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Oedipe

Mémoire : Oedipe. Rechercher de 53 000+ Dissertation Gratuites et Mémoires
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s parents. Il presse Mérope de lui dire la vérité, mais les réponses de cette dernière sont énigmatiques. Il consulte alors la Pythie de Delphes qui prédit - sans lever le secret de ses origines - qu'il tuera son père et épousera sa mère. Dans Légendes de la Grèce antique (Payot, 1931), on trouve cette description de sa réaction à la malédiction:

"A l'ouïe de ces paroles, Œdipe fut pris de vertige, il lui sembla que son cœur devenait de pierre et, poussant un cri déchirant, il s'élança hors du temple, sur la voie sacrée, fendant la foule compacte des pèlerins qui s'écartaient devant lui comme des ombres." (1)

Pour comprendre plus encore ce qu'Œdipe a à l'esprit en ce moment très critique, nous avons encore la citation suivante:

"Il se précipita sans rien voir sur le chemin rocailleux et s'engage dans le défilé qui aboutit à un carrefour. Trois routes s'y croisent; il frémit en les apercevant, car la Peur, posant sa froide main sur son cœur, le remplit d'une terreur sauvage et irraisonnée qui grave dans son cerveau en traits ineffaçables l'image de ce lieu néfaste. Tout autour de lui, les monts sourcilleux se dressent menaçants et leurs échos semblent répéter la malédiction de la prêtresse. Il s'en va droit devant lui, comme une bête traquée, ne se détournant ni à droite ni à gauche." (2)

A ce moment précis, Œdipe se trouve face à un vieil homme assis dans un chariot tiré par des mules, entouré de ses fidèles serviteurs. Comme ces derniers lui commandent de s'écarter, il essaye de forcer le passage par la violence. Le vieil homme étend sa main pour l'arrêter, mais Œdipe le jette à bas de son char et retourne sa rage aveugle contre les serviteurs, assommant les uns et égorgeant les autres avec son épée pour frayer son chemin. Sans le savoir, il vient de tuer son père biologique Laïos.

Le meurtre rituel du fils: une vérité intouchable.

Au cœur de la quête d'Œdipe, nous trouvons sa détermination à découvrir la vérité sur ses origines. Sa mère adoptive Mérope et la prêtresse de Delphes ont toutes deux conservé ce secret bien gardé, obligeant le fils à endosser le poids de leur silence. En effet, si Mérope avait informé son fils qu'il était un enfant trouvé, les choses se seraient vraisemblablement déroulées autrement. Mais l'interdit dépassait largement le seul fait de faire connaître une ascendance cachée: ce qui devait resté secret, c'était le meurtre rituel du fils par le père.

Voyons maintenant comment Œdipe s'y prit inconsciemment pour révéler l'intouchable vérité. Son voyage à Delphes, qu'il entreprit seul, avait pour but de lui permettre d'entendre l'oracle d'Apollon, le dieu de la Lumière et de la Vérité. Son parcours le conduisit proche du Mont Cithéron, où il fut exposé et faillit perdre la vie lorsqu'il était enfant. Selon la légende, il fallait un pas assuré et une tête solide pour marcher sur l'étroit sentier rocailleux qui serpentait entre la montagne et la mer, car "les vents s'élancent en hurlant du haut des collines comme les Furies en courroux, précipitant du haut des falaises surplombantes, dans le gouffre béant qui bouillonne au-dessous, tout ce qui s'oppose à leur passage." (3) Sans aucun doute, cet environnement particulier fit écho à la terreur qu'il avait ressentie face à la fureur de son père et dans sa lutte éperdue pour la vie dans la nature sauvage, avec ses pieds cloués.

Plus tard, lorsque la prêtresse prononça la malédiction fatale, celle-ci résonna comme la sentence de mort énoncée par son père. Nous lisons qu'Œdipe fut pris de vertige, ce qui confirme la ré-émergence du traumatisme précoce. En sortant du temple, il revécut la dissociation des émotions générée par l'acte brutal, raison pour laquelle il lui sembla que son cœur devenait pierre. Finalement, il poussa un cri déchirant et plongea dans la remise en acte de sa lutte précoce pour sauver sa vie.

Remarquons combien la réalité présente est incorporée par le processus de dévoilement: les pèlerins sont des ombres, le chemin est un étroit défilé, les monts alentours sont sourcilleux et menaçants. Œdipe est rempli d'une terreur sauvage et irraisonnée, mais poursuit sans rien voir comme une bête traquée. Nous comprenons que ce lieu néfaste représente en réalité la remise en acte de ce qui se produisit des années auparavant sur le Mont Cithéron, dans des circonstances qui furent gravées dans sa mémoire en traits ineffaçables.

