DissertationsEnLigne.com - Dissertations gratuites, mémoires, discours et notes de recherche
Recherche

Mort d'Un Milicien

Compte Rendu : Mort d'Un Milicien. Rechercher de 53 000+ Dissertation Gratuites et Mémoires
Page 1 sur 6

tout autant que par la chaleur de la terre et l’immensité des horizons : “Il y a autour de ce sacrifice lumineux, suspendu en plein ciel, quelque chose de solaire et d’océanique, qui le soustrait à la rubrique“horreur de la guerre”.”

Entre la vie et la mort

Si cette photo est devenue une icône, c’est bien parce qu’elle a su immortaliser un instant fugitif ; le passage de la vie à la mort, terriblement matérialisé par la chute de l’homme sur l’herbe. Le temps est comme suspendu. Le soldat tombe, lâche son fusil, emblème de sa lutte contre le fascisme, et cette photographie symbolise rapidement l’Espagne et sa République abandonné par les démocraties. Deux héros s’offre ici à nous : le milicien et le reporter. Tous deux mettent leur vie en péril : au service des valeurs républicaines, pour l’un, au service de la liberté de l’information, pour notre photographe.

Juste un peu flou

Le décor de cette scène est presque entièrement flou. Signe tangible que la photo est une image d’information, prise sur le vif. On renonce à l’esthétisme parfait chez les reporters parce que le flou est également une preuve d’authenticité. Il deviendra même la marque de fabrique des photojournalistes. Ainsi, en 1944, Capa couvre le débarquement de Normandie. Le magazine Lifepublie ses images et affirme qu’en raison du tremblement du photographe, elles sont “justes un peu floues”. Par dérision, Capa reprendra ses mots pour titrer ses mémoires de guerre.

Au cœur de l’action

Comment Capa a-t-il pu prendre cette image de soi près ? Grâce à une innovation de l’époque : l’appareil Leica, petit et léger, que son ami Henri Cartier-Bresson utilisait aussi. Capa se déplace ainsi aisément. Il semble ici aux pieds du soldat chancelant, isolé dans le cadre, légèrement en contre-plongée, ce qui renforce la proximité du reporter et du milicien, et place le spectateur en plein cœur de l’action. Illustration concrète du célèbre conseil de Capa : “Si ta photo n’est pas bonne, c’est que tu n’étais pas assez près”.

1. Il s'agit d'un instantané de presse, pris dans l'instant, non posé. La photographie fixe ce qui est presque imperceptible pour l'œil. Cette photo témoigne d'un moment clé du photojournalisme pour plusieurs raisons :

- elle a été réalisée avec un Leica, appareil léger au format réduit utilisant une pellicule 24x36 et permettant de prendre des clichés au plus près de l'action,

- elle est une photographie instantanée qui donne l'illusion de la vie capturée dans son déroulement,

- elle est la première photo personnalisée d'un conflit et change la représentation de la guerre en remplaçant les photos militaires anonymes publiées jusque-là.

Comme beaucoup d'autres photos stéréotypées de la guerre, elle fonctionne selon le principe de l'arrêt sur l'image. " Ces photos, toujours, ressemblent étrangement à un photogramme : le premier bénéfice en est un effet de réel, plus exactement un effet d'instantanéité, d'authenticité. L'arrêt sur l'image, c'est aussi le choix de marquer le moment paroxystique, le moment où le destin bascule, grande figure du récit occidental au rendement imaginaire et métaphysique garanti. Arrêt sur l'image, image de l'arrêt : mort, exécution, arrestation. "2. Elle représente la mort d'un milicien républicain espagnol, un fusil à la main, fauché par une balle au moment de l'assaut. Il s'affaisse comme s'il s'asseyait dans le vide. On ne distingue pas vraiment son visage. L'aspect un peu abstrait de la scène a permis que le personnage devienne un symbole du sacrifice républicain, " à la fois une allégorie de la défense de la république espagnole et la prémonition de sa chute. "3. Le personnage central est isolé à l'extrême-gauche de la photographie : " C 'est au personnage central, de façon très classique, de relayer massivement, dans ces photos, l'imaginaire du lecteur. Il est toujours conforme à un modèle dominant (le consensus en dépend) : c'est un acteur anonyme de l'Histoire, le plus souvent une victime, et de préférence innocente. Par la mise en scène privilégiée de cette figure pathétique, ces photos répètent inlassablement une seule et même proposition : l'Histoire fait des victimes, l'Histoire comme fatalité, la guerre comme mal absolu et comme absurdité. " Régis Debray fait remarquer combien la place du décor est importante et dédramatise en partie la photographie (" la calme beauté du monde ") : " Ce qui surprend ici, c'est l'éclairage, la respiration, les ondulations du chaume en arrière-plan et les nuages dans un ciel de septembre, pommelé, rondelet et venteux. Proximité chaude de la terre, immensité des horizons. Il y a autour de ce sacrifice lumineux, suspendu en plein ciel, quelque chose de solaire et d'océanique, qui le soustrait à la rubrique " horreurs de la guerre " " .4. La vision rapprochée, en contrebas, place le spectateur au sein du chaos. Il s'identifie avec le photographe qui apparaît comme un deuxième acteur. Par ailleurs, en attirant l'attention sur les difficultés de la prise de vue dans un contexte de guerre, ce type de photo légitime la valeur de l'information photographique : c'est vrai, notre reporter était sur le

...

Télécharger au format  txt (8.4 Kb)   pdf (89.2 Kb)   docx (8.8 Kb)  
Voir 5 pages de plus »
Uniquement disponible sur DissertationsEnLigne.com