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Le Prince Machiavel

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y affirme qu'un bon Prince doit être capable de manipuler l'opinion pour asseoir sa réputation. Enfin, la troisième et dernière partie, qui s'étend de la ligne 8 à la fin de l'extrait, expose l'idée que le Prince ne peut et ne doit réunir un ensemble de qualités s'il veut assurer la stabilité de l'Etat, et qu'il pourra par conséquent (mais en dernier recours) user de méthodes violentes.

Dans la première partie, Machiavel affirme que le Prince n'est pas tenu de réaliser les promesses qu'il avait faites au peuple, et justifie cette idée : pour lui, c'est parce que les hommes « sont méchants » qu'il n'est pas toujours nécessaire de tenir ses promesses. Comme il l'affirme dans le 3ème chapitre du 1er livre du Discours sur la 1ère décade de Tite-Live, les hommes ne sont bons que lorsque l'on les y force, « qu['ils] ne font le bien que forcément ». En ce sens, Machiavel rejoint la thèse de Hobbes selon laquelle « l'homme est un loup pour l'homme », ce qui fait état de la nature méchante de l'homme. Puisque les hommes « ne (...) tien[nent] point leur parole », il n'est pas utile pour le Prince de tenir la sienne. D'ailleurs, Machiavel reprend cette idée dans le chapitre XVII du Prince, lorsqu'il affirme que « le Prince qui s'est fondé seulement sur leurs paroles (celles des hommes), se trouve nu d'autres préparatifs, il est perdu. » Machiavel se base ainsi sur une anthropologie pessimiste pour justifier que le Prince n'adopte pas une conduite vertueuse. Le Prince n'est cependant pas à proprement parler immoral, mais au-dessus de la morale ordinaire du citoyen, puisque son devoir n'est pas d'observer une conduite digne d'un homme de bien, mais d'assurer la stabilité de l'Etat, ce qui le place au-dessus de la morale ordinaire.

Il est question dans la deuxième partie de paraître, autrement dit, de cacher au vulgaire les agissements qui seraient mal appréciés, en veillant à ne laisser ressortir que les actions ayant l'approbation du peuple, car la foule, peu éclairée, ne juge que par les apparences, et du fait de sa crédulité, il est aisé de la tromper : « les hommes jugent plus par leurs yeux que par leurs mains », comme Machiavel le dit dans ce chapitre 8 du Prince. En d'autres termes, il s'agit de manipuler l'opinion pour asseoir sa réputation, il faut paraître vertueux (ce qui est le principe même des campagnes électorales.) Cette affirmation s'incrit donc à l'opposé de la morale humaniste, contemporaine à Machiavel, qui s'inspirait des moralistes latins tels que Cicéron. Pour ces derniers, une bonne gestion de l'Etat était indissociable d'une conduite vertueuse, conforme à la morale, tandis que selon Machiavel, un Prince ne doit être prisonnier d'aucun principe hormis celui de réussir.

L'exemple le plus parlant retenu par Machiavel est celui de Cesar de Borgia. Celui-ci, revenant de campagne, entend rétablir la paix dans son pays « plein de larcins, de brigandages ». Il nomme Messire Rémy d'Orque ministre. Celui-ci parvient en effet à mettre fin à l'anarchie en instaurant une tyrannie, ce qui le fait détester de tous. Borgia fait donc exécuter son ministre, et paraît ainsi supprimer un tyran, alors qu'il l'avait lui-même fait monter au pouvoir. Cet exemple montre bien qu'il s'agit avant tout de paraître bon, en faisant à l'occasion prendre les mesures impopulaires par quelqu'un d'autre, en se réservant celles qui ont la faveur du peuple.

Machiavel compare ce talent de « simuler et de dissimuler » à la « nature du renard ». Il consacre une partie de ce chapitre VIII du Prince à expliquer pourquoi un bon Prince doit savoir « pratiquer la bête et l'homme ». Il entend par là qu' « il y a deux manière de combattre, l'une par les lois, l'autre par la force ». En effet, pour Machiavel, garder ou gagner le pouvoir est un combat. Il souligne que chacune des deux manières n'est pas suffisante, et pour maintenir l'Etat, que l'on ne peut avoir recours exclusivement à l'une des deux, sans quoi on ne saurait se prémunir contre tous les incidents de la « fortune » : combattre par les lois « bien souvent ne suffit pas », car plusieurs obstacles peuvent entraver le Prince. Machiavel décrit de façon imagée comment le Prince doit savoir adapter au besoin sa nature, et se comporter tantôt en « lion pour faire peur aux loups », tantôt en « renard pour connaître les filets ». Il entend donc par là que le Prince ne peut gouverner uniquement par des démonstrations de force, mais qu'il doit, lorsque cela est nécessaire, à savoir, lorsque la force des lois se montre insuffisante, faire preuve de ruse, qui se révèle parfois plus efficace que la force brute. D'ailleurs, Machiavel fait remarquer qu' « Achille et plusieurs autres de ces grands seigneurs du temps passé furent donnés à élever au centaure Chiron », entendant par là que les hommes doivent user à la fois de leur nature d'homme et de leur nature de bête.

