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La Société Et Le Droit

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nstitutions terrestres pour mieux les justifier. Dès lors, toute critique de la religion devenait une critique directement politique.

C’est donc sur cette base que Marx a commencé à examiner la question de l’État. Ce n’est pas une critique purement ancrée dans la théorie mais aussi dans sa propre pratique militante. Comme journaliste, il fait face à la censure, puis il est contraint à l’exil par l’État prussien. Comme révolutionnaire en 1848, il est pourchassé par la police, forcé de quitter Paris, puis Bruxelles pour se réfugier à Londres. Cela explique, à mon sens, certains traits de son analyse : lorsque Marx parle de l’État, il a toujours en tête cet État prussien lourdement bureaucratisé reposant sur une caste militaire.

Lorsqu’il entreprend sa critique de économie politique, c’est-à-dire l’écriture du Capital, Marx ne met pas sa critique de l’État au rancart. Il prévoir un plan de travail immense, qu’il poursuivra toute sa vie mais n’achèvera jamais. Le volume prévu sur l’État n’a donc jamais été écrit. Cela explique, au moins du point de vue théorique, la difficulté d’établir une conception claire de la critique marxiste de l’État.

Il me semble important de rappeler ce que Marx prévoyait dans cet ouvrage, en deux volumes : « État et société bourgeoise, L’impôt ou l’existence des classes improductives, la dette publique, la population » pour le tome I, « L’état vers l’extérieur, colonies, commerce extérieur, cours du change, L’argent comme monnaie internationale. » Le dernier volume, consacré au marché mondial, commençait par « l’empiétement de la société bourgeoise sur l’état ». Autant de thèmes rarement traités par les marxistes, en tout cas du point de vue théorique. La conception marxienne de l’état ne peut donc être résumée à ses implications politiques, puisque qu’elle fait partie intégrante de sa critique de l’économie politique.

Je voudrais attirer l’attention sur les notions de dette publique, d’impôt, et classe improductive. La question de la dette publique commence à attirer l’attention des marxistes actuels, tout simplement parce que c’est devenu un élément central de compréhension du monde actuel. Mais c’est rarement pour eux une construction théorique ancrée au cœur même de l’analyse du capital. Pourtant, même dans ses écrits historiques, ceux-là mêmes qui sont le plus souvent cité à propos de l’État, Marx fait fréquemment référence à la question de la dette publique, dans laquelle il voit l’instrument par lequel la bourgeoisie s’est emparée de l’État. Je reviendrai sur ce phénomène dans ma conférence sur la question des crises économiques. Ce qui est essentiel, c’est que, avec le système de la dette publique, l’État se trouve plongé dans la dépendance vis-à-vis du capital privé, qui lui avance les fonds nécessaires à sa politique et touche en contrepartie des intérêts. C’est donc un mécanisme économique concret qui relie état et capital, bien plus directement que toutes les analyses à caractère sociologique ou idéologique. C’est un phénomène aussi ancien que le capitalisme, dont on peut constater que le développement depuis la fin du Moyen Âge.

L’impôt, quant à lui, ne fait quasiment jamais l’objet d’une analyse. Toutes mes recherches dans la bibliographie marxiste sur le sujet se sont avérées très décevantes. Je crois que cette absence n’est pas neutre. Ce n’est pas un oubli, ce n’est pas une erreur, c’est véritablement un angle mort, quelque chose qu’on ne veut pas voir. Je vais essayer d’expliquer ça, en éclaircissant d’abord un peu c’est une classe improductive.

La notion de travail productif / travail improductif est examinée dans le Capital. Pour le coup, un sujet très abondamment discuté. On peut résumer de manière grossière qu’un travail est productif dans le contexte du capitalisme, à partir du moment où il génère des profits pour le capital, indépendamment du bénéfice réel qu’en retire la société. Mais, quand Marx parle de classe improductive, il s’agit de la classe politique, de la bureaucratie, de l’armée, du clergé, et toutes les couches sociales qui vivent d’une fraction du capital global, sans contribuer directement à sa production. Dans les livres publiés du capital, Marx se contente de ranger l’impôt dans les faux-frais de la production. Cela ne veut pas dire qu’il néglige leur importance, mais que, conformément à sa méthode, il n’en a pas encore besoin dans son analyse : il introduit les éléments un par un dans son raisonnement.

