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Analyse Automne Malade (Apollinaire)

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» et pour sa remarque pleine de commémoration : « pauvre automne ».

Remarquons également que les symboles de la vie sont ici « les roserais » et « les vergers », reflets de la splendeur de la nature.

Ajoutons aussi qu’il évite toutefois de reprendre de manière trop explicite le cliché romantique de la souf­france humaine accordée au deuil de la nature.

Deux champs lexicaux vont s’affronter dans ce poème :

Au champs lexical de la splendeur automnal (« Vergers », « richesse », « fruits mûrs », « fruits », « cueillir », et « adoré » — où l’on retrouve « – doré » comme l’or des feuilles mortes), s’oppose celui de l’hiver destructeur aux portes de l’automne finissant (« malade », « aura neigé », « blan­cheur », « neige », « tombant »).

Mais, à mon sens, le champ lexical dominant est celui de la Mort (deux occurrences : « Tu mour­ras », « meurs ») et de ses symboles comme les « éperviers » qui planent, aux lisières de la Mort, celui de l’éloignement (« aux lisières lointaines ») ou de la tristesse (« les cerfs ont bramé »).

Les mots relevés ci-dessous sont par couples contrastés aux vers 1/3, 4/6/7 et 15 :

« Malade » et « adoré » au vers 1 ;

Au vers 2, l’image de « l’ouragan » soufflant sur « les roseraies » a imagé ce couple beauté fra­gile (« les roseraies »)/rudesse des éléments (« l’ouragan ») ;

Au vers 6, « en blancheur » (« neige »)/« richesse » ;

Au vers 7, « de neige »/« et de fruits sûrs » ;

Au vers 15, « fruits tombants »/« cueille ».

Mais ce sont les vers 8 à 10 qui lèvent le voile sur le sens caché de l’élégie :

« Au fond du ciel

Des éperviers planent

Sur les nixes nicettes aux cheveux verts et naines

Qui n’ont jamais aimé »

« Ces nixes nicettes aux cheveux verts et naines qui n’on jamais aimé » nous rappellent les « sept femmes aux cheveux verts » de “Nuit rhénane”, d’autant que les « nixes » sont les ondines de la mythologie germa­niques, qualifiées de « nicettes », c'est-à-dire de simplettes, et de « naines », ce qui achève de leur donner un aspect inquiétant.

Par rapprochement avec “Nuits Rhénanes” et “La Loreley”, on comprend que ces créatures mythologiques sont une nouvelle incarnation de l’amour-danger, de l’amour impossible, non partagé de ces deux poèmes. Cela rappelle également l’« ombre fatale » de « l’épouse qui me suit » rencontrée dans le « signe » autom­nal (« Le vent et la forêt qui pleurent/toutes leurs larmes en automne feuilles à feuilles »), redisent toute la tristesse du mal d’amour. Le poète retourne donc à son profit la thèse rabattue de l’automne comme il a en­rôlé dans sa poétique la légende de la Loreley.

Dans les deux cas, il trouve dans ces sujets un écho de sa souffrance de mal-aimé. C’est ici, sous le mode de la complicité avec la nature, thème événement romantique que le poète, à la suite de Verlaine, a débarrassé de tout pathos grâce à une prosodie alerte qu’il convient d’étudier dans le second axe.

II. Un poème d’une musicalité libre, propre à Apollinaire

Cette élégie musicale, dont la parenté avec la poésie de Verlaine est indéniable, semble s’inspirer du précepte de ce dernier dans son Art Poétique : « De la musique avant toute chose ».

Les sonorités du vers tendent à composer un tableau sonore en harmonie avec les images.

A la force de « l’ouragan » dont « le souffle » trouve son équivalent dans le « brame du cerf » et les « pleurs du vent », participant les assonances et allitérations en ou/ra/gan du vers 2 ;

La récurrence telle celle du mot « automne » aux vers 1, 5 et 17 :

« Automne malade » et « adoré » ;

« Pauvre automne » ;

« Toutes les larmes en automne feuille à feuille ».

Le balancement « que j’aime »/« que j’aime » au vers 14 ;

Les couples symétriques (« en blancheur et en richesse », « de neige et de fruits mûres », « feuilles à feuilles ») créent un rythme régulier au sens d’une prosodie pourtant très libre.

On sait que les poèmes polymétriques présentant un mélange de vers différents sont assez caractéristiques que la manière d’Apollinaire.

Dans ce poème, l’octosyllabe est privilégié car figurant aux vers 1, 6, 15 et 16. L’alexandrin, quant à lui, re­vient à trois reprises :

Vers 10 : « Sur les nixes nicettes aux cheveux verts et naines » ;

Vers 14 : « Et que j’aime ô saison que j’aime tes rumeurs » ;

Vers 17 : « Toutes leurs larmes en automne feuilles à feuilles ».

On est surpris de constater que dans le recueil Alcools, plus de la moitié des poèmes respectent les règles de versification et privilégient l’alexandrin.

Pourtant, dans ce poème, Apollinaire recours aux vers les plus disparates du vers de 14 ou 15 syllabes au vers 2 : « Tu mourras quand l’ouragan soufflera dans les roseraies ». Il reste que l’alexandrin le plus re­marquable du poème est celui du vers 14 (« Sur les nixes nicettes aux cheveux verts et naines ») dont la ré­gularité contrastée avec les sonorités acidulées en [i] (« les n[i]xes n[i]cettes »). L’effet recherché vise à ren­forcer au cœur de ce paysage automnal, l’élément négatif que constitue l’image des « éperviers », liées à celle des « femmes qui n’ont jamais aimé ».

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