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Imagination, d’une donnée à sa représentation

Dissertation : Imagination, d’une donnée à sa représentation. Rechercher de 53 000+ Dissertation Gratuites et Mémoires

Par   •  6 Avril 2020  •  Dissertation  •  2 045 Mots (9 Pages)  •  476 Vues

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à différentes époques. De par mon expérience personnelle j’ai pu établir une filiation entre ces dernières. Le travail de Facteur Cheval dans son Palais Idéal m’est apparu comme une pratique primitive de ce que l’Imagination Artificielle peut se donner comme objectif à atteindre. L’artiste Grégory Chatonsky étudie et développe ce concept, présent dans son oeuvre Ossuaires. Mon analyse tente d’identifier pour chaque époque le rapport à la diffusion de l’image, au sens de ses supports et de ses outils. Ces oeuvres plus que des reflets, en sont des symptômes. Bien que formellement opposées, les deux se rejoignent en étant le résultat d’une transformation de données par le biais d’une imagination: humaine puis artificielle. Cette comparaison porte un regards sur les effets et influences de la révolution numérique.

Au XIXème les conditions techniques permettent à la presse illustrée accessible aux élites d’entrer dans la culture de masse. En avril 1879, quelques années après l’invention de la carte postale, Ferdi-nand Cheval entame la construction du Palais Idéal dans son jardin. Son instruction a pris fin à l’âge de treize ans. Fils d’éleveur il devient alors apprenti boulanger, et le contact avec la matière dans le pétrissage de la pâte l’ouvre aux préoccupations formelles du travail sculptural. A l’âge de quarante-trois ans, lors d’une marche, son pied bute sur une roche. « C’était une pierre d’achoppement de forme si bizarre que je l’ai mise dans ma poche pour l’admirer à mon aise. (...) Je me suis dit : puisque la nature veut faire la sculpture, je ferai la maçonnerie et l’architecture » Facteur de profession, il construit cet édifice principalement avec des pierres qu’il ramasse lors de ses tournées. Ses formes font références à des épisodes bibliques et mythologiques. Il s’inspire égale-ment des revues, comme le Magazine Pittoresque et la Revue Illustrée, et des cartes postales qu’il achemine auprès des abonnés. Il développe donc dans son œuvre une relecture de documents icono-graphiques de son époque tirés de la presse illustrée et notamment la représentation de pays étran-gers, au temps où le tourisme de masse est encore inexistant. Un imaginaire de “pays exotiques” se diffuse par des gravures et des photographies, les plus largement distribuées sur des cartes postales. Il ingère ces images de lieux inaccessibles lors de ses longs cheminements. En effet, sa tournée quotidienne de facteur lui fait parcourir 33 km par jour. Son travail devient à son tour une image diffusée car le Palais est immortalisé de son vivant puis circule sur des cartes postales. Musée Facteur Cheval Par le soutien d’André Malraux le Palais Idéal est classée en 1969 comme monument historique. Membre du gouvernement de l’époque il déclare que le Palais est: “le seul représentant en architecture de l’art naïf (…) Il serait enfantin de ne pas classer quand c’est nous, Français, qui avons la chance de posséder la seule architecture naïve du monde et attendre qu’elle se détruise. »

Différentes dimensions notamment spirituelles sont présentes dans l’accomplissement de ce travail mené pendant 33 ans. Il est intéressant de se pencher sur celle des références architecturales, et de questionner le sens de leur présence. Son labeur et ses gestes constituent un moyen d’appréhender des lieux lointains et l’architecture de leurs monuments, auxquels l’accès physique lui demeure à jamais impossible à cause de sa condition sociale. Il intègre les informations visuelles de ces formes, sans avoir accès au sens global de leur contexte puis développe une interprétation personnelle de ces données dans sa construction. La construction malgré le terme de Palais ne constitue pas un espace habitable mais un corps en lui-même qui invite à être exploré. La déambulation à l’intérieur de l’édifice transporte au travers des fragments architecturaux issus de différentes cultures. « La grotte où il y a trois géants c’est un peu de l’égyptien, en dessous on voit deux momies que j’ai façonnées et sculptées. Ces trois géants supportent la Tour de Barbarie où dans un oasis croissent les figuiers, les cactus, des palmiers, des aloès, des oliviers gardés par la loutre et le guépard. À la source de la vie j’ai puisé mon génie » Musée Facteur Cheval

