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Telmissani

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rins grecs, « assez près des Colonnes d’Hercule », il évoque néanmoins précisément l’Andalousie actuelle, du moins dans son état antique, avant que les invasions berbères et arabes ne substituent leur propre toponymie à celle des Romains. Ainsi le « fleuve Bétis » qui a donné son nom au territoire, la Bétique, n’est autre que le Guadalquivir. Les « Colonnes d’Hercule » sont, pour l’Antiquité, les montagnes qui bordent, du côté de l’Europe et du côté de l’Afrique, le détroit de Gibraltar. « La terre de Tharsis » est l’ancienne dénomination de la péninsule ibérique.

Une contrée tempérée

Fénelon décrit ensuite les conditions climatiques du lieu pour en relever la clémence. « Les hivers y sont tièdes », tandis que « l’ardeur de l’été y est toujours tempérée ». Le régime des vents explique cette absence de saisons extrêmes : les « aquilons », autrement dit les vents du Nord, n’y soufflent jamais alors que les « zéphyrs », ces vents d’ouest, doux, tièdes et agréables dispensent une fraîcheur correctrice au point que « toute l’année n’est qu’un heureux hymen du printemps et de l’automne ». La caractérisation du climat s’achève sur cette métaphore archaïsante pour ancrer un peu plus la géographie dans un contexte antique.

Une région riche

Les conditions climatiques et l’hydrographie permettent une nature méditerranéenne riante composée de « lauriers, de grenadiers, de jasmins et d’autres arbres toujours verts et toujours fleuris ». Mais surtout les sols produisent une « double moisson » assurant le pain quotidien aux populations, tandis que les montagnes nourrissent des « troupeaux, qui fournissent des laines fines recherchées de toutes les nations connues ». Autant dire que cette terre bénie des dieux offre le vivre et le vêtement. Quant au sous-sol, il abrite des métaux précieux.

De fait, l’histoire économique de l’empire romain nous apprend que la Bétique produisait du blé, un vin réputé, et de l’huile.À ces aliments de base s’ajoutaient le lin et l’élevage de moutons. L’Espagne était aussi une région très importante par son sous-sol partout exploité, mais surtout loin de la Bétique, dans le Nord-Ouest, où se trouvaient d’importantes mines d’or ; c’est d’ailleurs en partie pour leur surveillance qu’une légion était basée à León.

L’extrait commence donc par une leçon de géographie plutôt réaliste pour un habitant de l’ancienne Rome, mais va évoluer vers un aspect mythique par la suite.

Un mélange d’âge d’or et d’Éden

Déjà, au début, Fénelon nous avait avertis que ce pays semblait « avoir conservé les délices de l’âge d’or ». Cette expression renvoie à une période mythique de l’humanité qu’Hésiode, Ovide et Virgile ont développé dans leurs œuvres. Ce temps antérieur est décrit comme celui de l’abondance dans une nature généreuse, où tout poussait sans travail, où hommes et animaux domestiques voisinaient en paix avec les bêtes sauvages, où, déjà, les Zéphirs soufflaient une brise rafraîchissante, où la pluie et le soleil permettaient à la terre de prodiguer trois fois l’an ses meilleures productions, notre extrait se contentant de deux, où les hommes vivaient dans l’amitié une totale communauté. Ces caractéristiques se retrouvent bien dans le texte, mais Fénelon affirme qu’il ne s’agit pas d’un âge révolu, mais bien d’une réalité qui pourrait encore revivre. Cette vision utopique finit par rejoindre les pasteurs errants de Platon dans Le Politique, ceux qui ont peut-être inspiré Poussin pour ses « Bergers d’Arcadie ». De plus, à cette vision classique, se superpose sans doute la tradition pastorale biblique de ces hommes vivant de peu et à l’écoute d’un Dieu habitant le silence des grands espaces : Abel, Abraham… C’est à eux tous que pense sans doute le prélat humaniste et théologien quand il écrit « Ils sont presque tous bergers ou laboureurs. » L’important pour Fénelon est de souligner leur « vie simple et frugale ».

La dénonciation de la société actuelle par un diptyque

Des autochtones admirables qui tranchent sur leurs voisins

Ce peuple rural présente des qualités morales exceptionnelles. Notons en premier lieu qu’il en est resté à l’âge du troc, échappant ainsi à la corruption par la monnaie. Nous retrouvons là le reproche biblique adressé à l’argent dont le service éloigne irrémédiablement de Dieu. Ensuite ce peuple refuse de différencier les métaux vils des métaux précieux. Fénelon, pour frapper les esprits dans son souci de l’éloge, recourt à une belle exagération, mais peu crédible : « l’or et l’argent parmi eux employés aux mêmes usages que le fer, par exemple, pour des socs de charrue ». Il faut voir là sans doute une adaptation de la prophétie d’Isaïe : « De leurs épées ils feront des socs de charrues, / et de leurs lances, des faucilles », où la fin de l’or a remplacé la violence guerrière.

Le lecteur peut ensuite découvrir les autres vertus dans la critique hautaine qui ne manque pas de surgir quand sont abordés les liens avec les populations voisines plus puissantes. Les habitants de la Bétique délaissent les arts (ici il faut entendre les techniques, en plus des beaux-arts ou des arts d’agrément) au nom de leur superfluité. Ils recherchent avant tout par une vie simple, la santé et la longévité. Leur bonheur résulte de leur liberté d’esprit à l’égard des richesses, du refus de l’envie mimétique et de sa violence conséquente. C’est bien cette vraie félicité qui justifie les habitants de la Bétique. Leur bonheur est saint puisqu’il résulte de l’ascèse comme dans le monachisme.

Une critique implicite de la France de Louis XIV

Insensiblement, nous passons du tableau vertueux à la critique des voisins. Par des interrogations oratoires, Fénelon anime le réquisitoire en rhéteur classique. Quels sont les reproches adressés au puissant peuple limitrophe ? Le premier est l’inutilité, voire la nocivité des arts. Fénelon vise tout particulièrement les arts du luxe : ameublement, décoration, musique, joaillerie, parfumerie, gastronomie. Si l’on y ajoute « l’art de faire des bâtiments superbes » (superbes a ici le sens d’orgueilleux), le lecteur attentif peut imaginer que la cible est bien Versailles et la cour qu’abrite le palais royal. Montesquieu dans les Lettres persanes reprendra les mêmes critiques de désœuvrement, de futilité, de tyrannie de la mode, notant combien la cour fait vivre un nombre incalculable d’artisans.

La critique se poursuit par le rôle néfaste de cette cour sur les classes sociales qui gravitent autour d’elle. La petite noblesse et la bourgeoisie sont brûlées par l’envie. C’est une période ample accumulant les griefs qui clôt le procès. Fénelon reprend les arguments du « savetier et [du] financier » de La Fontaine pour dénoncer

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