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Les Influences Dans Le Rap Algérien

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Dadoua Hadria Nebia

Notre travail se donne comme principale tâche de décrire et d’expliquer la présence du français dans la production artistique de jeunes chanteurs de rap, pour savoir si ce mélange linguistique – qui se présente parfois sous forme d’emprunt et parfois sous forme d’alternance codique – est le résultat du bilinguisme ou multilinguisme qui caractérise la société algérienne ou s’il s’agit d’une nouvelle variation liée à d’autres facteurs sociaux. A partir d’un corpus choisi, nous tenterons de répondre à quelques questions :

- Le français utilisé dans les chansons est-il conforme à des normes morphosyntaxiques et phonétiques prescriptives ou subit-il des transformations qui en font un français « algérianisé » ? - Quelles sont les catégories d’emprunt présentes dans ce corpus ?

1. L’emprunt L’emprunt est un phénomène collectif d’intégration d’éléments d’une langue dans l’autre et se caractérise par le degré d’acceptation de ces éléments dans la communauté emprunteuse. Plusieurs définitions ont été proposées pour définir l’emprunt. Dans leur Dictionnaire de linguistique, J. Dubois et al le définissent de la façon suivante :

« Il y a emprunt quand un parler A utilise et finit par intégrer une unité ou un trait linguistique qui existait précédemment dans un parler B et que A ne possédait pas ; l’unité ou le trait emprunté sont eux-mêmes appelés emprunts » (Dubois et al, 1994 :188).

J. Gumperz, quant à lui, parle de variété, mais n’exclut pas l’intégration, même s’il remplace ce terme par « incorporation » : pour lui, l’emprunt consiste en :

« L’introduction d’une variété dans une autre de mots isolés ou d’expressions idiomatiques brèves figées. Les items en questions sont incorporés dans le système grammatical de la langue qui les emprunte. Ils sont traités comme appartenant à son lexique, en revêtant les caractéristiques morphologiques et entrent dans ses structures syntaxiques. » (Gumperz, 1989 : 64).

D’un point de vue sociolinguistique, il a été proposé de considérer l’emprunt non au niveau du système linguistique, mais au niveau intergroupe, en disant qu’il consiste pour un groupe linguistique, à recevoir des mots ou expressions d’une autre communauté linguistique :

« emprunt est un mot ou une expression qu’une communauté linguistique emprunte à une autre langue qui en général se limite au lexique. C’est un mécanisme normal dans l’évolution de toute langue C’est l’un des procédés qui permet d’accroître son vocabulaire dans divers domaines. » (Sudres, 2001).

Une fois insérés, les mots ou les expressions subissent de façon systématique une transformation qui touche leurs structures phonétique, morphologique et syntaxique. C’est ce que nous allons étudier dans ce corpus choisi dans la chanson rap en Algérie.

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Catégories d’emprunt dans la chanson rap en Algérie L’exemple des groupes: T.O.X, M.B.S et Double Canon

2. La chanson rap en Algérie Au début et dans les premiers albums, le rap algérien a commencé par s’inspirer des modèles américain et français : port d’une tenue vestimentaire de style hip hop, recours à la langue anglaise ou française. Aujourd’hui, chez beaucoup de groupes de rap algérien, apparaît une volonté de se séparer des deux modèles (américain et français) et de créer une mode qui puise sa forme et son contenu dans la culture algérienne. Historiquement, c’est au début des années 1990, qu’apparaissent les premiers groupes rap aux quatre coins du pays, avec une présence marquée à Alger, Oran et Annaba:

« Tout le monde s’accorde à attribuer au chanteur Hamidou (membre du groupe Nomads) la paternité du premier rap officiel… Au début des années 1990.» (Miliani, 2005 : 78).

Ce rap algérien connaîtra une vraie révolution à la fin des années 1990, car la médiatisation a permis aux groupes de sortir de l’underground et de produire en toute liberté :

« Il y a eu un véritable regain médiatique en Algérie autour du rap : émissions sur les radios locales, à la télévision, organisation de festival de hip hop, ainsi que l’édition d’un nombre important de cassettes.» (Miliani, 2005 : 78).

