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Kjqbhfjklqbz

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tête sur un plat. Il la donna à la jeune fille, et la jeune fille la donna à sa mère.

Les disciples de Jean, ayant appris cela, vinrent prendre son corps, et le mirent dans un sépulcre.

MARC, Les Evangiles, VI, 21-29. Ier siècle après J-C. (Traduction de Louis SEGOND, 1910).

B.

[Hérodias est une nouvelle composée de trois chapitres, publiée avec deux autres nouvelles, Un Cœur simple, et La Légende de Saint-Julien l’Hospitalier, sous le titre Trois Contes. C’est la dernière œuvre de Flaubert, chef de file du mouvement du Réalisme, qui sur la fin de sa vie découvre les influences orientales, le mysticisme et le symbolisme qui se développent à la fin du XIXème siècle. Le titre, Hérodias, donne à Salomé le nom de sa mère ; cette confusion entre la mère et la fille, assez fréquente chez les auteurs, est suggérée dès les Evangiles]

Mais il arriva du fond de la salle un bourdonnement de surprise et d’admiration. Une jeune fille venait d’entrer.

Sous un voile bleuâtre lui cachant la poitrine et la tête, on distinguait les arcs de ses yeux, les calcédoines(1) de ses oreilles, la blancheur de sa peau. Un carré de soie gorge-de-pigeon(2), en couvrant les épaules, tenait aux reins par une ceinture d’orfèvrerie. Ses caleçons noirs étaient semés de mandragores(3), et d’une manière indolente elle faisait claquer de petites pantoufles de colibri(4).

Sur le haut de l’estrade, elle retira son voile. C’était Hérodias, comme autrefois dans sa jeunesse. Puis elle se mit à danser.

Ses pieds passaient l’un devant l’autre, au rythme de la flûte et d’une paire de crotales(5). Ses bras arrondis appelaient quelqu’un, qui s’enfuyait toujours. Elle le poursuivait, plus légère qu’un papillon, comme une Psyché(6) curieuse, comme une âme vagabonde et semblait prête à s’envoler.

Les sons funèbres de la gingras(7) remplacèrent les crotales. L’accablement avait suivi l’espoir. Ses attitudes exprimaient des soupirs, et toute sa personne une telle langueur qu’on ne savait pas si elle pleurait un dieu, ou se mourait dans sa caresse. Les paupières entre-closes, elle se tordait la taille, balançait son ventre avec des ondulations de houle, faisait trembler ses deux seins, et son visage demeurait immobile, et ses pieds n’arrêtaient pas. […]

Puis ce fut l’emportement de l’amour qui veut être assouvi. Elle dansa comme les prêtresses des Indes, comme les Nubiennes des cataractes(8), comme les bacchantes de Lydie(9). Elle se renversait de tous les côtés, pareille à une fleur que la tempête agite. Les brillants de ses oreilles sautaient, l’étoffe de son dos chatoyait ; de ses bras, de ses pieds, de ses vêtements jaillissaient d’invisibles étincelles qui enflammait les hommes. Une harpe chanta ; la multitude y répondit par des acclamations. Sans fléchir ses genoux en écartant les jambes, elle se courba si bien que son menton frôlait le plancher ; et les nomades habitués à l’abstinence, les soldats de Rome experts en débauches, […] les vieux prêtres aigris par les disputes, tous, dilatant leurs narines, palpitaient de convoitise.

Ensuite elle tourna autour de la table d’Antipas, frénétiquement, comme le rhombe(10) des sorcières ; et d’une voix que des sanglots de volupté entrecoupaient, il lui disait : « Viens ! viens ! » Elle tournait toujours ; les tympanons(11) sonnaient à éclater, la foule hurlait. Mais le Tétrarque(12) criait plus fort : « Viens ! viens ! Tu auras Capharnaum ! la plaine de Tibérias ! mes citadelles ! la moitié de mon royaume ! »

Gustave FLAUBERT, Hérodias, chapitre 3. 1877.

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1) calcédoines : pierres semi-précieuses, de couleurs variées.

2) gorge-de-pigeon : couleur gris clair.

3) mandragores : plantes auxquelles la tradition orientale prêtait des pouvoirs magiques.

4) colibri : oiseau minuscule des régions tropicales.

5) Crotales : sorte de castagnettes de la Grèce antique et des pays orientaux.

6) une Psyché : Psyché est un personnage mythologique : elle est persécutée par Aphrodite jalouse de sa beauté, et aimée par Cupidon. Psyché est le symbole de l’âme humaine purifiée par les malheurs et appelée à l’amour et au bonheur spirituels.