Il érige son Palais à l’arrière de son jardin et au terme de sa construction, celui-ci mesure 12m de hauteur et 26m de long. Nommée à l’origine Temple de la Nature l’œuvre revêt une apparence organique et fusionne avec la végétation qui l’entoure. L’aspect général s’impose massivement par une accumulation de formes d’une riche complexité. Les tons se déclinent dans différents ocres et beiges. Il assemble les pierres qu’il récolte lors de ses tournées par de la chaux, du mortier et du ciment. Le choix des matériaux résulte de l’environnement de la région dans lequel le Palais est construit. Le contexte géo-morphologique de la Drôme présente une diversité de faciès et de matériaux naturels (tuf, silex, grès, calcaires, coquillages, etc.) qui ont été utilisés dans la construction du Palais.. Les références architecturales sont présentes de deux manières. Il y a d’une part une grande quantité d’emprunts et d’inspirations de formes et on trouve aussi par ailleurs des citations directes, comme un temple Hindou, une mosquée, un chalet suisse...

L’accumulation de données réalisée par Facteur Cheval constitue une véritable curiosité archéologique. Ce qui m’a interpellé lors de la visite du Palais Idéal, c’est l’étrange lien créé par mon esprit, semblant improbable, avec le travail de Chatonsky. Le lien s’est renforcé par la découverte d’un autre mode de représentation de choses et phénomènes inaccessibles. Après la visite du Palais Idéal, je me suis rendue au Fac Similé de la Grotte Chauvet situé à une centaine de kilomètres. Cette construction présente une nouvelle tentative de restitution d’activités culturelles non-accessibles. Il est difficile pour les scientifiques à l’époque de sa découverte -mais également de la nôtre- de se frayer un chemin vers le sens subtil de l’art pariétal et de ses rituels. Suite à sa découverte en 1994, l’accès à la grotte a été immédiatement restreint et raréfié dans un souci de préservation. L’entrée de la grotte est aujourd’hui condamnée et tenue secrète. Le ministère de la culture a entamé un long processus pluridisciplinaire afin de restituer fidèlement les lieux pour servir à l’édification d’une réplique qui est aussi le plus grand site de restitution jamais construit. On accède à la Grotte Chauvet 2 par une route de montagne sinueuse, à quelques kilomètres à vol d’oiseau de la grotte originale. Ce lieu touristique est un immense parc construit autour du fac similé se trouvant dans une construction en béton cylindrique grande de 3500 m2. Il contient également un musée. Le musée présente dans son espace didactique des scènes naturalistes et des dispositifs interactifs numériques. Des interfaces tactiles permettent au visiteur d’observer, de manipuler et d’interagir avec des animations représentant l’évolution préhistorique du site. Il peut s’instruire sur la géomorphologie du paysage environnant, et de l’intérieur de celle de la grotte. Cet intérieur est reproduit grâce à la technique de la photogrammétrie. Cette technique consiste à produire une copie 3D la plus fidèle possible de la réalité par la modélisation d’un lot d’images. Des mesures sont faites dans la scène représentée sur les images en utilisant la parallaxe obtenue entre celles ci, selon des points de vue différents. Ce procédé s’inspire de la vision stéréoscopique humaine. Il est fréquent de voir dans des scénographies muséales des dispositifs interactifs numériques comme ceux présents dans les expositions du Muséum d’histoire naturelle de Paris par exemple.

La révolution numérique est un processus bouleversant des sociétés occidentales. Elle prend un tournant majeur à la seconde partie du XXème siècle.

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