De l’avis de Virolle, le mouvement rap en Algérie « est sans doute le plus important du monde arabe et du monde musulman, quantitativement mais aussi qualitativement. » (2007 : 55). 3. Présentation du corpus Notre corpus rap se compose de six albums qui font un total de quarante deux chansons. Ce choix répond à une volonté de représenter les trois grandes régions de l’Algérie en prenant comme échantillons les villes où le rap a pris forme pour la première fois : M.B.S (Alger), T.O.X (Oran), Lotfi Double Canon (Annaba). Pour vérifier s’il y a eu une évolution dans la thématique des chansons, qui entraîne l’innovation linguistique, et par conséquent de mobiliser d’autres langues en empruntant des termes ou des expressions sous forme d’emprunt ou d’alternance codique, nous avons choisi d’étudier deux albums par groupe, un des années 1990, époque de l’apparition du rap en Algérie, un autre des années 2000, soit une dizaine d’années plus tard. Il faut signaler qu’il ne nous a pas été possible de respecter cette recommandation dans tous nos choix étant donnée l’indisponibilité des albums anciens des groupes comme M.B.S par exemple, en raison des problèmes d’enregistrement et d’édition dont souffrent la majorité des groupes, comme l’explique Hakim rappeur installé depuis quelques années en France : « J’ai travaillé avec Studio Petit Lac à Oran et depuis je suis frustré. Ils n’aiment pas travailler avec les gens du rap, ils préfèrent le rai, j’enregistre chez des amis rappeurs.» (Entretien avec L.B. Hakim).

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Synergies Algérie n° 8 - 2009 pp. 139-147 Boumedini Belkacem, Dadoua Hadria Nebia

Mêmes propos que ceux de Malik membre du groupe T.O.X :

« Les éditeurs vous exigent d’enregistrer en mélangeant dans le même album chansons rap et raï, surtout ici à Oran où le raï est très écouté, il te dit sinon mon produit ne sera pas commercialisé. » (Entretien avec Malik Bourbia).

Ce qui a poussé les groupes à enregistrer par leurs propres moyens comme l’explique Malik :

« Maintenant avec l’évolution de la technologie, les ordinateurs, les logiciels on a tout ce qu’on appelle les home studios on a des studios stable a la maison c’est un PC, un microphone une carte son, plus quelques matériels on enregistre chez nous. » (Entretien avec Malik Bourbia).

Le premier groupe choisi est T.O.X. Nous avons trouvé une facilité à contacter l’un de ses membres (Malik Bourbia) qui nous a remis, à notre demande les manuscrits de chansons de deux albums : trois (03) textes de l’album Ghir hak (comme ça) enregistré en 2000 et dix huit textes (18) de l’album la mix tape enregistré en 2005. Après l’avoir écouté, nous avons écarté le premier album Machi bazaf (pas beaucoup) 1998 parce qu’il contient des chansons dont les textes sont écrits intégralement en français ou en anglais, ce qui n’est pas l’objet de notre étude. Le deuxième groupe que nous avons proposé dans notre corpus est Double Canon composé au début de deux rappeurs, Lotfi et Wahab, avant que le groupe ne se sépare en 1999 date depuis laquelle Lotfi se produit en solo :

« Lotfi de Double Canon est l’un des premiers rappeurs d’Algérie, il a fait son apparition dans la ville d’Annaba au sein du groupe Double Kanon avec Waheb en 1996. » (www. rap-algerien.com).

Nous avons jugé intéressant de choisir sept chansons de différents albums des années 1990 et sept autres chansons de son deuxième album (intitulé Dangereux) enregistré en 2003. Pour le troisième choix, nous avons opté pour deux albums du groupe Algérois M.B.S. Du premier album, Wellew (« Ils sont revenus ») enregistré en 2002 et auquel tous les membres du groupe ont collaboré, nous avons transcrit quatre chansons. Du deuxième Galouli (« Ils m’ont dit ») daté de 2001, (dans lequel Rabah, membre du groupe a enregistré en collaboration avec un chanteur non connu dans le milieu du raï cheb Hmida) notre choix s’est fixé sur trois chansons. Ce corpus représente un panorama assez significatif de la production rap en Algérie dans les trois régions du nord, est, ouest, centre. Les 42 chansons ont été étudiées en tant que textes écrits, grâce aux manuscrits des textes fournis parfois par le groupe (le cas de T.O.X), mais aussi, en tant que production orale, c’est-à-dire à partir des chansons oralisées telles qu’on peut les écouter dans les cassettes. Certains textes ont été trouvés sur des blogs consacrés au rap algérien, puisque le corpus ne se limite pas à un texte écrit. Le corpus a été transcrit en suivant les conventions du guide1édité par l’Institut National des Langues et Civilisations Orientales, conçu par des spécialistes des variétés de l’arabe maghrébin. Certaines chansons2 ont été téléchargées sur

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Catégories d’emprunt dans la chanson rap en Algérie L’exemple des groupes: T.O.X, M.B.S et Double Canon

des sites Internet mais elles ont été harmonisées en graphie latine.

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