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Raymond Devos

Note de Recherches : Raymond Devos. Rechercher de 53 000+ Dissertation Gratuites et Mémoires
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homonymes, des paradoxes et des subtilités syntaxiques. Rarement les mots ont été aussi scrutés, aussi dépecés sans pour autant être épuisés. Il les cajolait en multipliant les jongleries et les caresses sémantiques. Pour leur prouver sa reconnaissance, il pouvait leur dire : “Mon immeuble est sens dessus dessous. Tous les locataires du dessous voudraient habiter au dessus.” Quand “une crise de foi devient une crise de foie” ou que “le bout du bout” devient problématique, la quête de sens devient esthétique et également, pour notre plus grand plaisir, poétique. Rien d’étonnant, en réalité, pour un homme qui admirait Bachelard, Tristan Bernard ou Marcel Aymé.

Des histoires…

Mais l’artiste avait un secret. Pour séduire sa compagne lexicale, il lui racontait des histoires. Pas n’importe lesquelles. Des histoires absurdes avec des situations aussi improbables que comiques (un hommage à Alfred Jarry). Il inscrivait les mots dans un contexte déconcertant qui leur permettait d’exister pleinement, de s’épanouir. A la parole s’accordait le mouvement du corps. Devos travaillait au sein du théâtre du Vieux-Colombier ou de la compagnie Jacques Fabbri. Des significations nouvelles apparaissaient. Un visage tout neuf avec des mots très simples. Cette absurdité était source d’une grande intensité et d’une grande profondeur (‘Mon chien c’est quelqu’un’ ou ‘L’Homme qui fait la valise’) car paradoxalement, comme il aimait le préciser, “la mécanique de l’absurde est celle de la raison. L’absurdité, c’est obligatoirement logique, c’est ça qui est inquiétant.” Ainsi devenait-il philosophe et quelquefois moraliste (sans “moraline”), dénonçant à sa manière l’absurdité du racisme ou de la guerre (‘Faites l’amour pas la guerre’, ‘Racisme’, etc.). Son complice de toujours, le pianiste Hervé Guido avait un rôle fondamental pour la mise en scène de ses sketches. Une belle complémentarité où le réalisme et le calme olympien du pianiste s’accordaient avec finesse à la naïveté et à l’excentricité de Devos. La simplicité de la situation devenait l’occasion d’une remise en question de l’absurdité tautologique (‘Xénophobie’), d’un renversement dans l’interrogation. Du type “Que Dieu existe, la question ne se pose pas. Mais que quelqu’un l’ait rencontré avant moi, voilà qui me surprend.”

L’amour des clowns

Devos prenait soin des mots en les faisant rire. Un humour de clown. Fasciné dans son enfance par Footit et Chocolat, les Fratellini ou Chaplin, le comique belge avait la passion de ce jeu de scène très particulier. Il s’était ainsi réapproprié, en intériorisant le nez rouge, cette spécificité clownesque de mélanger le rire et le tragique, provoquant chez le spectateur des sentiments contradictoires comme l’hilarité et la gêne, la joie et la mélancolie. Ce choix d’humour était très contraignant. Il imposait surtout une humilité sincère car, comme le pensait Devos, le clown exprime la condition humaine, la difficulté de vivre, le pathétique de l’existence et les travers de l’esprit de sérieux. Ainsi les mots aiment-ils Devos pour son intégrité. En acceptant la filiation de ces hommes aux pantalons trop longs et aux chaussures cocasses, il refusait de faire rire aux dépens des autres. “Moquons-nous de nous mais pas de quelqu’un”, répétait-il en interview. D’ailleurs, comment ne pas voir dans son affection pour le mime, qu’il a peaufiné à l’école d’Etienne Decroux où il côtoya Marcel Marceau, la symbolique même d’un humour sans méchanceté, sans ressentiment ?

En 1965, Devos interprète dans le film ‘Pierrot le fou’ de Godard un homme mélancolique ou fou, assis dans un port. Il incarne alors avec un talent éblouissant l’harmonie de la joie et de la tristesse à travers un dialogue chanté d’une rare intensité sur le thème de : “Est-ce que vous m’aimez ?”

Une séduction mélodique

Tout amoureux se doit de combler sa partenaire en lui chantant des chansons. Mais comme Devos ne faisait rien comme les autres, il utilisait des instruments oubliés ou en inventait certains pour charmer les mots. Elevé dans une atmosphère musicale (son père était pianiste et sa mère violoniste), l’artiste a tout de suite ressenti l’intérêt de la musique ainsi que le besoin de le révéler sur scène. De la clarinette au piano, en passant par la guitare, la harpe, la trompette et le moins célèbre bandonéon, les mots ont souvent vibré sous le charme indicible de ces sons originaux et magiques. En effet, comment oublier le maniement esthétique et délicat de la scie musicale plein d’une poésie et d’une grâce incroyables ?

La musique représentait, tout comme le mime, un partenaire indispensable aux mots. Devos connaissait les difficultés du discours à exprimer l’inexprimable, à créer une atmosphère teintée de lyrisme et de mélancolie. Et pour ne pas vexer sa bien-aimée, il lui jouait un morceau de clarinette. La cajolait d’une mélodie douce-amère afin de pallier ses défauts si attendrissants.

Le livre comme présent

L’artiste aimait raconter les mots mais aussi les écrire. Probablement

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