques que le reste de l’industrie. L’équipement militaire est donc un de ces domaines dans lesquels les machines apportent une efficacité telle que ceux qui en sont les victimes potentielles sont nécessairement amenés à les craindre.

Mais les craintes ne sont pas réservées aux machines ayant été créées dans l’objectif de faire souffrir d’autres hommes. En effet, même quand les motivations de création des machines sont neutres, elles peuvent avoir des effets non prévus qui suscitent forcément la crainte des incidents, même quand ceux-ci n’ont pas encore eu lieu. C’est un processus compréhensible : une machine n’est pas un outil : elle s’en différencie par son autonomie en matière de mouvement. Dès lors, là où l’outil se caractérise par le lien direct qu’il entretient avec le corps de l’homme, la machine se distingue par son aptitude à s’en détacher, voire même à s’y opposer. Puisque la machine dispose de sa propre source de mouvement, elle parait nécessairement plus dangereuse, car on la contrôle moins directement. Nombreux sont ceux qui analysent la technologie comme un processus qui doit nécessairement dépasser les aptitudes de l’homme lui-même à le maîtriser, comme si le progrès devait lui échapper, et ne plus être un progrès pour l’homme, mais une simple progression des performances des machines elles-mêmes. Si la technique n’a plus de sens humain, si les machines donnent l’impression d’échapper à l’homme, on peut comprendre que la crainte apparaisse à leur sujet.

La crainte peut d’autant plus émerger que l’homme peut sentir, plus ou moins confusément qu’il perd pied devant la machine. Cela peut aller d’impressions en fait fausses, telles que celle de se voir industriellement remplacé par les machines sur les chaines de production (en fait, si la classe ouvrière est touchée par un tel processus, les hommes sont toujours nécessaires quand il s’agit de concevoir, produire et entretenir les machines) jusqu’à des analyses plus profondes qui conduisent au constat que le progrès technique ne sert que certains, et que d’autres non seulement ne bénéficient pas de ce progrès, mais pire encore, sont amenés à en souffrir. Les machines ne sont pas seules en cause, mais elles deviennent la figure d’un monde globalement technicisé, irrigué par des réseaux semblant échapper à tout contrôle. C’est ce type de crainte que la science fiction illustre le plus souvent à travers des fictions dans lesquelles des machines (souvent les fameux robots auxquels on se référait en introduction) prennent le pouvoir sur l’homme et le réduisent en esclavage. La réalité vécue est loin d’être aussi spectaculaire, au sens où les hommes ne sont pas réduits en esclavage par des robots, mais plus généralement certains peuvent avoir le sentiment d’être contraints par un système technique, industriel, économique même qui ne vise plus le bien être des individus mais une efficacité maximale dans la production et la consommation des biens produits, ce qui peut aller jusqu’au contrôle des consommateurs eux-mêmes.

On comprend mieux, dès lors, pourquoi au-delà des fantasmes provoqués par des films catastrophe, on peut craindre les machines. Maintenant, la question demeure de savoir s’il faut les craindre. En effet, si la crainte est un sentiment compréhensible, il n’est cependant pas évident qu’il doive être adopté et qu’on puisse en faire une norme. D’une part, on ne peut pas imaginer l’humanité fuyant les machines, et d’autre part, face à un danger, il n’est pas évident que la crainte soit le meilleur comportement.

Tout d’abord, craintes ou pas, les machines encadrent et accompagnent l’être humain. Il est illusoire de les voir disparaître sans accompagner avec elles l’homme lui-même. Il ne s’agit pas de tenir un discours simpliste selon lequel l’homme aurait tout oublié parce que les machines feraient tout à leur place (par exemple, certains soutiennent que les calculatrices ont pour effet secondaire de faire oublier le calcul aux mathématiciens qui les utilisent). Dès lors, si la crainte doit avoir pour visée d’éviter les machines, c’est peine perdue. Tout comme la xénophobie est tout à fait inutile dans la mesure où l’homme ne peut pas vivre seulement avec ses semblables, la technophobie est inefficace dans la mesure où elle ne pourra pas faire que les machines disparaissent. Si la crainte consiste à éviter l’objet craint, alors le rapport aux machines ne peut que devenir une phobie puisqu’elles sont nécessairement partout. On peut certes tenter, soi même, d’y échapper le plus possible, mais ce genre de fuite prend généralement fin quand on a besoin d’un pacemaker, d’utiliser un quelconque moyen de transport ou de communication. La phobie des machines serait de plus tout à fait localisée : si une personne peut éviter le contact avec les machines, elle ne peut en revanche que très difficilement éviter les produits des machines elles même, sauf à vouloir se retirer tout à fait de l’humanité.

Cependant, on peut envisager la crainte non pas comme une fuite, mais comme un principe régulateur. C’est d’ailleurs là le sens du terme utilisé en début de réflexion : redouter, c’est ne pas faire confiance a priori, faire preuve de méfiance face à un type d’objet qui se caractérise par sa puissance toujours grandissante. Quand on manie de telles puissances, on peut considérer que la prudence réclame justement cette méfiance scrupuleuse qui veut qu’on ne mette en route la machine que lorsqu’on est tout à fait certain de prévoir le résultat de son action. En ce sens, l’histoire du développement technique est le récit de la suite des imprudences de l’homme. L’aventure qui débouchera sur la première expérience d’explosion nucléaire, quelques mois avant que l’Enola Gay lâche Little Boy dans le ciel ensoleillé d’Hiroshima. On sait que la première expérience fut effectuée sans savoir ce qu’elle aurait pour résultat et pour connaissance. On sait aussi que pendant des années on irradiera des soldats volontairement, pour voir quels en seraient les effets secondaires. Face à une technique qui se développe de cette manière, il semble non seulement justifié d’être dans la crainte, mais on pourrait même dire que c’est salutaire. C’est la thèse que développera Hans Jonas dans son livre Une éthique pour la nature : « Le danger qui nous menace actuellement vient il encore du dehors ? Provient-il de l’élément sauvage que nous devons maîtriser grâce aux formations artificielles de la culture ? C’est encore parfois le cas, mais un flot nouveau et plus dangereux se déchaine

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