Le moins qu’on puisse dire, c’est que ces faux-frais, c’est-à-dire le revenu de ces classes improductives, n’ont cessés de se développer au cours du XXe siècle, par l’accroissement sans précédent des dépenses publiques, en premier lieu militaires, mais également pour la formation la santé et ainsi de suite. C’est là que les choses se compliquent un peu. En effet, on se trouve alors au croisement de plusieurs catégories qui semblent se confondre. Les dépenses d’éducation ou de santé font partie, dans l’analyse marxiste, du cycle de reproduction du capital, c’est-à-dire qu’ils visent à mettre sur le marché du travail une main-d’œuvre suffisamment formée pour les tâches qu’on lui confie et en suffisamment bonne santé pour cela, même si c’est la lutte de classe qui en définit le niveau. Au cours du XXe siècle, l’État a largement pris en main ce cycle de reproduction, si bien qu’ils apparaissent aujourd’hui comme l’une de ses fonctions essentielles, même si cette immense masse monétaire lui est contestée par le capital privé.

Pour comprendre où je veux en venir, il suffit de comparer avec ce qui se passe dans le capital privé. Quand une société privée propose une assurance-maladie, gère une université ou une prison, tout le monde comprend bien qu’elle ne le fait pas par souci de service public, mais pour faire du profit. Le facteur déterminant va être le pourcentage reversé à ses actionnaires. Dans le cas de l’État, c’est exactement pareil, même si le mécanisme de répartition est différent. L’argent n’entre pas sous forme de capital, mais de taxes et d’impôts, et il ressort sous forme des intérêts de la dette publique d’un côté, des salaires et indemnités de ces fameuses classes improductives, de l’autre. Si on regarde les institutions publiques sous cet angle, c’est-à-dire comme source de revenus d’une couche sociale, d’une série de couches sociales, on s’aperçoit qu’elles forment une classe, certes aussi peu homogène que toutes les autres, mais qui a en commun de puiser ses revenus à la même source. Cela s’étend, à mon sens au secteur parapublic des dirigeants associatifs ou syndicaux, dont l’essentiel des revenus est constitué de subventions publiques, et qui forment souvent les appareils des partis de gauche. Sans entrer dans le détail des mécanismes économiques en jeu, on peut en retenir la principale conclusion politique : le fait que l’impôt soit invisible dans le construction théorique de la gauche, y compris et surtout lorsqu’elle se proclame marxiste, correspond exactement aux intérêts de cette classe sociale : dénoncer la mainmise du capital privé sur cette masse de capitaux afin de proclamer son droit à la gérer « plus rationnellement » - simple défense de ses intérêts de classe. C’est pour cela que je plaide pour une relecture radicale de la théorie de Marx dans ce domaine : c’est, du point de vue théorique, notre meilleure arme contre le capitalisme d’État et le nationalisme de gauche, notre meilleur moyen de réarmer la class ouvrière.

L’étatisme dans le mouvement ouvrier

L’événement qui a sans doute le plus pesé de la conception marxiste de l’État, c’est la fusion des deux partis ouvriers allemands. En effet, le petit parti marxiste fusionna avec le grand parti Lassalien. Dans l’esprit de Marx, cette fusion devait permettre de créer un grand parti ouvrier unifié dans toute l’Allemagne, quelques soient les errements de Lassale, qui croyait en l’aide de l’État prussien pour instaurer le socialisme. Marx considérait que l’existence même d’un parti ouvrier était l’essentiel, et que sa théorie finirait par y triompher. C’est pour cela, par exemple, qu’il a renoncé à publier sa critique incisive du programme du parti. Officiellement, le parti ouvrier est devenu marxiste, mais les théories étatistes de Lassalle ont prévalu sous un déguisement marxiste. Il est revenu sous la forme du révisionnisme de Bernstein puis de Kautsky.

Au XIXe siècle, la classe ouvrière est totalement séparée de l’État. Ce n’est pas un hasard si la question du suffrage universel va être l’une de ses revendications essentielles. La classe ouvrière revendique d’une certaine façon son intégration. La situations change à la fin du XIXe siècle, avec le droit de vote universel qui se généralise, de puissants partis ouvriers réformistes qui entrent dans les parlement, voir comme en Nouvelle-Zélande et en Australie, forment un gouvernement. De nombreuses législations vont progressivement intégrer les travailleurs à la nation, non sans provoquer de vifs débats entre socialistes à l’échelle internationale.

Dès le début du XXe siècle, non seulement les anarchistes, mais aussi la gauche de la social-démocratie internationale réagissent à cet étatisme. En se tournant vers l’anarchisme, comme le hollandais Domela Nieuwenhuis ; soit en recherchant dans les textes historiques de Marx la clef de son analyse de l’État, comme le fera un autre hollandais,

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