7) gingras : flûte orientale utilisée pendant les cérémonies funéraires.

8) les Nubiennes des cataractes : La Nubie est une région désertique, entre l’Egypte et le Soudan, réputée pour ses chutes d’eau vertigineuses, dont la population est mal connue au XIXème..

(9) les bacchantes de Lydie : prêtresse de Bacchus, dieu du vin et de la démesure (Dionysos). Dans l’Antiquité, la Lydie est une région du bassin méditerranéen.

(10) le rhombe : Instrument de musique oriental, rituel, auquel on prêtait des pouvoirs magiques, formé d’une lame de bois attachée à une cordelette, que l’on faisait vibrer par tournoiement.

(11) les tympanons : Instrument de musique oriental dont on joue en frappant les cordes avec deux petits maillets.

(12) le Tétrarque : Gouverneur. Titre d’Hérode Antipas.

C.

[Dans le roman A Rebours, le personnage principal, Des Esseintes, est un esthète passionné d’art et un excentrique qui se démarque des hommes ordinaires. Il admire particulièrement la peinture de Gustave Moreau, dont le tableau intitulé L’Apparition, qu’il contemple ici.]

Dans l’odeur perverse des parfums, dans l’atmosphère surchauffée de cette église, Salomé, le bras gauche étendu, en un geste de commandement, le bras droit replié, tenant, à la hauteur du visage, un grand lotus, s’avance lentement sur les points, aux accords d’une guitare dont une femme accroupie pince les cordes.

La face recueillie, solennelle, presque auguste, elle commence la lubrique danse qui doit réveiller les sens assoupis du vieil Hérode ; ses seins ondulent et, au frottement de ses colliers qui tourbillonnent, leurs bouts se dressent ; sur la moiteur de sa peau les diamants, attachés, scintillent ; ses bracelets, ses ceintures, ses bagues, crachent des étincelles ; sur sa robe triomphale, couturée de perles, ramagée d’argent, lamée d’or, la cuirasse des orfèvreries dont chaque maille est une pierre, entre en combustion, croise des serpenteaux de feu, grouille sur la chair mate, sur la peau rose thé, ainsi que des insectes splendides aux élytres éblouissantes, marbrés de carmin, ponctués de jaune aurore, diaprés de bleu d’acier, tigrés de vert paon.

Concentrée, les yeux fixes, semblable à une somnambule, elle ne voit ni le Tétrarque qui frémit, ni sa mère, la féroce Hérodias, qui la surveille, ni l’hermaphrodite ou l’eunuque(1) qui se tient, le sabre au poing, en bas du trône, une terrible figure, voilée jusqu’aux joues, et dont la mamelle de châtré pend, de même qu’une gourde, sous sa tunique bariolée d’orange.

Ce type de la Salomé(2), si hantant pour les artistes et pour les poètes(3), obsédait, depuis des années, des Esseintes. Combien de fois avait-il lu dans la vieille Bible de Pierre Variquet, traduite par les docteurs en théologie de l’université de Louvain, l’évangile de Saint-Mathieu qui raconte en de naïves et brèves phrases, la décollation du Précurseur(4) ; combien de fois avait-il rêvé, entre ces lignes :

« Au jour du festin de la Nativité d’Hérode, la fille d’Hérodias dansa et plut à Hérode.

Dont lui promit, avec serment, de lui donner tout ce qu’elle lui demanderait.

Elle donc, induite par sa mère, dit : Donne-moi, en un plat, la tête de Jean-Baptiste.

Et le roi fut marri(5), mais à cause du serment et de ceux qui étaient assis à table avec lui, il commanda qu’elle lui fût baillée(6).

Et envoya décapiter Jean, en la prison.

Et fut la tête d’icelui(7) apportée dans un plat et donné à la fille ; et elle la présenta à sa mère. »

Mais ni saint Mathieu, ni saint Marc, ni saint Luc, ni les autres évangélistes ne s’étendaient sur les charmes délirants, sur les actives dépravations de la danseuse. […]

Dans l’œuvre de Gustave Moreau, conçue en-dehors de toutes les données du Testament(8), des Esseintes voyait enfin réalisé cette Salomé, surhumaine et étrange qu’il avait rêvée.

J.K. HUYSMANS, A Rebours, 1884.

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(1) l’hermaphrodite ou l’eunuque : Des Esseintes hésite sur la manière de qualifier le garde bourreau.

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