Considérons maintenant la troisème et dernière partie du texte. Plusieurs idées s'y imbriquent : Machiavel affirme que le Prince ne peut et ne doit pas se comporter en « homme de bien », de part ses obligations en tant que chef d'Etat, qui diffèrent de celles d'un tel « homme de bien ». Par conséquent, il pourra faire usage de moyens allant à l'encontre de la morale. Il rappelle cependant que de telles méthodes doivent être justifiées par des impératifs urgents, qui sont commandés par ce qu'il appelle la « fortune ».

D'une part, Machiavel affirme qu'il est irréaliste d'imaginer qu'un Prince doive absolument réunir dans sa personne tout un ensemble de qualités. D'ailleurs, certains défauts peuvent être plus utiles que des qualités, ce sont les conséquences qui décideront s'il s'agit de défauts ou non. Machiavel exprime cette idée dans le Discours : « si le fait l'accuse, le résultat l'excuse. ». Penser que le Prince doive observer une conduite irréprochable lui semble inadéquat puisqu'il affirme que les hommes sont méchants, et qu'il est donc bien plus sage « de se faire craindre qu'aimer. » Pour Machiavel, on ne peut éviter totalement le mal, c'est pourquoi il faut choisir un moindre mal, puisque « l'ordre des choses humaines est tel qu'on ne puit jamais fuir un inconvénient sinon que pour en courir un autre ». Ainsi, si le Prince peut déroger à ses obligations en tant qu'homme, il ne peut toutefois déroger à ses obligations en tant que chef d'Etat, à savoir, assurer la stabilité de l'Etat. Machiavel justifie ainsi dans cette phrase l'amoralisme du Prince. La fin justifie les moyens, on ne fait pas de bonne politique avec de bons sentiments. Cet amoralisme s'inscrit donc en faux contre les convictions humanistes de son temps, et se caractérise par des décisions allant à l'encontre des exigences de la morale. Le Prince pourra « agir contre l'Humanité, contre la charité, contre la religion même. »

S'il affirme que le Prince ne peut et ne doit se conduire en homme de bien, Machiavel souligne malgré tout qu'un bon Prince ne doit pas faire un usage inapproprié de son pouvoir. Il n'est pas partisan d'un gouvernement brutal, il décrit au contraire un Etat flexible, opportuniste, n'ayant recours aux moyens brutaux qu'en cas de nécessité, tant qu'il le peut, ne « s'écart[ant] pas de la voie du bien ». On comprend bien que Machiavel réprouve un gouvernement violent. Il faut cependant que le Prince sache s'adapter au « vent et [aux] accidents de la fortune », qui justifient parfois des méthodes brutales. Cette troisième partie met donc l'accent sur le fait que le Prince a le devoir d'assurer la stabilité de l'Etat, et que ce devoir le place au-dessus de la morale ordinaire. Parfois, remplir son devoir en tant que Prince signifiera donc user de méthodes amorales.

Machiavel expose donc dans cet extrait ses convictions quant à la manière de gouverner : le Prince doit savoir maintenir l'Etat, en usant tantôt de la ruse, en soignant son « image », tantôt de la force, lorsque les évènements l'imposent.

Cela nous amène à réagir à la thèse soutenue par Machiavel, et à nous poser le problème suivant : en politique, la pratique du pouvoir doit-elle se soumettre à la morale, ou en contraire s'en affranchir ? Plusieurs auteurs, dont Carl Schmitt, ont lu Machiavel et ont tenté d'apporter à cette problématique des éléments de réponse, en s'appuyant sur la thèse de Machiavel. Cependant, plusieurs des arguments de Carl Schmitt comme de Machiavel peuvent être jugés irrecevables, comme nous permet de le démontrer Kant.

Qu'en est-il de ceux qui pensent que la politique ne doit pas être associée à la morale ? La thèse de Machiavel ne laisse pas la place au doute : selon lui, le Prince, puisque ses devoirs se situent au-delà des devoirs du citoyen, peut faire des entorses à la morale à l'occasion.

Carl Schmitt se propose d' « éclairer », pour ainsi dire, la thèse de Machiavel, et tente de démontrer en quoi la violence est inévitable dans le domaine de la politique.

Dans son plus célèbre texte, Notion du politique, Carl Schmitt tente de trouver le critère qui permet de déterminer l'appartenance à la sphère politique, la distinguant des sphères économique, morale. Il

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