Le règne du fils.

A cet endroit, le mythe délivre un message qui n'a - à ma connaissance - jamais été compris auparavant. Au carrefour, le vieil homme qui se trouve devant Œdipe n'est autre que Laïos, son bourreau, entouré de ses hommes de main. Le fils est maintenant un guerrier porté par l'incroyable énergie de sa rage si longtemps réprimée. Il peut revivre l'extrême violence qui lui fut infligée de longues années auparavant par ces mêmes protagonistes et résoudre enfin l'origine même de sa névrose. Lorsque son père lève sa main, il se soustrait à l'inexorable mort en assommant celui-ci et en tuant ses gardes du corps. Faisant cela, il révèle la brutale cruauté de l'ordre patriarcal incarné par le père.

Il n'est pas surprenant que Freud n'ait jamais prêté attention à l'homicide commis par Laïos sur Œdipe, son fils. Fondateur de la psychanalyse, il est lui-même l'incarnation d'une figure paternelle. Mais aucun de ses disciples n'a réalisé que ce crime était à l'origine de la névrose d'Œdipe. Cette évidence apparaît si l'on considère ce qui se passa immédiatement après la mise en acte du traumatisme subi par Œdipe: délivré de la terreur qui enfermait son esprit, il surpasse facilement le Sphinx et devient un roi juste et sage.

Lorsqu'Œdipe quitta Delphes, poursuit la légende, il jura de ne jamais retourner à Corinthe par peur de voir se réaliser la malédiction d'Apollon et prit la direction de Thèbes. Il trouva les habitants dans une profonde détresse. Non seulement leur roi Laïos venait d'être tué par des brigands, pensait-on, mais la ville était ravagée par un terrible monstre. Chaque jour, le Sphinx dévorait l'un d'entre eux parce que personne ne parvenait à résoudre l'énigme qu'il imposait. A ce moment précis, Œdipe et le peuple de Thèbe sont sur le point de rejouer ensemble leur fantasmes respectifs dans une relation leader-groupe. Voyons donc ce que ces protagonistes ont à l'esprit.

Psychogenèse d'un leader.

Après avoir reçu la malédiction, Œdipe s'était juré en lui-même:

"Mourir serait coupable, s'il se trouve, fût-ce aux extrémités de la terre, quelqu'un qui ait besoin du bras d'un homme fort et de l'intelligence d'un homme sage. Jamais plus je ne reverrai Corinthe, la très fameuse, et ma demeure sur les rives de la mer sonore, car si je retournais auprès des miens, je ne serais pour eux qu'un fléau. Je m'en irai donc dans de lointains pays, et j'apporterai quelque bénédiction à ceux qui ne sont pas de mon sang." (4)

Enfant, Œdipe avait été arraché à sa famille biologique et avait dû renouer des liens affectifs avec ses parents adoptifs, Polybe et Mérope. Néanmoins, les circonstances tragiques de son abandon précoce par Jocaste, sa mère de sang, laissèrent des blessures qui ne cicatrisent pas. Exilé depuis sa plus tendre enfance, il ne connut jamais de repos. En décidant de ne pas retourner à Corinthe, auprès de ceux qu'il aime, Œdipe remet en scène cette rupture première. Sa "demeure sur les rives de la mer sonore" - perdue pour toujours -, c'est le sein maternel.

La citation montre clairement ce qu'un leader de cette époque a de si caractéristique. Pour Œdipe, mourir serait une lâcheté parce qu'il a été rendu responsable du crime que ses parents commirent contre lui. Par conséquent, il se vit comme "un fléau". Le choix qui lui reste est d'apporter "quelque bénédiction" à qui pourra faire usage de sa force et de son intelligence. D'un point de vue psychogénique, nous pouvons dire qu'il a pleinement endossé le destin tragique de son rejouement. Ainsi, au peuple de Thèbes, Œdipe peut-il rapidement affirmer: "Je monterai et je défierai le monstre. L'énigme serait bien difficile, en vérité, si je n'arrivais pas à la deviner." (5)

Dans le même temps, les Thébains vivent dans un profond désespoir. Leur roi - une figure paternelle emblématique - est mort et sa dépouille est enterrée loin de son pays natal, au carrefour de trois chemins. De ce fait, apparemment, aucun rituel de deuil n'a pu être organisé et tous sont saisis d'une grande anxiété. "Et chose plus affreuse encore, poursuit la légende, leur ville était ravagée par le Sphinx, monstre terrible à visage de femme, mi-aigle, mi-lion, qui, chaque jour, dévorait un homme, parce qu'il n'y en avait pas un à pouvoir résoudre l'énigme qu'il leur proposait." (6)

L'origine de ce fantasme particulier n'est pas mentionnée, mais nous

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