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Histoire D Un Bon Bramin Voltaire

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en peine que ceux qui me font cette question : je leur dis quelquefois que tout est le mieux du monde; mais ceux qui ont été ruinés et mutilés à la guerre n'en croient rien, ni moi non plus; je me retire chez moi accablé de - ma curiosité et de mon ignorance. Je lis nos anciens livres, et ils redoublent mes ténèbres. je parle à mes compagnons : les uns me répondent qu'il faut jouir de la vie, et se moquer des hommes; les autres croient savoir quelque chose, et se perdent dans des idées extravagantes; tout augmente le sentiment douloureux que j'éprouve. Je suis prêt quelquefois de tomber dans le désespoir, quand je songe qu'après toutes mes recherches je ne sais ni d'où je viens, ni ce que je suis ni où j'irai, ni ce que je deviendrai. »

L'état de ce bon homme me fit une vraie peine : personne n'était ni plus raisonnable ni de meilleure foi que lui. Je conçus que plus il avait de lumières dans son entendement et de sensibilité dans son coeur, plus il était malheureux.

Je vis le même jour la vieille femme qui demeurait dans son voisinage : je lui demandai si elle avait jamais été affligée de ne savoir pas comment son âme était faite. Elle ne comprit seulement pas ma question : elle n'avait jamais réfléchi un seul moment de sa vie sur un seul des points qui tourmentaient le bramin; elle croyait aux métamorphoses de Vitsnou de tout son coeur, et pourvu qu'elle pût avoir quelquefois de l'eau du Gange pour se laver, elle se croyait la plus heureuse des femmes.

Frappé du bonheur de cette pauvre créature, je revins à mon philosophe, et je lui dis : « N'êtes-vous pas honteux d'être malheureux, dans le temps qu'à votre porte il y a un vieil automate qui ne pense à rien, et qui vit content ? - Vous avez raison, me répondit-il ; je me suis dit cent fois que je serais heureux si j'étais aussi sot que ma voisine, et cependant je ne voudrais pas d'un tel bonheur.»

Cette réponse de mon bramin me fit une plus grande impression que tout le reste; je m'examinai moi-même, et je vis qu'en effet je n'aurais pas voulu être heureux à condition d'être imbécile.

Je proposai la chose à des philosophes, et ils furent de mon avis. « Il y a pourtant, disais-je, une furieuse contradiction dans cette façon de penser : car enfin de quoi s'agit-il ? D'être heureux. Qu'importe d'avoir de l'esprit ou d'être sot? Il y a bien plus : ceux qui sont contents de leur être sont bien sûrs d'être contents; ceux qui raisonnent ne sont pas si sûrs de bien raisonner. Il est donc clair, disais-je, qu'il faudrait choisir de n'avoir pas le sens commun, pour peu que ce sens commun contribue à notre mal-être. » Tout le monde fut de mon avis, et cependant je ne trouvai personne qui voulût accepter le marché de devenir imbécile pour devenir content. De là je conclus que, si nous faisons cas du bonheur, nous faisons encore plus de cas de la raison.

Mais, après y avoir réfléchi, il paraît que de préférer la raison à la félicité, c'est être très insensé. Comment donc cette contradiction peut-elle s'expliquer ? Comme toutes les autres. Il y a là de quoi parler beaucoup.

Histoire d’un bon bramin, Voltaire (1759)

Plan rapide du commentaire sur « Histoire d’un bon bramin »

Introduction : conte philosophique, il soulève la question du « bonheur » et sur la manière de l’appréhender.

L’apologue confronte plusieurs personnages dans une situation de dialogue au terme de laquelle l’auteur conclut.

I) Un apologue à l’allure de parabole.

1) Une situation fictive et symbolique.

- Cadre spatio-temporel marqué par l’éloignement. Evocation d’un cadre oriental de convention: l’eau du

Gange. Temporalité non déterminée : dans mes voyages, le même jour. Pas de réalisme marqué

- Situation narrative simplifiée : description sommaire du cadre de la rencontre : jardins charmants, près de

sa maison. Puis la scène évolue vers un dialogue (style plutôt direct pour le bramin, plutôt indirect pour

l’indienne, les deux pour le narrateur.

- Présence des temps du récit (passés simples et imparfait pour le discours narratif, présent d’énonciation ou

d’habitude pour les passage dialogués)

2) Des personnages emblématiques

- Un narrateur- personnage (je). Peu d’informations sur lui : il est voyageur , intéressé par les autres

cultures, il fréquente les philosophes, et n’hésite pas à raisonner lui-même : il est donc clair, disais-je, mon

avis, De là je conclus, après avoir réfléchi. Bref, un homme que ressemble à Voltaire sans être lui.

- Un bramin : présenté comme un philosophe (sage, j’étudie depuis 40 ans, il avait [des] lumières), il

enseigne (lexique de la pédagogie : j’enseigne aux autres, on me pose des questions, etc. C’est aussi un

religieux éclairé (mon révérend , fait référence aux dieux hindous). Enfin c’est un épicurien : riche, trois

belles femmes (+ tout le lexique mélioratif qui lui est associé, les superlatifs) : il ressemble à Voltaire sur

certains points.

- Une vieille indienne : l’antithèse du bramin. Enumération de ses limites (bigote imbécile et assez pauvre)

et définie par périphrase comme une pauvre créature.. Nombreuses négations liées à son intellect (ne

comprit pas ma question, n’avait jamais réfléchi) et soumise aux superstitions (anaphore d’elle croyait).

Elle vit chichement. Elle représente un esprit simple, en contact avec la nature (l’eau… se laver).

II) Une réflexion sur les moyens d’accéder au bonheur

1) Une réflexion sur le paradoxe lié au savoir et à la connaissance

- Le bramin exprime dans sa longue tirade son malheur : le registre lyrique souligne sa souffrance intérieure

(lexique de la plainte avec notamment accablé, sentiment douloureux, désespoir…je voudrais n’être

jamais né).

- L’origine du mal : la paradoxe de la connaissance (elle engendre la conscience de l’ignorance). Il multiplie

les antithèses : j’enseigne les autres, et j’ignore tout ; entre deux éternités… nulle idée de l’éternité ; je lis

nos

...

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