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Lacan; Cas De L

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e bien difficile de porter a posteriori le diagnostic d’anorexie mentale en s’appuyant essentiellement sur des éléments biographiques, à partir de sources historiques dont la fiabilité a parfois été mise en cause, et surtout dans un contexte historique, médiéval, où n’existe pas de notion de pathologie psychiatrique. Ajoutons, que l’aménorrhée caractéristique de l’anorexie est totalement absente de ces sources historiques compliquant d’autant le rapprochement entre les deux notions. À ces réserves près, on notera que ce point de vue a le mérite de fonder la comparaison entre l’« anorexie sainte » médiévale et l’anorexie mentale contemporaine sur un argument essentiellement sociologique qui souscrit à une thèse féministe. En effet, quelle que soit l’époque, on retrouve l’idée selon laquelle l’anorexie mentale serait un mode de réaction des femmes face à des

1. Ces courants sont représentés par Rudolph M. Bell, professeur d’histoire à la Rutgers University, Caroline W. Bynum, historienne à l’Université Columbia et par Tilman Habermas, psychologue à l’Institut de psychologie de l’université de Berlin. Leurs ouvrages de référence sont : R.M. Bell, L’anorexie sainte. Jeûne et mysticisme du Moyen Âge à nos jours, Paris, PUF, 1994 ; C. Bynum, Jeûnes et festins sacrés. Les femmes et la nourriture dans la spiritualité médiévale, Paris, Cerf, 1994 ; T. Habermas, « Historical continuities and discontinuities between religious and medical interpretations of extreme fasting. The background to Giovanni Brugnoli’s description of two cases of anorexia nervosa in 1875 », History of Psychiatry, 3, 1992, 431-455 ; T. Habermas, « The role of psychiatric and medical traditions in the discovery and description of anorexia nervosa in France, Germany and Italy », Journal of Nervous and Mental Disease, 179, 1991, 360-365 ; T. Habermas, « The psychiatric history of anorexia nervosa and bulimia nervosa : weight-concerns and bulimic symptoms in early case-descriptions », International Journal of Eatings Disorders, 8, 1989, 259-283.

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L’ANOREXIE, UN SYMPTÔME CONTEMPORAIN ?

structures patriarcales oppressives qui les conduisent à un certain type d’abnégation. Le jeûne devient alors pour ces femmes une nouvelle manière d’assumer leur pratique religieuse du côté d’une maîtrise de leur corps et des souffrances qu’elles s’infligent, permettant également d’obtenir, de ce fait, une place dans l’ordre religieux. Il existerait un lien entre le nombre de femmes qui jeûnent et le degré d’autonomie et de reconnaissance accordé aux femmes par la hiérarchie catholique. En d’autres termes, plus cette hiérarchie reconnaîtrait la capacité des saintes à accomplir des œuvres, en dehors des moyens classiques de l’ascèse, plus les cas d’« anorexie sainte » diminueraient. Un autre point de vue, plus anthropologique, consiste à séparer les symptômes des représentations culturelles, sociales, mais aussi médicales et religieuses de l’époque. Dans cette perspective, l’histoire de l’anorexie mentale n’est pas pensée dans une continuité puisqu’il n’est pas possible de retrouver les signes de l’anorexie mentale proprement dite dès le Moyen Âge. En fait, ce n’est qu’à partir du moment où la description de l’anorexie mentale comme maladie est posée par Lasègue et Gull, vers le milieu du XIXe siècle qu’il sera possible de parler d’anorexie mentale. Ainsi, deux voies possibles, soit continue, soit discontinue, apparaissent donc pour situer l’anorexie dans une historicité. Une histoire continue de l’anorexie suppose de faire l’hypothèse qu’il existe un comportement de privation de nourriture, s’accompagnant d’autres signes, présent depuis longtemps, historiquement daté au Moyen Âge. Cette démarche suppose également que l’on en retrouverait la trace dans la forme contemporaine de l’anorexie. Une histoire discontinue de l’anorexie met plutôt en avant l’idée que l’on ne peut pas faire coïncider des signes d’anorexie avec ce que l’on entend aujourd’hui par ce symptôme, à une époque historique où la psychiatrie comme discipline clinique n’était pas fondée. Cette alternative se résout cependant si, au lieu de limiter l’analyse à ce qui dans l’expression manifeste de la privation alimentaire présente des similitudes historiques ou sociologiques, on s’intéresse aux conditions de possibilité de cette privation. C’est ici que la psychanalyse freudienne et lacanienne apporte une autre orientation qui marque sa pertinence ; en effet, si l’oralité constitue un des modes majeurs des liens sociaux, la clinique 141

LA CLINIQUE LACANIENNE N° 6

nous montre que ce lien social est ordonné autour du fantasme oral qui s’articule sur une jouissance perdue. L’ANOREXIQUE ET L’HYSTÉRIQUE : L’IDENTIFICATION AU « RIEN » COMME OBJET A Si l’anorexie est un symptôme de notre époque, c’est parce que l’anorexique ferme le circuit du besoin, dans la mesure où elle vient signifier qu’il se peut que l’on meure de faim, pour ne pas mourir, au sens du désir. Elle ne veut « rien », dans un univers où tout le monde veut « tout ». Elle rappelle une évidence, celle de la dialectique subtile entre l’être et l’avoir, et celle de signifier le manque face à un environnement qui pousserait à la totalité, à l’Un. Lacan dans son séminaire sur le transfert en 1961 (séances des 19 et 26 avril 1961) a proposé un mathème spécifique pour le fantasme de l’hystérique qu’il n’a pas repris plus tard, mais je trouve qu’il est assez éclairant pour ce symptôme, puisqu’il nous dit que l’hystérique s’identifie à l’objet du fantasme de l’Autre, à l’objet a de l’Autre. Voici ce mathème : Une des particularités de cette identification à l’objet a de l’autre chez l’hystérique tient à son intensité, c’est-à-dire, qu’elle peut aller jusqu’au point de provoquer une oblitération radicale du sujet ; c’est pourquoi on trouve le a à la place du . En effet, la formule générale du fantasme a permet de souligner que le fantasme du sujet consiste dans le rapport particulier qu’entretient ce sujet, barré, quasi aboli par sa rencontre du langage et du désir de l’Autre, rapport donc particulier avec un objet a imaginaire privilégié qu’il va chercher chez l’autre afin de faire bouchon à l’objet a réel qui n’est qu’un vide, un manque, consécutif de cette même rencontre du langage. Les objets a imaginaires privilégiés sont pour Lacan, selon les moments de son enseignement entre quatre et six : le sein, les fèces, le regard, la voix et le rien. Un sixième objet a parfois été ajouté mais traité à part, il s’agit du phallus imaginaire, à différencier du phallus symbolique.

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L’ANOREXIE, UN SYMPTÔME CONTEMPORAIN ?

Il apparaît que dans le symptôme anorexique la question de l’identification hystérique au rien semble tout à fait intéressante, ainsi que le rapport particulier de l’objet a au phallus. En effet, la lecture de ce mathème lacanien nous permet de déduire quelques conséquences et quelques hypothèses pour l’abord de ce symptôme. Tout d’abord, dans ce mathème du fantasme de l’hystérique, on remarquera qu’il n’existe plus ni le sujet, ni son fantasme de parlêtre, ni l’objet

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